Loi de finances pour 2023 : ce que les collectivités en retiendront

Au terme d'un parcours chaotique, la loi de finances pour 2023 a été publiée au Journal officiel le 31 décembre. Deux jours après la communication par le Conseil constitutionnel d'une décision, qui a censuré notamment deux dispositions (non majeures) qui concernaient les collectivités. Au total, le texte contient nombre de mesures en lien direct avec les finances locales.

Tenu par le calendrier, le gouvernement a forcé l'allure de la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 à coups de 49.3. Mais après l'examen par les parlementaires, il lui restait à franchir l'étape du Conseil constitutionnel. Ce qui fut fait assez aisément.

Dans une décision du 29 décembre, les Sages ont validé l'essentiel du texte, n'écartant que quelques dispositions, au motif qu'elles constituaient des cavaliers budgétaires. Parmi celles-ci, figurent deux mesures concernant les collectivités, qui avaient été introduites par le Sénat (articles 142 et 143).

La première modifiait l'expérimentation que la loi 3DS du 21 février 2022 a ouverte au profit des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB). Jusqu'en 2027, ceux-ci pourront mettre en place une contribution assise sur le produit de la fiscalité locale (taxe d'habitation, taxes foncières et cotisation foncière des entreprises). Le PLF pour 2023 élargissait les missions pouvant donner lieu à la création par les EPTB de cette contribution fiscalisée, pouvant être instituée en remplacement de la contribution budgétaire des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres de l'EPTB. Cette faculté ne devait plus, en effet, être réservée aux seuls EPTB compétents pour la défense contre les inondations et contre la mer, mais elle devait pouvoir être mise en œuvre au titre de l'ensemble de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi).

La seconde disposition retoquée visait à organiser une conférence de financement des transports publics en Ile-de-France, dans le but de "débattre des solutions à mettre en œuvre pour soutenir les transports publics face à la hausse des coûts de l’énergie et dans la perspective de l’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024".

La CVAE disparaît

En revanche, le Conseil constitutionnel a validé l'article 212, qui instaure le principe de la participation des travailleurs - sauf les chômeurs et les salariés ayant construit un projet avec leur employeur - au financement de leurs formations, dans le cadre du compte personnel de formation. Il a aussi acté la prolongation de la possibilité pour les employeurs publics de recruter des médecins du travail contractuels dont l'âge dépasse 67 ans (article 160). Les députés à l'origine de la saisine du Conseil constitutionnel considéraient, eux, que ces mesures n'avaient pas leur place dans la loi de finances.

Le gouvernement est donc parvenu à faire aboutir le budget pour 2023. Un texte copieux pour les collectivités. En effet, celui-ci concrétise l'engagement qu'avait pris Emmanuel Macron lors de la campagne pour l'élection présidentielle de supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). En sachant que, suivant les arbitrages pris à la fin de l'été, la mesure sera mise en œuvre en deux ans (article 55). La CVAE payée par les entreprises sera réduite de moitié en 2023, puis elle sera entièrement supprimée l’année suivante. La fiscalité sur les entreprises sera allégée au total de près de 8 milliards d’euros. Mais, dès 2023, les collectivités ne toucheront plus de recettes de CVAE. Les communes et leurs intercommunalités seront compensées intégralement par une fraction de TVA égale à la moyenne des montants de CVAE perçus entre 2020 et 2023. La dynamique annuelle de cette fraction sera, elle, affectée à un fonds national de l’attractivité économique des territoires, dont les critères seront définis par décret. Les départements percevront quant à eux une fraction dynamique de TVA.

Dotation globale de fonctionnement : + 320 millions d'euros

En matière de fiscalité locale, la LFI pour 2023 prévoit aussi, entre autres, une extension du nombre des communes pouvant instaurer la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. En effet, cette faculté ne sera plus seulement réservée aux communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50.000 habitants. On retiendra aussi qu'après avoir été rendu obligatoire par la loi de finances pour 2022, le partage de la taxe d'aménagement entre les communes et leur intercommunalité redevient facultatif dès cette année.

Toujours à noter : l'entrée en vigueur de la mise à jour des paramètres de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels est décalée de deux ans, de 2023 à 2025 (art. 103). Un report de deux années est également prévu pour la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation (art. 106) : celle-ci ne sera prise en compte dans les bases d'imposition locale qu'en 2028 (au lieu de 2026).

En matière de dotations, la LFI pour 2023 amorce une augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF), après 12 années de gel ou de baisse. Avec les 320 millions d'euros supplémentaires engagés par l'Etat, la dotation forfaitaire des communes et la dotation de compensation des intercommunalités à fiscalité propre ne seront pas rabotées. Au total, "95 % des communes" verront leur DGF "augmentée ou stabilisée" en 2023, selon Bercy.  Sur ce montant, 200 millions d'euros seront affectés à la croissance de la dotation de solidarité rurale (DSR) - en sachant qu'au moins 60 % bénéficieront à la part péréquation – et 90 millions d'euros iront à l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Cependant, le total de cette enveloppe supplémentaire sera loin de compenser l'inflation, comme l'ont pointé les associations d'élus locaux.

Le Fpic évolue

Le texte contient également plusieurs dispositions techniques, d'une importance non négligeable, sur les dotations aux collectivités. Ainsi, les évolutions des attributions de DSR "cible" - qui, pour rappel, bénéficient aux 10.000 communes rurales les plus défavorisées - seront encadrées, à partir de 2023 (article 195). D'une année à l'autre, une commune ne pourra ni subir une perte de plus de 10%, ni enregistrer un gain supérieur à 20%.

Concernant le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic, 1 milliard d'euros en 2023), deux décisions importantes ont été prises. D'abord, la condition d'éligibilité liée à l'effort fiscal de l'ensemble intercommunal (celui-ci est dit "agrégé") est supprimée. Depuis 2016, l'effort fiscal devait être supérieur à 1. Sans la mesure, de nombreux ensembles intercommunaux perdraient le bénéfice du Fpic dans les prochaines années. Une autre mesure met en place une garantie de sortie progressive de l’éligibilité au reversement du Fpic sur 4 années (90%, 70%, 50% puis 25% du reversement perçu l’année précédant la perte d’éligibilité). Jusqu'à présent, les ensembles intercommunaux perdant l’éligibilité au reversement du Fpic percevaient une garantie de sortie d’une année, égale à 50% de l’attribution perçue l’année précédente.

La LFI pour 2023 prévoit, par ailleurs, une enveloppe de 2 milliards d'euros en autorisation d'engagement et 500 millions d'euros en crédits de paiement pour le fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, plus connu sous le nom de "fonds vert" (article 131).

Filet de sécurité

En complément, pour "protéger la capacité des collectivités à investir face à la hausse des prix de l’énergie", un "soutien financier de 2,5 milliards d’euros" est déployé, via deux dispositifs, soulignent le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire et le ministre délégué chargé des Comptes publics, Gabriel Attal. D'abord, un filet de sécurité centré sur les dépenses énergétiques bénéficiera, sous certaines conditions, à l'ensemble des collectivités et de leurs groupements. Les collectivités qui ne sont pas éligibles aux tarifs réglementés pourront aussi compter sur l'"amortisseur électricité". Il s'agira d'une prise en charge partielle par l'Etat de la facture des collectivités, qui interviendra dès que le prix payé sur le contrat dépassera les 180 euros par MWh, dans la limite de 320 euros par MWh.

Un grand absent de la LFI pour 2023 : le "pacte de confiance" qui pouvait permettre de sanctionner des collectivités en cas de dérapage des dépenses de fonctionnement. Le gouvernement a préféré retirer du texte la mesure controversée. On notera qu'il ne l'a pas réintégrée dans l'autre grand texte financier du moment, le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027, dont l'examen parlementaire en nouvelle lecture doit théoriquement se poursuivre au cours du premier semestre 2023. Seul l'objectif (non contraignant) d'évolution de la dépense locale (Odedel) devrait demeurer dans le texte.

 

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