Pour le Conseil d'analyse économique, les petits commerces subissent une mutation plus qu'un déclin

Les petits commerces subiraient davantage une mutation qu'un déclin, d'après une note du Conseil d'analyse économique (CAE) publiée le 25 mai 2023. Mais des difficultés persistent et s'approfondissent dans certains secteurs, comme l'habillement et l'équipement de la personne, et dans certaines zones, comme les territoires ruraux et les villes isolées. Le CAE prône une action publique menée au niveau local.

A rebours de ce que l'on a tendance à entendre, le Conseil d'analyse économique (CAE) estime que les petits commerces sont en mutation plus qu'en déclin. Dans une note présentée et publiée le 25 mai 2023, l'organisme placé auprès de Matignon, insiste sur leurs bienfaits pour les habitants (des services de proximité avec parfois même "une dimension de service public"), et fait le point sur ce secteur qui, en 2019, générait 6% du PIB français et représentait 12% de l'emploi et 430.000 établissements.

"On assiste à une recomposition forte du secteur", a affirmé Anne Epaulard, l'un des auteurs, lors de sa présentation de l'étude qui porte sur le commerce de détail (hors grandes surfaces), l’artisanat de bouche, les bars-restaurants et les services aux ménages. Leur nombre a augmenté entre 2008 et 2013 (+4,1%) et légèrement entre 2013 et 2019 (+0,7%) mais "cette progression est principalement portée par le dynamisme du secteur de la restauration", indique la note. Sans tenir compte des bars et restaurants, le secteur est en baisse de 2% sur la dernière période. Les équipements de la personne et de l'habillement sont particulièrement en fragilité.

Les 10 essentiels de la redynamisation commerciale dans les petites villes de demain

Une publication de la Banque des Territoires

Mais cette croissance n'est pas homogène sur tout le territoire : depuis 2013, le nombre de petits commerces augmente dans les banlieues ; il stagne dans les centres-villes et diminue dans les zones rurales et les villes isolées. La vacance commerciale est quant à elle plus élevée dans les villes de moins de 40.000 habitants.

Par ailleurs, les petits commerces ont bien résisté aux crises sanitaire et énergétique, "même si des effets à long terme de la hausse des coûts des intrants ne peuvent être exclus", précise la note. Leur situation semble même plus favorable comparée à d'autres secteurs de l'économie. La proportion des entreprises en mauvaise, voire très mauvaise situation, a reflué dans le secteur du petit commerce tandis qu'elle a augmenté dans le reste de l'économie sur cette période. Les faillites sont quant à elles bien inférieures à leur niveau de 2019.

"Il y a des endroits où ça ne va pas"

"Nous n'avons pas encore les chiffres de 2022, mais probablement en moyenne la situation des commerces en France ne s'est pas trop dégradée du fait de la pandémie", a indiqué Anne Epaulard, "cependant il y a des endroits où cela ne va pas du tout". Notamment dans les zones rurales où la situation est "réellement préoccupante", souligne la note.

Enfin, sur la partie constat, l'organisme estime que le développement du e-commerce affecte plus les grandes surfaces que les petits commerces. Et le CAE d'assurer que la réglementation existante sur les entrepôts des acteurs du e-commerce "devrait être suffisante pour contrôler leur impact sur l'urbanisme de centre-ville".

Même chose pour la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), qui ferait subir aux commerces une concurrence déloyale, le CAE estime qu'elle "ne concerne qu'une minorité de petits commerces" puisqu'elle s'applique aux magasins vendant des marchandises non transformées à des consommateurs finaux. Seuls les établissements dont la surface de vente dépasse 400 m2 et dont le chiffre d'affaires annuel de ventes au détail est supérieur à 460.000 euros sont concernés : cela exclut 90% des commerces en 2008.

L'idée de la taxe sur les friches commerciales, mise en place par des communes et intercommunalités, semble pour le CAE une meilleure piste, si elle bénéficiait d'un retour sur son efficacité. "La taxe sur les friches commerciales gagne en popularité, a souligné Marie-Laure Allain, co-auteur de l'étude, en 2018, 1.200 villes l'ont instaurée, des villes comme Montpellier ou Metz, pour d'autres, comme Saint-Etienne ou Meaux, c'est à l'ordre du jour". La taxe vise à collecter des revenus (13 millions en 2021) mais elle sert surtout à lutter contre la rétention foncière délibérée et à accélérer la remise sur le marché de locaux vacants.

Le conseil propose d'évaluer l'impact de cette taxe sur la vacance commerciale.

Une action publique au niveau local

Face à l'hétérogénéité des situations, certaines zones souffrant davantage que d'autres, le CAE recommande une action publique au niveau local plutôt qu'à l'échelon national, avec éventuellement un appui financier et technique des agences de l'Etat. "Les récents programmes de soutien aux centres-villes-Action cœur de ville (ACV) et Petites villes de demain (PVD), bénéficient indirectement au petit commerce mais la mesure de leurs effets doit être améliorée", insiste le CAE. Selon lui, seul le taux de vacance commerciale est pris en compte alors qu'il faudrait aussi suivre la densité commerciale, le taux de faillite et le rythme d'implantation de nouveaux commerces. Il suggère d'instaurer une collecte régulière des données géolocalisées liées au commerce et d'évaluer les programmes ACV et PVD avec des méthodes scientifiques en complément des bilans existants.

Autre recommandation : mettre en place un référent "dernier commerce" dans les administrations locales (DDFIP ou préfectures) pour "faciliter le développement des régies municipales dans les communes rurales qui le souhaitent". Car celles-ci font face à des difficultés opérationnelles. Le lancement en février d'un plan de 12 millions d'euros pour les commerces ruraux lancé en février 2023 (voir notre article du 23 février 2023) est salué par le CAE qui avertit cependant que la rentabilité ne sera pas toujours au rendez-vous.