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Plastiques à usage unique : un décret trace la feuille de route jusqu’en 2025

Le premier décret quinquennal de la stratégie de sortie des emballages plastiques à usage unique d'ici à 2040 vient de paraître. Entre zones de flou et défaut d’accompagnement, Amorce, l'association d'élus et d'entreprises chargées de la gestion des déchets, de l'eau et de l’énergie juge toutefois la trajectoire peu crédible.

Le décret relatif aux objectifs de réduction, de réutilisation et de réemploi, et de recyclage des emballages en plastique à usage unique pour la période 2021-2025, dit "décret 3R", est paru ce 30 avril au Journal officiel. Il s’agit du tout premier décret quinquennal prévu par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) avec en ligne de mire la suppression des emballages plastiques à usage unique en 2040. Un gisement d'environ 2,2 millions de tonnes par an pour lequel le réemploi est peu développé et le taux de recyclage est faible (27%).
La consultation publique a été organisée en toute fin d’année alors que paraissait un autre décret d’application de la loi Agec interdisant les pailles, couverts jetables, touillettes, boîtes en polystyrène expansé et autres objets en plastique oxodégradable (lire notre article du 6 janvier 2021). Des travaux préparatoires menés avec les parties prenantes (acteurs économiques, centres techniques industriels, ONG, collectivités locales) l’ont également précédé pour déterminer le potentiel de réduction, de réemploi, et de recyclage des emballages en plastique à l’horizon 2025. Le choix est assumé. Le décret ne porte pas d’interdictions, ni de sanctions et ses objectifs sont collectifs, à entendre au niveau national, sans déclinaison par secteurs, martèle le ministère de la Transition écologique, qui table uniquement sur un renforcement des éco-modulations ("malus").  

Palier intermédiaire

Ce palier correspond à une réduction de 20% des emballages plastiques à usage unique d’ici fin 2025, dont au minimum la moitié obtenue par recours au réemploi et à la réutilisation. Pour cette première période, l’objectif est calculé à partir du tonnage de plastique incorporé dans les emballages à usage unique mis sur le marché, par rapport à l'année de référence 2018. Les données en UVC (unité de vente consommateur) - notion qui n’est d’ailleurs pertinente que pour les emballages ménagers - n’ont aujourd’hui "pas le degré de finesse nécessaire" ni pour apprécier la situation de départ ni pour estimer un potentiel de réduction, souligne le ministère. Le décret ne prévoit de mesurer cet indicateur complémentaire d’UVC qu’à compter de 2023. Et concernant les emballages industriels et commerciaux, tant que la filière REP ne sera pas mise en place (elle doit l’être à compter 2025), il s’agit "plutôt d’une estimation" à partir des rapports de l’Ademe à la Commission européenne. La création de l'Observatoire du réemploi et de la réutilisation devrait cependant permettre, selon le ministère, d'agréger davantage de données dès l'année prochaine. L’incorporation de matière recyclée dans les emballages tout comme le vrac font partie des leviers de réduction envisagés par le décret. En revanche, les plastiques biodégradables ou compostables, biosourcés ou non, font l'objet des mêmes objectifs et ne sont pas considérés comme des alternatives de réduction.

Manque l’accompagnement

"Aucun accompagnement ni monitoring concret de la trajectoire de réduction des Epuu [emballages plastiques à usage unique] ne semblent dessinés, notamment au regard des engagements contractuels de la filière emballage", déplore Amorce, l'association d'élus et d'entreprises chargées de la gestion des déchets, de l'eau et de l’énergie. Pour le moins, elle propose donc qu’un point d‘étape soit planifié, de manière concomitante à la révision du cahier des charges de la filière emballage prévue pour fin 2022. L’enjeu est ici de demander explicitement à l’éco-organisme titulaire de l’agrément (Citéo) de mettre en place des moyens pour répondre aux objectifs cités, et de les inscrire à sa demande complémentaire d’agrément entrant en vigueur au 1er janvier 2022.
Concernant l’objectif de réemploi, c’est un peu la même impression de flou. "Il est regrettable qu’aucun moyen concret de développement des sous-filières de réemploi des emballages et tout autre procédé substituant les Epuu ne soit mentionné", pointe ainsi Delphine Hervier, chargée de mission "prévention et valorisation organique des déchets" d’Amorce en commentaire du texte mis en consultation. Et de conclure qu’il semble "difficile d’espérer un changement drastique des usages et recours actuels aux Epuu par les metteurs sur le marché, surtout dans les délais fixés par la loi Agec". 

L’objectif de "tendre vers 100% de réduction d’ici fin 2025" est circonscrit aux emballages plastiques à usage unique considérés comme "inutiles". C’est-à-dire ceux qui n’ont pas de "fonction technique essentielle" telle qu’une fonction "de protection, sanitaire et d’intégrité des produits, de transport, ou de support d’information règlementaire". Exemple type : les blisters plastiques autour des piles et des ampoules.  Là encore Amorce se montre quelque peu sceptique. "Il apparait comme évident que tous les metteurs sur le marché d’Epuu puissent attester facilement que les Epuu en question assurent une de ces fonctions techniques, sans quoi l’obligation fixée ici peut très aisément être surpassée", remarque l'association. Cette obligation complémentaire a donc "peu de sens" et "une amplitude de réduction des Epuu extrêmement faible, voire nulle", selon Amorce. 

Objectif de recyclage

L’objectif est par ailleurs que ces emballages mis sur le marché soient recyclables, "ne perturbent pas les chaînes de tri ou de recyclage, ne comportent pas de substances ou éléments susceptibles de limiter l’utilisation du matériau recyclé" (noir de carbone, opercules en aluminium, par exemple). L'objectif fixé que tous les emballages en plastique à usage unique mis sur le marché disposent, d'ici 2025, d'une filière de recyclage opérationnelle est "une bonne initiative", se félicite Amorce. Idem pour la régulation telle que proposée par les éco-modulations, "mais il est nécessaire de préciser quel contrôle est opéré pour s’assurer que les éco-organismes accompagnent efficacement les metteurs en marché à converger vers ces obligations au-delà de leur propre rôle de régulateurs", insiste l’association. 

Le bilan à mi-parcours est prévu "pour le 31 décembre 2023". D'ici là le ministère promet d'affiner sa stratégie en particulier sur les actions d'accompagnement auprès des entreprises, des marques et des fédérations professionnelles. Plusieurs d’entre elles se sont déjà engagées volontairement en signant, le Pacte national sur les emballages plastique et plus récemment la Charte de la restauration livrée. Et certaines mesures d'accompagnement sont aussi identifiées dans le volet "économie circulaire" du plan de relance : 226 millions d'euros, dont 40 millions  spécifiquement dédiés en 2021-2022 au soutien au réemploi et aux activités de réduction ou de substitution des emballages plastiques. L’Ademe initie également des travaux pour développer un référentiel méthodologique pour la réalisation "d’analyses en cycle de vie" portant sur les alternatives substitution ou réemploi aux emballages plastiques à usage unique basé sur une approche produit/emballage. Ce référentiel sera disponible en septembre 2021.

 
Référence : décret n° 2021-517 du 29 avril 2021 relatif aux objectifs de réduction, de réutilisation et de réemploi, et de recyclage des emballages en plastique à usage unique pour la période 2021-2025, JO du 30 avril 2021, texte n° 6. 

 

 

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