Plan de relance : un euro d'ingénierie territoriale sécurise 117 euros d'investissement public

Pour déployer correctement les 10 milliards d'euros d'investissement public de France Relance prévus pour les projets territoriaux, le besoin en effectifs d'ingénierie amont serait de l'ordre de 80 à 100 consultants à plein temps pendant cinq ans. C'est le calcul effectué par la Scet, filiale de la Caisse des Dépôts, Citadia, Aatiko Conseils et CEI, dans une étude intitulée "L'ingénierie territoriale, une aubaine pour les territoires (et pour la France !)".

Quels sont les effets de l'ingénierie mise en œuvre dans le cadre du plan de relance dans les territoires ? C'est à cette question que s'intéresse l'étude "L'ingénierie territoriale, une aubaine pour les territoires (et pour la France !)" que vient de publier la Scet, filiale de la Caisse des Dépôts, spécialisée dans le conseil aux collectivités et l'appui à l'économie mixte, et les cabinets Citadia (urbanisme et aménagement), Aatiko Conseils (conseil aux bailleurs sociaux) et CEI (conseil immobilier). Le plan de relance prévoit l'équivalent de 10 milliards d'euros pour le soutien aux projets territoriaux. Pour déployer ces financements, la Banque des Territoires et l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) ont mis en place des mécanismes d'appui aux territoires les plus en demande, apportant ainsi des expertises en matière de conception de projets, d'aménagement, de développement économique, de création de nouveaux équipements collectifs, mais aussi de digital et d'innovation.

A partir du retour d'expérience mené sur l'accompagnement de plus de 400 collectivités locales, l'étude signale un double effet positif de cette ingénierie territoriale. Elle note en premier lieu un impact positif d'accélération et de sécurisation des projets de l'ordre de 25% sur dix à quinze ans pour le territoire concerné. "Mieux qualifiés et structurés, davantage pilotés dans leur phase amont, avec une vitesse de décaissement accélérée, les projets sortent plus rapidement de terre, et donc l'effet d'entraînement significatif sur l'économie locale est, au bout d'un cycle d'investissement, accru", souligne l'étude, qui pointe aussi les difficultés liées au décaissement des financements de France Relance : 47 milliards d'euros, soit près de la moitié du plan de 100 milliards d'euros, avaient bien été engagés à fin octobre 2021, mais seuls 29 milliards d'euros avaient été effectivement consommés.

"Il y a encore des zones où l'ingénierie manque"

L'ingénierie territoriale a aussi un effet d'amélioration qualitative. "Les projets font l'objet d'un portage par des experts, dotés d'une connaissance des meilleures pratiques nationales et internationales, et à même d'avoir des effets positifs", indique le document, précisant que les effets multiplicateurs sont situés à 1,2 ou 1,5 fois l'investissement public plutôt que les 0,8 ou 0,9 de la dépense publique traditionnelle, soit "encore une fois une augmentation cumulée de l'ordre de 35% au terme de l'investissement". Au total, l'étude révèle un effet levier "massif" : un euro de dépense publique consacré à de l'ingénierie territoriale permet de sécuriser en moyenne 117 euros d'investissement public sur cinq ans.

"Pour un flux de financement public de 10 milliards d'euros, soit le soutien accordé dans le cadre du plan de relance aux territoires, il faudrait ainsi mobiliser 80 à 100 personnes pendant cinq ans, explique à Localtis Romain Lucazeau, directeur général de la Scet, il y a des endroits où il y en a assez, et même plus que par le passé, grâce à l'intervention de la Banque des Territoires et de l'ANCT, mais il y a encore des zones où l'ingénierie manque". 

L'étude insiste : "Certains territoires sont appelés à subir une double peine : moins favorisés historiquement et en proie à des difficiles de transitions économiques et démographiques, ils disposent de moins de capacités que les autres à réussir les projets transformants et à relancer leur dynamique."

Une nouvelle "diagonale du vide"

On observe ainsi une concentration autour des grandes métropoles des ressources humaines et des activités tertiaires hautement qualifiées, dont la gestion de projet et, à l'inverse, une "diagonale du vide", entre les Ardennes et la Garonne, où ces activités sont sous-représentées. Dans ces zones, "il faut aller chercher des ressources ailleurs, dans des cabinets d'ingénierie amont, au sein des équipes des grandes métropoles, nous plaidons pour mobiliser tous les moyens possibles, via notamment les groupements d'employeurs, détaille Romain Lucazeau, il y a une vraie prise de conscience du besoin en ingénierie territoriale, nous souhaitons qu'elle soit systématisée".

La Scet préconise ainsi de systématiser les poches de financement de l'ingénierie amont, de financer des équipes mutualisées, et de mobiliser des ressources humaines publiques au-delà des territoires (solidarité entre les différents territoires et fonctions publiques). Les auteurs proposent notamment d'engager des expérimentations en se basant sur les expériences réussies durant la crise Covid-19. Enfin, l'étude préconise de former les agents des collectivités et d'animer les réseaux territoriaux. 'Nous recommandons de ne pas négliger le potentiel de montée en compétences des agents territoriaux eux-mêmes", signale ainsi la note, estimant qu'il faut mettre l'accent sur les territoires moins favorisés, via la formation aux dimensions moins maîtrisées (gestion de projets complexes, dimensions techniques de l'aménagement, de l'immobilier, de la transition environnementale), et dans l'opérationnel même (constitution et animation de réseaux et de communautés de praticiens).