Commande publique - Manquement partiel de la France à la transposition des procédures de recours offerts aux entreprises

Dans un arrêt du 11 juin 2009, la Cour de justice des Communautés européennes a condamné la France pour manquement partiel à la transposition des procédures de recours offertes aux entreprises lors de la passation des marchés publics. Cette décision est intéressante car elle doit être lue à la lumière de l'ordonnance du 7 mai 2009, qui transpose  la directive Recours et qui a pour objet, non seulement de créer le nouveau référé contractuel, mais aussi de mettre en conformité les dispositions du droit interne avec les dispositions du droit communautaire.
En l'espèce, la Commission poursuivait la France pour avoir adopté et maintenu en vigueur l'article 44-I du décret 2005 1308 du 20 octobre 2005 relatif aux marchés passés par les entités adjudicatrices, l'article 46-I du décret 2005 1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs et l'article 80 I 1° du décret 2006-975 du 1er août 2006 portant Code des marchés publics, dans la mesure où ces dispositions prévoient la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs et/ou entités adjudicatrices de réduire le délai raisonnable à respecter entre la notification de la décision d'attribution du marché aux soumissionnaires et la signature du marché sans aucune limite de temps et sans aucune condition objective fixée préalablement par la réglementation nationale.
En outre,  la Commission reproche à la France d'avoir adopté et maintenu en vigueur l'article 1441 1 du nouveau code de procédure civile, tel que modifié par le décret 2005 1308, dans la mesure où cette disposition prévoit un délai de dix jours pour la réponse du pouvoir adjudicateur concerné interdisant tout référé précontractuel avant ladite réponse et sans que ce délai suspende le délai à respecter entre la notification de la décision d'attribution du marché aux soumissionnaires et la signature du marché.
Sur le premier grief, le juge communautaire rejette les arguments de la Commission. Il considère que le droit européen des marchés publics tel qu'issu des directives 89/665, 92/13 et 2007/66 prévoit "qu'un délai raisonnable doit s'écouler entre le moment où la décision d'attribution du marché est notifiée aux soumissionnaires évincés et la conclusion du contrat, afin de permettre à ces derniers, notamment, d'introduire une demande de mesures provisoires jusqu'à ladite conclusion". En l'espèce, les articles 44-I, 46-I et 80-I-1° prévoient que le délai de suspension de la signature du contrat ne peut être réduit, en cas d'urgence, que "dans des proportions adaptées à la situation". La Cour de justice interprète ces dispositions comme définissant une obligation, pour le pouvoir adjudicateur, de respecter le principe de proportionnalité et de justifier toute réduction de délai "au regard de la situation". Dès lors, selon la Cour, le droit français est compatible avec le droit communautaire puisqu'il "laisse un délai raisonnable aux opérateurs évincés pour leur permettre de présenter un recours".
En revanche, sur le second grief, la Cour valide le raisonnement de la Commission européenne et sanctionne la France pour manquement partiel au droit communautaire. Selon la Cour et la Commission, l'article 1441-1 du nouveau code de procédure civile a pour effet, dans certaines conditions, de ne laisser, entre la notification de ladite décision aux candidats et soumissionnaires évincés et la conclusion du contrat, aucun délai permettant à ceux-ci d'introduire un recours juridictionnel. En effet, il résulte de cet article une impossibilité pour les candidats et soumissionnaires évincés de faire usage du référé précontractuel dans les cas où la réponse ou l'absence de réponse ne serait connue qu'à la date de l'expiration de ce délai de dix jours. La Cour ajoute que "l'effet utile des directives 89/665 et 92/13 est mis en cause dès lors que le seul recours possible est celui devant les juges du fond. En effet, dans le cas où le contrat a déjà été signé, le fait que le seul contrôle juridictionnel prévu soit un contrôle a posteriori revient à exclure la possibilité d'introduire un recours à un stade où les violations peuvent encore être corrigées". Le droit national ne doit pas avoir pour effet d'éliminer toute possibilité d'introduire un référé précontractuel, c'est contraire au droit communautaire.


L'Apasp

 

 

Référence : CJCE, 11 juin 2009, Commission contre République française, aff. C-327/08

 

L'article 1441-1 du nouveau code de procédure civile

"Toute personne habilitée à introduire un recours dans les conditions prévues au 1° de l'article 24 et au 1° de l'article 33 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par les personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics doit, si elle entend engager une telle action, mettre préalablement en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la personne morale tenue aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation du contrat de s'y conformer. En cas de refus ou d'absence de réponse dans un délai de dix jours, l'auteur de la mise en demeure peut saisir le président de la juridiction compétente ou son délégué, qui statue dans un délai de vingt jours."

 

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