Le village du Sappey-en-Chartreuse (38) veut maîtriser son développement urbain

Pour infléchir son développement et éloigner le spectre du "village dortoir de la vallée", Le Sappey-en-Chartreuse (Isère) a engagé une politique d'aménagement urbain volontariste... qui se heurte à l'image d'Epinal du bourg de moyenne montagne.

Commune de moyenne montagne d'un millier d'âmes, Le Sappey-en-Chartreuse est située à la porte du parc naturel régional (PNR) de Chartreuse et à la charnière de l'agglomération grenobloise. Cette situation à l'articulation de deux territoires engendre une interdépendance accrue entre territoires urbains et ceux de moyenne montagne, mais aussi des flux pendulaires et touristiques, ou encore l'arrivée de nouveaux résidents. A cela s'ajoute un problème d'organisation propre à la commune : Le Sappey n'a pas de vrai centre de gravité. Dans le cadre de son contrat de développement diversifié, qui structure l'action communale (lire ci-contre), la mairie a souhaité engager une démarche innovante pour un village de moyenne montagne : un marché de définition visant à élaborer un projet d'aménagement urbain (lire ci-contre). Cette démarche expérimentale est soutenue par un pôle de compétences réunissant le syndicat mixte du schéma directeur, le PNR de Chartreuse, le CAUE (conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement), l'agence d'urbanisme de la région grenobloise (Aurg) et les élus de la commune et ceux de la communauté de communes du Balcon sud de Chartreuse dont fait partie Le Sappey.
Lauréate du marché de définition début 2004, l'agence Les Pressés de la cité s'est vu confier le marché de maîtrise d'oeuvre urbaine avec pour mission "l'aménagement de l'axe central du village et l'étude de deux opérations de réhabilitation".

Transformer la route en rue

En juin 2004, Les Pressés de la cité ont rendu leur copie, construite autour de l'idée de resserrement et de réorganisation du centre-village autour de son axe principal qu'est la voie départementale. "Nous voulons recréer un espace de vie en transformant la route en rue", résume le maire Roger Caracache. En découlent les principes d'aménagement suivants : la reconfiguration de la départementale 512 à l'entrée et dans sa traversée du village (rétrécissement de la chaussée, création de chicanes), l'aménagement de la place (avec notamment l'achat d'un bâtiment qui devrait regrouper, à moyen terme, mairie, bibliothèque et services publics) et d'espaces publics dédiés au piéton. Pour accompagner cette restructuration et dans le but de satisfaire les besoins des habitants et des nouveaux arrivants, la commune souhaitait accueillir deux opérations de logements sur les friches situées à l'entrée et à la sortie du centre-village.
A l'entrée sud du village sera menée la réhabilitation de bâtiments vacants. L'opération, déjà engagée, prévoyait initialement douze logements locatifs privés, pour plus de souplesse. Elle sera complétée par une seconde tranche de dix à douze logements en accession et location, ainsi que de deux à trois commerces et services sur 200 m2 et des parkings. Au nord, le projet initié par la commune consiste en une opération de douze logements locatifs sociaux confiés au bailleur isérois Actis, sur une friche artisanale.

Deux gros points d'achoppement

Mais si les terrains devant accueillir les nouveaux programmes de logements sont actuellement à l'état de friches, c'est parce qu'ils sont situés en zone inconstructible, en raison du risque torrentiel lié à la Loue, la rivière qui traverse le village et en constitue le second axe. En vertu d'un schéma d'aménagement et de sécurisation (consistant à remettre la Loue à l'air libre pour limiter les risques d'embâcle) présenté par la commune, le préfet a donné son accord à la révision partielle du plan de prévention des risques pour permettre la réalisation des projets situés dans le périmètre de la Loue. "Cette demande est exceptionnelle et n'a pu être acceptée par le préfet qu'en raison du caractère d'intérêt général de ces projets d'aménagement", souligne le maire.
Autre point d'achoppement : une poignée de riverains s'oppose au programme de logements sociaux et des recours ont été déposés pour empêcher la construction du bâtiment collectif. Ce qui laisse la mairie perplexe car la population a pu s'exprimer à moult reprises et le projet a bien été avalisé par une consultation publique. Qu'est-ce qui déplaît tant dans ce bâtiment imaginé pourtant "sur deux niveaux pour en limiter la hauteur, adossé à la pente pour éviter les terrassements lourds et l'intégrer le plus harmonieusement possible au pied de la pente" ? Roger Caracache donne la réponse : "Ce sont en fait des rurbains qui font barrage, attachés à une image d'Epinal des villages de moyenne montagne..."

Séverine Cattiaux / Innovapresse Grenoble pour Localtis

"Faire bénéficier ce projet à enjeu d'un apport intellectuel maximal"

Roger Caracache est maire du Sappey-en-Chartreuse et vice-président du parc naturel régional de Chartreuse. L'élu revient sur trois aspects du projet.

Comment cet aménagement est-il financé ?

La première tranche de travaux (maîtrise d'ouvrage commune) s'élève à 800.000 euros, abondé à hauteur de 50% par le conseil général dans le cadre du contrat de développement diversifié. Participent également le Fnadt (Fonds national d'aménagement et de développement du territoire : 50.000 euros), un sénateur (réserve parlementaire : 20.000 euros), la région par le biais du parc naturel régional de Chartreuse, l'Etat. S'y ajoutent des crédits classiques... La seconde tranche (maîtrise d'ouvrage : communauté de communes) s'élève à 250.000 euros, abondée par le conseil général et des financements extérieurs.

Après un marché de définition, un concours de maîtrise d'oeuvre urbaine, vous relancez la compétition pour les aménagements...

Oui, le marché de définition a permis d'atteindre ce qui nous semblait primordial : mobiliser tous les acteurs publics et faire bénéficier ce projet à enjeu d'un apport intellectuel maximal, issus de nombreux organismes (Aurg, CAUE, syndicat mixte Saône Doubs...). En tant que maître d'oeuvre, Les Pressés de la cité ont ensuite réalisé un bon travail de diagnostic spatial. Pour les détails et le fonctionnement concret de chaque partie du projet, nous souhaitons restimuler la créativité !

Vous exprimez de fortes velléités en terme d'habitat de moyenne montagne...

D'une part, il y a la notion d'accès au logement pour tous. Le marché tendu ne joue pas en faveur de la location. Or dans le parcours résidentiel des habitants, celui d'un jeune couple par exemple, mais aussi de personnes âgées, la possibilité de location de petits appartements est essentielle. D'où les efforts de la commune pour équilibrer les dérives du marché... D'autre part, en terme d'architecture, je suis en faveur d'un habitat de montagne qui évolue dans le sens de la modernité...

Un marché d'études de définition : une première pour une station de moyenne montagne

"Il est rare que des marchés d'études de définition aient pour objet des espaces aussi complexes de moyenne montagne", fait remarquer Frédéric Pontoire, qui a suivi Le Sappey-en-Chartreuse au titre de chargé d'études Territoires de l'agence d'urbanisme de la région grenobloise (Aurg). L'alternative aurait été de suivre une démarche traditionnelle fondée sur l'élaboration par le maître d'ouvrage d'études préalables, du diagnostic, et d'un programme, base d'un concours de maîtrise d'oeuvre... La mairie a voulu ouvrir le plus de pistes possibles. "En fait, on s'est aperçu que les grandes orientations des trois cabinets d'études se recoupaient et dégageaient des orientations fortes pour un projet", note le chargé d'études. Marché de définition ou démarche traditionnelle, la commune a bien dû passer par l'incontournable élaboration du cahier des charges. Le CAUE et l'Aurg y ont largement contribué.

Deux grandes catégories d'enjeux ont été pointées. Les premiers enjeux sont liés au développement du village dans son site à long terme : définition de la structure du village à l'échelle communale, les liens entre le centre-village et les hameaux, les limites à l'urbanisation, les statuts des différents types d'espaces, la répartition et le rayonnement des équipements publics, les grandes lignes d'évolution envisageables et les potentialités de développement. La seconde catégorie d'enjeux est liée à l'évolution du tissu urbain central à court et moyen termes : élaboration d'un programme de recomposition urbaine et paysagère pour le centre village appelé à voir son rôle de centre de vie et de services renforcé, détail des possibles traitements urbains, architecturaux et paysagers, formulation d'un projet pré-opérationnel quantifié, estimé et phasé...

Les quatre phases du contrat de développement diversifié de la station du Sappey-en-Chartreuse

La première étape sur laquelle s'est engagée la commune est la création d'un véritable centre-bourg attractif et convivial.

L'aménagement urbain n'est que la première étape d'une stratégie de développement plus global, le contrat de développement diversifié de la station du Sappey faisant office de feuille de route. Ce contrat s'inscrit dans le cadre des dispositions adoptées par le conseil général de l'Isère en faveur des sites de montagne le 18 décembre 2003. Il compte quatre phases. La première, qui consiste à créer un véritable centre-bourg attractif et convivial, est précisément celle sur laquelle planche la commune. La seconde vise à développer "un produit neige" économe en moyens et adossé au Col de Porte. L'enneigement de la station du Sappey-en-Chartreuse est en effet aléatoire. Mais ce handicap peut être compensé par la proximité immédiate du Col de Porte qui bénéficie d'un enneigement plus favorable. Dans la droite ligne de la seconde phase, une troisième étape : développer un "bouquet" d'activités de pleine nature. Il s'agit à ce titre de compenser l'incertitude relative à l'enneigement et d'allonger la saison d'accueil en développant une offre variée d'activités : raquettes, luge, parcours d'orientation...
Dernière pierre de l'édifice, la création d'un lieu d'attraction : la maison de la forêt et de la nature. Pour mener l'ensemble de ces démarches en partenariat, les co-signataires, le conseil général de l'Isère, la commune du Sappey et le parc naturel régional de Chartreuse, ont constitué un comité de pilotage animé par le département.

Aller plus loin sur le web :
 
Site du Sappey-en-Chartreuse
http://perso.wanadoo.fr/sappey-mairie/

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