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Politique européenne de cohésion : un "vrai défi administratif"

L’Assemblée des communautés de France (AdCF) et France urbaine organisaient vendredi 22 février un séminaire intitulé "Politique européenne de cohésion : réussir la fin de programmation actuelle et préparer 2021-2027".  Avec un budget de 378 milliards d'euros en prix 2018, la politique de cohésion entre dans une phase active de préparation et de négociations délicate.

Alors qu’une phase plus active de préparation et de négociations de la prochaine période de programmation 2021-2027 s’amorce, France urbaine et l’Assemblée des communautés de France (AdCF) ont souhaité “contribuer au débat”, à travers l’organisation du séminaire “Politique européenne de cohésion : réussir la fin de programmation actuelle et préparer 2021-2027”.  L’enjeu de cette matinée : débattre des grandes orientations politiques promues par la Commission européenne et des nouvelles modalités de dialogue et de gouvernance à mettre en place “pour faciliter la convergence des stratégies communautaire, nationale, régionale et locale en matière de cohésion territoriale”. 

Avec un budget proposé de l’ordre de 378 milliards d'euros en prix 2018, la politique de cohésion deviendrait, pour la première fois, la politique dotée de la première ligne budgétaire, devant la PAC. “Même si son périmètre et son champ d’action devaient évoluer par rapport à la programmation actuelle, elle représenterait, malgré tout, un levier d’investissement majeur pour l’Europe et l’ensemble des territoires, notamment urbains”, soulignent les organisateurs du séminaire.

-5% pour l'enveloppe française

Pour rappel, l’enveloppe de la politique de cohésion pour 2021-2027 dévolue à la France baisserait d’environ 5%, soit 16 milliards d’euros en euros constants et 34 euros par habitant (-9% par rapport à la période 2014-2020). En comparaison de quoi l’Allemagne devrait perdre 21% de ses crédits relatifs à la politique de cohésion, soit 15,7 milliards d’euros constants et 27 euros par habitant (-20% par rapport à la période 2014-2020). La différence s’explique par la catégorie des "régions en transition". La Commission prend en compte en effet trois catégories de régions  : 

  • régions les moins développées, 
  • régions en transition, 
  • et régions les plus développées. 

Cette catégorie des "régions en transition”, introduite en 2014, a été maintenue par la Commission, ce qui n’était pas du tout acquis. Elle était composée de régions ayant un PIB compris entre 70 et 95% de la moyenne européenne. La Commission a décidé d’élargir la fourchette aux régions ayant un PIB compris entre 75 et 100% de la moyenne européenne. Or, la plupart des régions françaises - d’avant la réforme territoriale - ont un PIB légèrement inférieur à la moyenne européenne. Avec la modification de ce critère, la France verrait son nombre de régions en transition passer de 10 à 21, y compris la Martinique, soit la quasi-totalité des régions métropolitaines à l’exception de l’Ile-de-France et de de Rhône-Alpes. 

En ouverture du séminaire, Alain Van Raek, représentant de la Direction générale de la politique régionale et urbaine (DG REGIO) a rappelé que les objectifs stratégiques du Fonds européen de développement régional (Feder) ont été simplifiés et consolidés  : de onze ils sont passés à cinq. C’est la fameuse “concentration thématique”.

  1. "Une Europe plus intelligente". “Ce n’est pas rien que du high-tech. Cela englobe aussi des entreprises plus traditionnelles”, a-t-il précisé.
  2. "Une Europe plus verte", sobre en carbone, qui inclut la transition énergétique, l’économie circulaire, l’adaptation aux changements climatiques et la gestion du risque. Au grand dam des participants au séminaire, Alain Van Raek a rappelé que cet objectif n'inclut ni les transports ni la mobilité. 
  3. "Une Europe plus connectée" misant sur la mobilité et connectivité des TIC. 
  4. "Une Europe plus sociale", asseyant le socle européen des droits sociaux. 
  5. "Une Europe plus proche des citoyens". Cet objectif mise sur le développement durable des zones urbaines, rurales et côtières et initiatives locales. “En Europe, 72% de la  population vit en zone urbaine”, a souligné Alain Van Raek. 

Dans la salle, des réactions ont fusé, qualifiant l’objectif 5 de “nébuleuse”, “d’objectif poubelle”. “Il y a beaucoup d’adversaires de cette politique, qui est remise en question de manière perpétuelle”, a concédé Alain Van Raek, rappelant que “si l’on choisit cet objectif 5, il faudra démontrer son efficacité” . 

Simplification et flexibilité 

Dans sa présentation, le représentant de la DG REGIO a par ailleurs prononcé les maîtres-mots que la Commission souhaite associer à cette nouvelle période : "simplification" et "flexibilité". Il a rappelé que la plus “grande flexibilité” de la nouvelle programmation serait davantage “axée sur les performances", avec "vérification à mi-parcours  en 2025”. En termes de simplification, la Commission entend supprimer les longues procédures d’accréditation des autorités de gestion. Elle souhaite aussi proposer des programmations sur cinq ans et non sept, en se réservant la possibilité d’une évaluation à mi-parcours, ce qui permettrait d’ajuster les deux dernières années.

Dans son intervention, Philippe Cichowlaz, responsable de la mission Affaires européennes du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), a estimé que “gérer les fonds européens était un vrai défi administratif”. “La mise en oeuvre des fonds européens pose question”, estime-t-il, “d’autant que des incertitudes surgissent du fait des récentes fusions de régions”. La difficulté majeure, selon lui, tient au fait que la gestion des fonds européens est un “travail en temps masqué”. Dans la salle, une représentante de la métropole de Lyon approuve, pointant du doigt le besoin de “croiser le rythme de travail et de gestion des différents intervenants” : autorité de gestion, autorité de gestion déléguée et acteurs chargés de mettre en oeuvre la politique. 

De son côté, le conseiller d'affaires européennes de Régions de France, Pascal Gruselle, a regretté un “manque de mobilisation du gouvernement” dans la préparation de la future programmation. “Le temps nécessaire n’est pas accordé", a-t-il fustigé. Or “cette programmation nécessite de faire un certain nombre de choix politiques”, a-t-il estimé. Il a  souligné la nécessité du respect de "l’état de droit" et émis des doutes quant au respect de l'échéance du 1er janvier 2021 pour finaliser les objectifs de programmation régionaux, évoquant les "prochaines élections municipales de mai 2020, et régionales au printemps 2021". Une vision qui ne semblait pas partagée par une partie de l'assemblée et dont une représentante  de Nantes Métropole s'est faite l'écho : "Nous en sommes à notre troisième programmation. Anticiper ces échéances et réussir à s'organiser collectivement, on sait faire."  

 

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