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Marchés publics : oui aux critères sociaux, non à la RSE

Peut-on faire de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) un critère d'attribution de marché public ? Le Conseil d'Etat a répondu par la négative, estimant qu'un tel critère était trop général.

En l’espèce, Nantes Métropole avait lancé une procédure pour la passation d’un accord-cadre multi-attributaires portant sur la réalisation de travaux d’impression. Suite au rejet de son offre, la société Chiffoleau a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif (TA) de Nantes. Ce dernier a fait droit à sa demande et a donc annulé l’appel d’offres engagé par la collectivité. Nantes Métropole a alors saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.
Lors de l’audience qui s’est tenue au Palais-Royal le 7 mai 2018, Gilles Pellissier, rapporteur public sur cette affaire, a tout d’abord rappelé qu’en vertu des articles 52 de l’ordonnance Marchés publics et 62 du décret s’y rattachant, des considérations sociales et environnementales peuvent être prises en compte pour l’attribution ou l’exécution d’un marché public. De tels critères doivent toutefois présenter un lien suffisamment direct avec l’objet du marché ou ses conditions d’exécution.
En l’espèce, se posait donc la question de savoir si la mise en place d’un critère RSE, pondéré à hauteur de 15% de la note globale, était possible.

Un critère trop général

Confirmant la position du TA, le Conseil d’Etat a estimé que la procédure d’attribution de cet accord-cadre multi-attributaires devait être annulée car le critère RSE n’était pas suffisamment lié à l’objet du marché. En effet, ce critère repose sur "la politique générale de l’entreprise en matière sociale, appréciée au regard de l’ensemble de son activité". Les juges de cassation se sont également appuyés sur le fait que l’acheteur imposait ce critère indistinctement à l’ensemble de ses marchés, et donc "indépendamment de l’objet ou des conditions d’exécution propres au marché en cause". Basée sur l’appréciation d’éléments généraux tels que "la lutte contre les discriminations" ou "la sécurité et la santé du personnel", le critère de la RSE ne s’attachait donc pas aux "éléments spécifiques de réalisation des travaux d’impression prévus par le contrat".
Faute d’être suffisamment liée à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, la RSE ne peut donc être considérée comme un critère de marché public. Le Conseil d’Etat a alors confirmé l’annulation de la procédure de passation de cet accord-cadre.

La RSE, plutôt un label pour le Cese

Pourtant, lors de l’audience, l’avocat de la collectivité avait interrogé les juges, rapportant les propos de l’étude du Conseil économique sociale et environnemental (Cese) d’avril 2018. Intitulé "Commande publique responsable : un levier insuffisamment exploité", ce rapport félicitait notamment l’initiative de Nantes Métropole sur la "critérisation" de la RSE dans ses marchés publics. Toutefois, le Cese reconnaît que la RSE peut être considérée, en tant que critère, comme trop éloignée de l’objet du marché, encourageant plutôt les acheteurs à recourir à la notion de label. Il existe en effet des labels RSE, "comprenant des critères objectifs et mesurables". Le Cese évoque ainsi dans son étude "la prise en compte de ces labellisations RSE (...) au cours de l’appréciation des offres puisqu’il s’agit bien de 'conditions de production et de commercialisation'".

Référence : CE, 25 mai 2018, n° 417580

 

 

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