PLF 2023 : le Sénat adopte un texte plus conforme aux attentes des élus locaux

Après huit jours de discussions dans l'hémicycle, le Sénat a adopté, le 24 novembre, la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, par 216 voix pour et 91 voix contre. Non sans avoir laissé son empreinte. Le point sur les principales modifications qui touchent aux finances des collectivités territoriales. Revalorisation de la dotation globale de fonctionnement, maintien de la CVAE, élargissement du filet de sécurité et du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée… Nombreuses sont les mesures faisant directement écho à des demandes entendues lors du Congrès des maires qui vient de s'achever.

  • Maintien de la CVAE

La discussion de l'article 5 du PLF 2023, qui prévoit la suppression en deux ans de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), a donné lieu à un coup de théâtre. Favorable au principe de la disparition de la CVAE, le groupe LR est parvenu à imposer ses amendements apportant des aménagements à la copie écrite par le gouvernement. En outre, des amendements de la gauche et des centristes demandant le maintien de la taxe ont été rejetés. Mais, au moment du vote de l'article, le groupe LR s'est retrouvé minoritaire dans l'hémicycle. Le vote à main levée a donc débouché sur un résultat inattendu : le rejet de l'article 5 du projet de loi (plus de détails dans notre article du 21 novembre). Si la chose peut symboliquement réjouir l'Association des maires de France, ce rejet a toutes les chances de faire long feu.

  • Elargissement du filet de sécurité

Le Sénat a "élargi et simplifié" le filet de sécurité d'1,5 milliard d'euros proposé par le gouvernement pour compenser en 2023 la hausse des dépenses d'énergie des collectivités (voir l'amendement). Le dispositif conserve le mode de calcul de la compensation créée à l'Assemblée nationale, qui consiste à mettre en relation la hausse des dépenses d'énergie et la hausse des recettes de fonctionnement. Mais il abaisse (de 60% à 40% de la hausse des recettes de fonctionnement, après application de l'amortisseur électricité figurant dans la seconde partie du PLF 2023) le seuil au-delà duquel la hausse des dépenses d'énergie est prise en charge pour moitié par l'Etat. Des sous-amendements centristes et LR ont apporté des aménagements au mécanisme proposé par le rapporteur général, Jean-François Husson : l'augmentation des dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain enregistrée en 2023 est calculée par comparaison à l'année 2021, et non 2022. Reste à savoir si ces aménagements correspondent peu ou prou à ceux que le gouvernement prévoit d'apporter à ce filet de sécurité, tel qu'évoqué jeudi 24 novembre par Elisabeth Borne lors du Congrès des maires (voir notre article).

De plus, la possibilité d’un acompte a été introduite : celui-ci serait versé dans les deux mois suivant la demande de la collectivité ou du groupement. Les communes ou les groupements qui n’arriveraient pas, malgré le filet de sécurité, à faire face à l’augmentation du coût de l’énergie en 2023, pourraient bénéficier d'une aide exceptionnelle d’urgence, via un "fonds de sauvegarde énergie" doté de 150 millions d'euros (voir l'amendement).

On notera que lors de la discussion, le ministre délégué chargé des Comptes publics, Gabriel Attal a indiqué que la direction générale des finances publiques a d'ores et déjà "validé" l'attribution de près de 4.000 acomptes aux communes et à leurs groupements, dans le cadre du filet de sécurité de l'année 2022. A la date du 17 novembre, 2.121 acomptes avaient été validés (voir notre article).

  • Revalorisation de la dotation globale de fonctionnement

Les 320 millions d'euros de crédits supplémentaires en faveur de la dotation globale de fonctionnement (DGF) représentent une revalorisation de 1,47%, très inférieure au taux de l'évolution prévisionnelle de l'indice des prix à la consommation, hors tabac, pour 2023, qui s'établit à 4,2%. Pour les sénateurs, il faut aligner la croissance de la DGF sur cette prévision pour préserver la capacité des collectivités et intercommunalités à "agir". Ils sont passés aux actes en votant des amendements (voir l'un d'eux) proposés par les associations d'élus locaux (Association des maires de France et Départements de France) et défendus par les divers groupes politiques du Sénat. L'effort supplémentaire, de près de 800 millions d'euros par rapport à l'enveloppe prévue par le gouvernement, porte la hausse de la DGF à plus d'1,1 milliard d'euros au total l'an prochain. Les communes et leurs groupements bénéficieraient de 770 millions d'euros supplémentaires, tandis que les départements percevraient un supplément de 348 millions d'euros. On sait que le gouvernement reste farouchement opposé à ce scénario.

  • Compensation de la revalorisation du RSA

Les sénateurs ont prolongé en 2023 la compensation au profit des départements de la revalorisation de 4% du revenu de solidarité active (RSA). Coût de la mesure pour l'Etat : 240 millions d'euros. La loi de finances rectificative du mois d'août dernier avait déjà instauré une compensation, mais pour l'année 2022 seulement.

  • Révision des valeurs locatives

Les sénateurs ont confirmé l'amendement de la commission des finances se montrant favorable au maintien du calendrier prévu pour la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation. Pour eux, rien ne justifie le report de deux ans du démarrage de ce chantier (de 2023 à 2025) et de sa prise en compte dans les bases d'imposition (de 2026 à 2028), qui figurait dans le PLF tel qu'issu de l'application du 49.3 à l'Assemblée nationale.

Les sénateurs ont par ailleurs adopté un amendement centriste prévoyant la réévaluation de la valeur locative des locaux à l'occasion des mutations (vente, donation, succession). L'objectif est de favoriser "une mise à jour progressive de l’ensemble des biens, sans transferts de charges trop brutaux entre contribuables et sans pertes sèches pour les collectivités territoriales concernées." Par un troisième amendement, la Haute Assemblée a étendu aux locaux professionnels l'obligation pour les propriétaires de locaux d'habitation concernés par un bail, de déclarer à partir de 2023 les loyers via l'espace qu'ils ont créé sur le site Impots.gouv.fr. La mesure doit améliorer la qualité du processus de collecte des loyers, préalable à la mise à jour des paramètres des valeurs locatives des locaux professionnels. Les sénateurs ne sont pas revenus sur le report de deux ans (de 2023 à 2025) de l'entrée en vigueur de celle-ci.

  • Taxe d'habitation sur les résidences secondaires

Par l'adoption d'un amendement LR, la Haute Assemblée a "décorrélé" les taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. A partir du 1er janvier 2023, les taux des deux taxes doivent varier dans la même proportion. La règle fixée dans la loi de finances pour 2020 constitue un véritable obstacle pour les communes souhaitant lutter contre la multiplication des résidences secondaires et favoriser le logement des jeunes ménages. Les sénateurs ont substitué à cette règle de lien un mécanisme d'encadrement de la hausse de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (voir notre article du 23 novembre).

  • Fiscalité environnementale

Le Sénat a adopté un amendement écologiste prévoyant l’affectation d'1 milliard de recettes d’accise sur les énergies aux intercommunalités ayant adopté un plan climat-air-énergie territorial (PCAET) et aux régions dotées d'un schéma régional d’aménagement et de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). La proposition est repoussée chaque année depuis plusieurs années à l'Assemblée nationale. Dans le même temps, les sénateurs ont gelé le taux de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour l’année 2023, mais "sans remettre en cause sa trajectoire de hausse pluriannuelle et progressive". Gain espéré pour les collectivités : 170 millions d'euros.

Notons, enfin, la décision prise par le Sénat de diminuer le taux de TVA pour les transports collectifs de voyageurs, qu’ils soient ferroviaires, guidés ou routiers, pour les années 2023 et 2024.

  • Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée

La réforme de l'automatisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) qui est entrée en application progressivement à partir de 2021, a rendu inéligibles à ce fonds un certain nombre de dépenses, dont les travaux d’investissement réalisés en régie et les investissements relatifs aux "agencements et aménagements de terrains". Pour ces derniers, une exclusion du FCTVA génère une perte estimée à 250 millions d'euros pour les collectivités. Les sénateurs ont décidé de réintégrer l'ensemble de ces dépenses dans l'assiette du FCTVA.

  • Calcul du coefficient correcteur

Un amendement LR introduit la possibilité pour les services de l'Etat de rectifier le montant du coefficient correcteur appliqué à une commune, lorsqu'une erreur de calcul a été commise au détriment de celle-ci. Pour rappel, le coefficient correcteur ("coco") est le mécanisme qui permet de faire correspondre le montant de la taxe d'habitation perdue par une commune et le montant de la taxe foncière départementale qui lui est octroyé.

Aussitôt après l'adoption de la première partie du PLF 2023, le Sénat a entamé l'examen de la seconde partie, qui porte sur les dépenses. Un exercice qui doit prendre fin le 6 décembre avec le vote sur l’ensemble du projet de loi.

 

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