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Plateformes numériques : le Sénat recommande d’encadrer le management algorithmique et d’améliorer les conditions de travail

La mission d’information du Sénat consacrée à l’impact des plateformes numériques de travail sur les métiers et l’emploi, dont le rapport a été rendu public mercredi 29 septembre, formule 18 recommandations autour de quatre grandes problématiques : l’amélioration des conditions de travail, le développement du dialogue social, l’encadrement du management algorithmique ainsi que la transparence, l’explicabilité et la régulation des algorithmes des plateformes.

Créée à l’initiative du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), la mission d’information sénatoriale sur l’uberisation de la société s’est intéressée au développement des plateformes numériques de travail et aux transformations des métiers et des emplois qu’elles induisent, notamment par l’externalisation. "Nous avons souhaité nous concentrer sur deux sujets principaux qui sont le dialogue social et la question d’encadrement des algorithmes", a souligné la sénatrice (LR) de Savoie Martine Berthet, présidente de la mission d’information, lors de la présentation, mercredi 29 septembre, des conclusions de ce rapport intitulé "Plateformisation du travail : agir contre la dépendance économique et sociale".

"Nous avons préféré privilégier l’usage du terme plateformisation de l’économie car ce phénomène ne concerne pas seulement les plateformes dites uberisées de mobilité (livraisons de repas, VTC…)", a expliqué le rapporteur Pascal Savoldelli, sénateur (CRCE) du Val-de-Marne. C’est en effet un mouvement qui "s’étend aujourd’hui à l’ensemble des secteurs de l’économie et se traduit par une explosion du nombre de travailleurs de plateformes", pointent les membres de la mission.

L’algorithme, une chaîne de responsabilité humaine

"La plateformisation de l’économie ébranle notre modèle social avec une polarisation accrue du marché du travail au détriment des travailleurs, et particulièrement des moins qualifiés", a ainsi souligné Pascal Salvodelli, rappelant qu’une grande partie de ce travail ubérisé s’opère dans la sphère domestique.

"Un des éléments prépondérants qui est ressorti des auditions [une soixantaine de personnes ont été entendues, ndlr], c’est le rôle joué par le management algorithmique, a-t-il poursuivi. Mais surtout, le plus important est que l’algorithme est le produit de ses concepteurs et constitue en cela un outil politique avec tous les biais que cela comporte, notamment en matière de discriminations. L’algorithme n’est rien d’autre qu’une chaîne de responsabilité humaine et notre mission demande qu’elle soit identifiée et encadrée".

Ce sujet fait ainsi l’objet de 6 des 18 recommandations des sénateurs, ces derniers préconisant tout d’abord d’engager une réflexion pour adapter le droit du travail aux spécificités du management algorithmique et à ses conséquences sur les conditions de travail. Autres propositions : imposer aux plateformes de travail l’effacement, à intervalles réguliers, de l’historique des notes attribuées par les clients aux travailleurs qui les utilisent et garantir aux représentants des travailleurs des plateformes un droit de se faire communiquer un document compréhensible et actualisé détaillant les logiques de fonctionnement des algorithmes.

Construire le cadre du dialogue social avec les plateformes

Une autre série de quatre propositions doit permettre de "favoriser la transparence et l’explicabilité des algorithmes des plateformes", notamment en intégrant obligatoirement à la formation des concepteurs d’algorithmes une sensibilisation à ces enjeux éthiques et en encourageant les plateformes numériques et les entreprises à mettre en place des structures internes de concertation, associant les représentants des travailleurs, pour permettre une "conception et une évolution partenariales, éthiques et responsables des algorithmes".

L’autre grand volet des recommandations concerne l’amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes et la construction du cadre du dialogue social avec ces dernières. Or ce cadre est "incomplet", pointe la mission. Avec, parmi les sujets majeurs à aborder, celui des tarifs et de la rémunération. "Il est inconcevable qu'il y ait un dialogue social qui contourne [cette] question", a averti Pascal Savoldelli. Avant d’indiquer que le débat allait "se poursuivre au Sénat", avec l’examen, en novembre, du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation.

 

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