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Projet de loi sur l'économie circulaire : des ordonnances pour contrecarrer les lobbies ?

De nombreuses mesures de la future loi sur l'économie circulaire actuellement en préparation devraient être adoptées par ordonnances, selon un projet de texte consulté par l'AFP. Pour le gouvernement, cette méthode est censée protéger le texte des lobbies mais elle suscite déjà des critiques de la part du Sénat et des acteurs concernés.

Le projet de loi sur l'économie circulaire, qui doit être présenté en conseil des ministres au cours du premier semestre 2019, vise à réduire la quantité de déchets jetés par les Français (plastiques, produits électroniques usagés, emballages, etc.) mais aussi à améliorer leur recyclage. Il reprend la cinquantaine de mesures de la "feuille de route de l'économie circulaire", présentée au printemps dernier et qui vont d'un meilleur affichage sur la recyclabilité des produits à l'extension à de nouveaux produits du principe de la responsabilité des producteurs (REP) ou encore à des sanctions pour les filières qui n'atteignent pas leurs objectifs de recyclage.
Mais le projet de texte consulté par l'AFP datant du 15 janvier et initialement dévoilé par la lettre Déchets Infos prévoit que l'essentiel des mesures, longuement énumérées dans l'exposé des motifs, soient adoptées "par voie d'ordonnance". Ce devrait être notamment le cas de la transposition des trois directives européennes sur les déchets de 2018 et de la réforme des filières REP.
Le recours aux ordonnances vise à éviter que les "lobbies" ne tentent d'influencer les débats parlementaires, a expliqué la secrétaire d'État Brune Poirson la semaine dernière devant le Conseil national de la transition écologique (CNTE), selon des sources concordantes. Au ministère de la Transition écologique et solidaire, on confirme ce choix des ordonnances, même si on précise que la rédaction du projet de loi n'est pas totalement terminée.

Les sénateurs vivement opposés aux ordonnances

"Circulez, il n’y a rien à voir ! À l’heure du 'Grand Débat national', le gouvernement souhaite-t-il se passer des parlementaires pour réformer la politique des déchets ?", s'interroge dans un communiqué ce 24 janvier la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. "Si cette version du projet de loi était retenue, ce serait une nouvelle manifestation du mépris dont témoigne l’exécutif à l’égard du Parlement, accusé par ailleurs d’être le réceptacle des lobbies", ajoute la commission. "Ce gouvernement a la fâcheuse habitude de recourir aux ordonnances pour ses réformes. Ce sujet, qui concerne le quotidien des Français et des collectivités locales, mérite incontestablement un débat parlementaire public, démocratique et transparent", a déclaré Hervé Maurey, président de cette commission et sénateur de l'Eure. "Le tri des déchets, leur valorisation énergétique, le recyclage des biodéchets, la création de nouvelles filières de responsabilité des producteurs, les sanctions applicables aux éco-organismes... tous ces sujets sont essentiels ! Les élus et les parlementaires y travaillent depuis longtemps" a réagi pour sa part Didier Mandelli, président du groupe d’étude sénatorial "Économie circulaire" et membre du comité de pilotage de la feuille de route pour l’économie circulaire.
Les deux parlementaires ont adressé ce jeudi un courrier à Brune Poirson pour lui signifier leur opposition totale au recours aux ordonnances sur ce sujet et demander une clarification de la stratégie du gouvernement.

Inquiétudes des collectivités et professionnels

La méthode suscite aussi l'inquiétude des acteurs du secteur. Nicolas Garnier, délégué général de l'association Amorce, qui regroupe des collectivités et des entreprises, fait part de sa "perplexité" devant des mesures qui seront en grande partie prises "sans débat parlementaire", même si "sur le fond, le projet de loi a le mérite de recadrer les sujets" sur l'éco-conception des produits ou l'information du consommateur. "On a cinq articles sur le volet consommation pour dire 'on a fait un pas vers les associations', mais pour les choses sérieuses, cela va être par ordonnance (...) sans aucune visibilité sur leur contenu", regrette aussi Émile Meunier, avocat spécialisé en droit de l'environnement.
Du côté des industriels du recyclage, on se dit "dans l'expectative". "Les ordonnances ne nous rassurent pas sur la transparence", a indiqué à l'AFP Jean-Philippe Carpentier, président de la fédération Federec, qui attendait plus de mesures précises sur l'incorporation des matières recyclées dans les produits ou le traitement des déchets ultimes.

 

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