Premier carrefour des PAT : le changement d'échelle maintenant nécessaire

Pour la première fois, les acteurs des projets alimentaires territoriaux étaient réunis le 30 juin 2023 à Paris. Se félicitant du chemin parcouru depuis bientôt dix ans pour ce dispositif qui vise à relocaliser l'agriculture et l'alimentation dans les territoires, ils ont mis en avant la nécessité de changer maintenant d'échelle, en s'appuyant sur la nouvelle stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat. Ils demandent à ce que la compétence alimentation des collectivités soit reconnue.

Fêtant bientôt leurs dix ans d'existence, les projets alimentaires territoriaux (PAT) doivent maintenant changer d'échelle. C'est l'un des principaux constats des acteurs locaux, réunis pour la première fois lors d'un Carrefour des PAT, le 30 juin 2023. Le dispositif est issu de la loi d'avenir pour l'agriculture d'octobre 2014. Il a pour objectif de relocaliser l'agriculture et l'alimentation dans les territoires en soutenant l'installation d'agriculteurs, les circuits courts, les produits locaux dans les cantines... Il est élaboré de manière collective, à l'initiative des acteurs d'un territoire : collectivités, entreprises agricoles et agroalimentaires, artisans, citoyens. À l'heure actuelle, il en existe près de 430. "Le plan de relance a eu un effet booster, avec une enveloppe dédiée, a ainsi affirmé Maud Faipoux, directrice générale de l'Alimentation du ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. L'objectif d'un PAT par département est largement dépassé !"

Le plan de relance consacrait en effet un budget de 1,2 milliard d'euros au volet Transition agricole, alimentation et forêt, dont 80 millions d'euros pour les PAT, via notamment des appels à projets. "Avec 430 PAT, sept Français sur dix sont touchés par un de ces dispositifs, a détaillé Laurent Duval, co-président de Terres en villes et vice-président de Lorient Agglomération en charge de l'agriculture et de l'alimentation et à l'aménagement rural. Il y a un vrai travail d'acculturation pour que les citoyens s'impliquent dans les décisions sur tous les PAT. Il nous manque maintenant une norme. D'une philosophie militante, il faut aller vers un changement d'échelle." Même son de cloche pour Maud Faipoux, qui estime qu'il faut aller plus loin. "Les projets ont été impulsés et construits par les acteurs locaux et définis en fonction des besoins des territoires, c'est un outil motivant, mais ce n'est pas trop normé, le plus gros du chemin est devant nous. Une grande majorité des PAT sont en émergence, chacun doit construire son plan opérationnel et sa feuille de route."

4,2 PAT par département en moyenne

D'après l'Observatoire national des projets alimentaires territoriaux (OnPAT), qui s'est intéressé au deuxième cycle de PAT entre 2021 et aujourd'hui, lancé avec l'impulsion du plan de relance, "il existe en moyenne 4,2 PAT par département, ceux en comptant le plus étant le Finistère, le Gard et les Alpes-Maritimes avec 10 PAT chacun". Ils restent majoritairement portés par des collectivités territoriales (73,7%), les territoires de projets (pôles territoriaux, syndicats mixtes, pays, parcs naturels régionaux-PNR, pôles métropolitains) représentant 22,6% des portages.

Globalement, la diffusion géographique s'homogénéise, précise la note. La région Auvergne-Rhône-Alpes, notamment, a presque quadruplé son nombre de PAT en deux ans (elle en est à 52) pour rattraper son retard lors du premier cycle. Même chose pour la Bourgogne-Franche-Comté qui fait partie des régions qui connaissent la plus forte augmentation. La Bretagne, les Pays de la Loire, la Nouvelle-Aquitaine et l'Occitanie, quant à elles, n'ont pas connu les plus fortes augmentations mais restent les régions qui en sont le plus dotées. En outre-mer, le nombre de PAT a fortement augmenté, passant de 6 en 2020 à 19 aujourd'hui. "L'émergence des PAT dans les régions 'en retard' permet un rééquilibrage au niveau national et l'hétérogénéité du nombre de PAT par région semble s'estomper", indique le document. Avec toutefois un bémol, les PAT émergents, notamment via le plan de relance, sont davantage transversaux mais ont une moindre contribution à la transition écologique. Seulement la moitié investit le secteur de la protection de l'environnement, la priorité étant pour le moment donnée à l'économie agricole (enjeux de consommation, accessibilité sociale, alimentation transversale…). À l'inverse, les PAT opérationnels sont plus ambitieux en matière d'écologie : 81,5% se saisissent du secteur de l'environnement.

Le PAT, un "objet alimentaire non identifié" ?

"Avec le plan de relance on a un changement d'échelle quantitatif, il faut maintenant une meilleure structuration des PAT, avec une montée en gamme du caractère systémique, une capacité à accompagner tous les acteurs et à répondre aux enjeux fixés par les élus et les documents de planification, le changement d'échelle est un processus continu, a insisté Cédric Prévost, sous-directeur de l'accompagnement des transitions alimentaire et agroécologique à la direction générale de l'alimentation. Il va falloir aussi une articulation avec la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat." Cette stratégie Snanc est prévue dans le cadre de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021.

Pour Jean-Christophe Comboroure, adjoint à la sous-directrice de la prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation à la direction générale de santé, au ministère de la Santé et de la Prévention, le PAT "reste un objet alimentaire non identifié". Selon le responsable, il faudrait que cette compétence alimentation soit reconnue et partagée. "Je bois du petit lait, les préconisations dans notre rapport n'étaient pas farfelues ! Inscrire la compétence alimentaire dans le code des collectivités nous permettrait de sécuriser nos politiques en la matière", a ainsi assuré Frédéric Marchand. Le sénateur du Nord avait été chargé par le gouvernement d'évaluer le dispositif des PAT. Dans son rapport rendu public en octobre 2022, il préconisait de doter les collectivités d'une compétence alimentation "pour en faire des autorités organisatrices de l'alimentation durable et résiliente", l'échelle du bassin étant retenue et la compétence partagée. "Ce sujet fait consensus auprès de toutes les parties entendues, signale le sénateur dans son rapport, et il permettra de répondre à l'exigence d'organisation de la résilience du système que les enjeux multiples mettent crûment en évidence." Parmi ses autres recommandations : un pilotage de l'État à affirmer, sous une forme interministérielle pour intégrer le caractère systémique des PAT et la poursuite du financement du dispositif pendant cinq ans à hauteur, a minima, de l'enveloppe de France Relance en 2021, soit 80 millions d'euros.

 

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