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Modification d'un contrat de concession : attention aux dérives...

Dans un arrêt du 15 novembre 2017, le Conseil d’Etat tranche un litige relatif aux règles de modification des contrats de concession. Dans cette affaire, la Haute Juridiction administrative a conclu que les modifications d’un contrat de concession, intervenues en méconnaissance des règles de modification en la matière, étaient de nature à créer un doute sérieux sur leur validité.

En l'espèce, la commune d'Aix-en-Provence avait conclu en 1986 une convention ayant pour objet de concéder la gestion du service public de stationnement hors voirie et du service public de stationnement sur voirie à la société Semepa. Par une nouvelle convention en date du 9 juin 2016, les deux parties ont résilié partiellement la convention de 1986 et totalement celle de 2003 relative à l'exploitation du parc de la Rotonde. La convention de 2016 prévoyait également la cession de parcs de stationnement à la Semepa. Le préfet des Bouches-du-Rhône a déféré cette nouvelle convention au juge des référés du tribunal administratif (TA) de Marseille au motif qu'elle n'était pas valide. Les juges du TA ont accueilli cette demande et suspendu l'exécution de cette convention. La collectivité et la société ont alors fait appel de cette ordonnance mais la cour administrative d'appel (CAA) de Marseille a rejeté leur demande. Elles se sont donc pourvues en cassation devant le Conseil d'Etat.

Les modifications ne doivent pas restreindre la concurrence…

L'article 55 de l'ordonnance Concessions dispose qu'un contrat de concession peut être modifié en cours d'exécution par voie règlementaire sans nouvelle procédure de mise en concurrence. Ces modifications ne doivent cependant pas être substantielles et changer la nature globale du contrat de concession. Pris en application de l'ordonnance précitée, l'article 36 du décret concession dispose qu'"une modification est dite substantielle lorsqu'au moins une des conditions suivantes est remplie : a) Elle introduit des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient attiré davantage de participants ou permis l'admission de candidats ou soumissionnaires autres que ceux initialement admis ou le choix d'une offre autre que celle initialement retenue ; b) elle modifie l'équilibre économique de la concession en faveur du concessionnaire d'une manière qui n'était pas prévue dans le cadre du contrat initial".
Si le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance de la CAA, estimant que cette dernière avait commis des erreurs de droit, il a toutefois rejeté sur le fond les pourvois de la commune et de la société, considérant que la modification des conditions d'exercice du service public était intervenue en méconnaissance des règles précitées. Le Conseil d'Etat a ainsi considéré que le contrat passé en 1986, ayant pour objet la concession du service public de stationnement hors voirie et du service public de stationnement sur voirie, constituait "du fait notamment des conditions de son équilibre financier, un ensemble unique". Ainsi, la résiliation partielle du contrat est une modification devant être regardée, "eu égard à son ampleur, comme changeant la nature globale du contrat initial". Il a également estimé, sur la base du a) de l'article 36 précité, que cette modification avait potentiellement restreint la concurrence.

... ni avoir pour objet le détournement des futures compétences de la métropole

Une clause de la convention en litige prévoyait la vente par la commune de huit parkings dits "hors voirie" à la Semepa. Le Conseil d'Etat a considéré que l'objet de cette convention était illicite puisqu'il revenait à faire obstacle à l'exercice "par la métropole d'Aix-Marseille-Provence, de la compétence en matière de parcs de stationnement" qui lui sera conférée à compter du 1er janvier 2018. Cette vente a effectivement permis à la commune de "se soustraire à l'obligation de céder gratuitement ses parkings à la métropole, ce que la loi lui imposait". Pour sa défense, la commune avançait qu'elle ne pouvait céder gratuitement des équipements payés par ses habitants. La Haute Juridiction administrative a cependant considéré cette manœuvre comme un détournement de pouvoir. Elle a donc rejeté le pourvoi de la commune et de la société, ces éléments étant bien de nature à créer un doute sérieux sur la validité de cette convention.
La suspension de l'exécution de cette convention était donc bien justifiée, tant en raison de l'étendue des modifications que de l'illicéité de son objet.

Référence : CE, 15 novembre 2017, n° 409728

 

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