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L'"écologie industrielle territoriale" a besoin des collectivités pour être consolidée

Green Walley d'Epinal, Florange 2ei, Barter Clusters de Rhône-Alpes… Dans un mémento publié en novembre 2018, France Clusters décrypte les projets menés sur le territoire français dans le domaine de l'économie de proximité, circulaire et l'écologie industrielle, et identifie leurs principaux facteurs de succès, dont l'animation et le financement public.

Mettre en valeur les expériences et initiatives prises par des collectivités locales, des regroupements d'entreprises et des clusters dans le domaine de l'économie de proximité, circulaire et de l'écologie industrielle, en tirer les avantages et témoigner des difficultés rencontrées. C'est l'objectif du mémento de France Clusters, publié en novembre 2018, avec l'appui de l'Institut CDC pour la recherche et de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). "Au total, il y a 200 expériences de ce type en Europe, dont 70 en France, donc il y a des marges de progrès énormes, explique à Localtis Gwénaël Doré, auteur du mémento et directeur de projet à l'Institut national du développement local, mettant en perspective les 30 à 40.000 zones d'activité économique qui existent dans le pays. "Ces projets permettent de relocaliser de l'activité, de conforter un secteur industriel, de développer une activité industrielle et pour les entreprises de valoriser des ressources qu'elles n'exploitaient pas avant."
Dans le domaine de l'écologie industrielle territoriale notamment, qui est une forme de l'économie circulaire, les avantages sont clairs : augmenter l'efficacité des ressources et diminuer l'impact sur l'environnement. Ainsi, l'écologie industrielle "repose sur un principe inspiré des écosystèmes naturels, signale le document, à l'image du fonctionnement des chaînes alimentaires dans le milieu naturel, les déchets et co-produits d'une activité peuvent devenir une ressource pour une autre activité". L'écologie industrielle peut ainsi se traduire par des "synergies de substitution" : dans quel cas les déchets des uns deviennent des ressources pour les autres. Ou par des "synergies de mutualisation" reposant sur le partage des biens, des ressources ou des services (installation mutualisée de traitement et de réutilisation des eaux usées, mutualisation d'une réserve incendie, partage de véhicule…).


Echanger les matières, énergies et compétences et mutualiser les achats, ressources et savoir-faire

Sur ce secteur, le mémento s'intéresse particulièrement à la "Green Walley" d'Epinal. Labellisée en 2010 par la Datar, aujourd'hui Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), cette grappe d'entreprises est dédiée au bois et à l'écoconstruction. Située sur le territoire de la communauté d'agglomération d'Epinal dans les Vosges, le projet permet de développer autour du site d'un papetier norvégien, Norske Skog Golbey, un écosystème qui contribue au développement économique du territoire. Les matières, énergies et compétences sont échangées entre les acteurs. Les infrastructures et l'immobilier sont mutualisés, tout comme les savoir-faire en achats, ressources, maintenance et management. De nouveaux débouchés sont créés, à travers la valorisation des matières premières. Green Valley permet notamment l’achat par un fabricant de panneaux isolants de bois de vapeur et d’énergie à l’entreprise papetière. La démarche est portée à la fois par des entreprises privées (Norske Skog Golbey et le fabricant de laine de bois Pavatex) et par la communauté d’agglomération d’Epinal à travers une société d'économie mixte (SEM) de développement économique.
Autre exemple : Florange e2i, un pôle territorial de coopération économique dédié à l'écologie industrielle qui regroupe différents acteurs (structures de l'économie sociale et solidaire, entreprises, collectivités locales, laboratoires de recherche, université) et qui a été reconnu PTCE en janvier 2014. Il permet d'élaborer des projets dans différents domaines : tri du papier et des déchets d'origine industrielle, recyclage des fenêtres en fin de vie, recyclage des huiles alimentaires usagées.
Conduits dans le cadre de partenariats entre entreprises privées et collectivité publique (intercommunalité, région), ces projets d'écologie industrielle territoriale rassemblent en moyenne des budgets de 150.000 euros mais peuvent monter à 600.000 euros, voire 1,5 million d'euros (c'est le cas d'une grosse structure comme le pôle de compétitivité Axelera). Un financement qui provient en général de l'Europe, de l'Etat, de l'Ademe, des régions et des communautés d'agglomération. Ces structures reposent le plus souvent sur un à trois équivalent temps plein (ETP), parfois plus (dix pour Axelera, douze pour Okhra).

Des financements publics indispensables

Parmi les facteurs de succès identifiés par France Clusters : la proximité physique, l'interconnaissance des acteurs, l'existence d'une structure de coopération des entreprises, l'impulsion politique et la persévérance dans le temps. "Spontanément, ce n'est pas la priorité des entreprises, précise Gwénaël Doré, c'est pour cela qu'il faut absolument un tiers facilitateur, un système mixte public-privé ; le rôle de l'interface est très important."
Mais les difficultés ne sont toutefois pas négligeables, et notamment la différence de temporalité entre les collectivités et les entreprises, mais aussi la lourdeur des aspects administratifs. Par ailleurs, les dépenses en matière de recherche et développement, qui sont indispensables à certains projets comme ceux du PTCE Florante e2i, nécessitent un temps de retour long. Et, comme le souligne le rapport, "on ne peut qu'être frappé par le caractère fragile de ces démarches". La démarche Slide (Synergie Locale Inter-entreprises pour le Développement Economique) menée à l'initiative du Pays de Bruche en Alsace depuis début 2016 est en suspens depuis le printemps 2018 suite au départ de son animateur…
Le rapport cite les points qui doivent être particulièrement pris en compte comme l'identification des ressources présentes et échangeables sur le territoire, mais surtout la capacité à disposer d'une animation territoriale dédiée, et d'un financement public, qui peut éventuellement être dégressif. Enfin, il semble nécessaire de s'assurer des retours financiers des projets (retours sur investissement, réduction des coûts…) pour favoriser l'autofinancement, autour de 30 à 70%. Mais pour Gwénaël Doré, "il faut des financements publics, même dégressifs, car si on se polarise uniquement sur le secteur privé, on va servir uniquement les intérêts privés et au fur et à mesure, les choses s'étioleront". Les objectifs environnementaux ne relèvent pas souvent des préoccupations quotidiennes des entreprises. 
Exemple : le Programme national de synergies Inter-entreprises (PNSI), un projet expérimental d'écologie industrielle créé en juin 2015 sur l'exemple d'un projet britannique de mise en relation directe des entreprises. Au bout des deux années de développement programmées, ce projet n'a pas été renouvelé, par manque de moyens publics et d'animation. Il a pourtant permis d'engranger des bénéfices socio-économiques importants (près de 7 millions d'euros de ventes additionnelles, plus de 500.000 euros économisés, 39 innovations techniques et sociales réalisées et près de 120.000 euros d'investissements publics et privés générés), et des bénéfices environnementaux non négligeables : plus de 25.000 tonnes de déchets réutilisés ou recyclés, 410 MWh d'énergie produite via la valorisation de déchets, 2.163 tonnes de CO2 évités…

 

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