A Montereau (77), la musique donne du souffle à l'hôpital

Après les clowns, les musiciens ont fait leur entrée dans les hôpitaux. Grâce à leur intervention, ces institutions - traditionnellement lieux de soins - deviennent lieux de culture. La mairie de Montereau (77) a tenté l'expérience en 2002, avant de reconduire l'opération début 2004

En mars 1999, le ministre de la Culture et de la Communication et le secrétaire d'Etat à la Santé signent une convention pour le développement des activités culturelles dans les hôpitaux. Ce "sceau officiel" des représentants du gouvernement a favorisé la promotion d'actions engagées sur le terrain quelques années auparavant. Celles-ci ont notamment été lancées par l'association Musique et Santé, née de la rencontre entre musiciens et professionnels de la santé. Leur travail s'adresse tout particulièrement aux enfants. "La musique est une aire de jeux. Elle va ouvrir et offrir à l'enfant des espaces qu'il va habiter", écrit Philippe Bouteloup, directeur de la structure. Le message trouve vite des adeptes au service culturel de la mairie de Montereau, en Seine-et-Marne. En 2002, dans le cadre du festival de musique Confluence, la municipalité lance un partenariat avec le centre hospitalier de Montereau-Fault-Yonne. Le célèbre harmoniciste Jean-Jacques Milteau parraine l'opération basée sur un parcours rencontre-découverte destiné aux enfants atteints de troubles respiratoires. Des ateliers, des rencontres et des mini-concerts itinérants sont mis en place au sein de l'hôpital. Une sortie pour un récital de Jean-Jacques Milteau est également organisée. Ce jumelage est financé par les principaux acteurs de l'opération : la mairie de Montereau et le centre hospitalier ainsi que la Drac Ile-de-France et la fondation d'un industriel de la restauration rapide.

L'harmonica, un allié pédagogique

Après une année d'interruption, le nouveau directeur des affaires culturelles de Montereau, Rodolphe Bousquet, décide de reprendre le travail initié par son prédécesseur. Cette fois, la mairie prend tout en charge. "L'hôpital n'a pas un sou, déplore le responsable du service municipal. Leur budget peut à peine assumer l'entretien et l'achat de l'équipement médical." La reprise de l'opération est très bien accueillie dans le service pédiatrie du centre hospitalier dirigé par le docteur Branca. L'équipe soignante et les musiciens ont relancé leur collaboration dans le cadre de l'école de l'asthme, "un cours amélioré de gym respiratoire", résume Rodolphe Bousquet. Les partenaires ne changent pas : l'association Musique et Santé s'occupe du suivi de l'opération et Jean-Jacques Milteau parraine à nouveau l'initiative. Le musicien prépare des ateliers autour de l'utilisation de l'harmonica. "Il est ici non seulement un instrument de musique et objet de jeu, mais aussi allié pédagogique pour une meilleure prise de conscience du souffle", explique l'harmoniciste sur son disque pour enfants baptisé "Manque pas d'air". S'il n'est pas, dans sa version 2004, partenaire officiel, le festival Confluence servira de tremplin pour mieux faire connaître l'opération. A l'occasion du concert d'Eddy Mitchell, le 12 juin prochain, Jean-Jacques Milteau viendra présenter son travail avant d'entamer une jam session avec son ancien partenaire musical.

Une méthode qui porte ses fruits

Selon le docteur Cohen-Salmon, président de l'association Musique et Santé, la collaboration entre musiciens et les équipes soignantes porte ses fruits : "J'ai pu constater combien la situation musicale favorisait l'expression des émotions de l'enfant", écrit-il. Un diagnostic confirmé par Rodolphe Bousquet : "Les malades font des progrès sensibles. Le spectacle est impressionnant. Les artistes et les professionnels de la santé se battent véritablement aux côtés des enfants." Pour le service culturel de Montereau, l'intention initiale de l'opération était double : créer des liens privilégiés avec un centre hospitalier et sensibiliser des publics peu habitués à la fréquentation culturelle. Et si l'objectif est atteint, "ce que nous voulons avant tout c'est aider les enfants. Le côté humain vient loin devant les considérations d'ordre politique et culturel", explique ce responsable de la mairie. D'autres projets sont déjà à l'étude. La municipalité souhaite mettre en place des cours de musique au sein du centre hospitalier. Des sorties avec les enfants sont également envisagées. Rodolphe Bousquet espère organiser un concert de Jean-Jacques Milteau à l'extérieur des murs de l'hôpital, uniquement pour les enfants malades. "Les financements font aujourd'hui défaut, regrette le directeur des affaires culturelles de Montereau. L'opération ne sera possible qu'avec le soutien de la Drac."

 

Kattalin Landaburu / Verbe online pour Localtis
 

 

"Je tente de développer la créativité des enfants"


 

Le musicien Dédé Saint-Prix est intervenant pour l'association Musique et Santé.

Comment avez-vous été amené, en tant que musicien, à travailler auprès des enfants malades ?

Avant de me lancer dans la musique, j'ai été instituteur pendant onze ans. Déjà, à cette époque, j'utilisais mes instruments pour communiquer avec mes élèves. Mon tambour, ma flûte de Pan ne me lâchaient pas. Après avoir quitté ce poste, j'ai participé à des projets éducatifs menés par la Cité de la musique à Paris. La collaboration s'est très bien passée et c'est sans doute pour cette raison que ses responsables m'ont mis en contact avec Philippe Bouteloup, directeur de l'association Musique et Santé. Depuis, je suis intervenant pour eux, notamment à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre, au service pédiatrie.

Comment se déroulent les activités lors des ateliers organisés à l'hôpital ?

D'abord, je fais connaissance avec les enfants. Assis en cercle, nous discutons, tentons de créer des liens. Petit à petit, sans les brusquer, j'insère des exercices rythmiques dans la conversation, dans le but de les amener à intérioriser le rythme à travers la parole. Ensemble, nous repérons ces rythmes existants, puis nous essayons d'en créer des nouveaux. Le travail peut aussi se structurer autour des instruments. J'utilise mon tambour, une flûte de Pan mais aussi des coquillages, par exemple. Ce n'est pas ce que l'on dit qui va rester mais ce que l'on crée, ensemble. C'est pour cette raison que je veux leur donner le choix des instruments, des jeux. Je les pousse également à improviser ou à accompagner. Ils doivent aussi apprendre à écouter les autres.

Pensez-vous les toucher par votre musique ?

Sur le moment, l'effet est difficile à évaluer. Ce sont en général les membres de l'équipe soignante qui sont en mesure de le juger. Certains d'entre eux nous expliquent, parfois, que tel ou tel patient est parvenu à exprimer, de façon plus claire, ses envies et ses besoins après les séances d'exercices rythmiques et musicaux. Je pense néanmoins que par notre travail, nous parvenons à débloquer des sentiments trop intériorisés. La musique leur permet de découvrir une partie d'eux-mêmes qu'ils ne connaissaient pas. Ils prennent ainsi confiance en eux. Nous les aidons mais la réciproque est vraie. Voir la lumière dans les yeux de ces enfants qui se sont pris tant de gifles, c'est un cadeau formidable ! Je tente de développer la créativité des enfants, eux ne cessent d'entretenir la mienne. 
 

 Une association qui rapproche les malades du monde extérieur

 

L'association Musique et Santé a réalisé depuis sa création un travail de terrain considérable. Sa philosophie : "Rétablir un équilibre, mobiliser l'imaginaire et la créativité de chacun".

Musique et Santé a d'abord été l'un des secteurs de l'association Enfance et Musique. En 1997, son responsable Philippe Bouteloup décide de créer une structure dédiée à la santé et au handicap. Il monte alors une association conservant le nom de Musique et Santé dont il devient directeur aux côtés du docteur Cohen-Salmon qui assume depuis sa présidence. Leur travail part du constat suivant : lorsqu'un enfant est hospitalisé, il est coupé de son environnement social. Les malades, souvent souffrants, sont alors confrontés à la solitude et à la détresse morale. Pour les responsables de l'association, "humaniser l'hôpital, c'est chercher à atténuer cette coupure avec l'extérieur". Depuis sa création, Musique et Santé poursuit des activités de formation et de recherche avec les équipes soignantes. Outre le travail mené auprès des enfants et de leurs parents, elle s'ouvre depuis peu à la gériatrie. Ses actions dans les centres hospitaliers ne cessent de se développer. Dans le cadre de la création d'un réseau européen, elle a mis en place des cours de percussion et des ateliers de construction et d'invention d'objets sonores à l'hôpital pédiatrique de Florence. Depuis plusieurs années, l'association travaille en collaboration avec le service de pédopsychiatrie dirigé par le professeur Rufo à Marseille. Des actions similaires ont débuté en 2002 au centre hospitalier universitaire de Toulouse ou dans les services de pédiatrie et de néonatologie du CHU Hautepierre de Strasbourg (avec le soutien de la Caisse des dépots en Alsace). Aujourd'hui, leur objectif est de promouvoir les partenariats à l'image de celui monté à Montereau, car, estime Didier Cohen-Salmon, "les jumelages peuvent permettre de sortir de cette question un peu irritante : si la musique à l'hôpital est une bonne chose, pourquoi certains en bénéficient-ils et pas d'autres ? N'y a-t-il pas là une question de justice, ou, si l'on préfère, d'éthique ?".
 
 

Association Musique et Santé

9, passage Saint Bernard
75011 Paris Paris
musique-sante@wanadoo.fr

Rodolphe Bousquet

Directeur du service culturel à la mairie de Montereau

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