Quatre grandes questions pour la loi logement

Quel chef de file ? Quelles ressources ? Quelles compétences ? Quels outils de régulation ? Telles sont les "quatre grandes questions" qui se posent dans le cadre de la future loi logement, selon Patrice Vergriete, le ministre délégué au Logement, auditionné le 12 décembre par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale.

Après avoir présenté le matin en conseil des ministres le projet de loi sur la rénovation de l’habitat dégradé (voir notre article), Patrice Vergriete était auditionné en fin de journée par les députés sur un autre texte, qui devrait être déposé en mai-juin 2024, a-t-il indiqué. Un délai qui doit permettre de mener la concertation avec les élus, qui ont déjà produit un certain nombre de rapports sur le sujet au travers de leurs associations ou de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui avait donc invité le ministre à s'exprimer le 12 décembre.

Après avoir rappelé les différents véhicules législatifs en cours d'examen (projets de loi de finances pour 2024, sur la rénovation de l'habitat dégradé, propositions de loi sur les meublés touristiques et sur la transformation de bureaux en logements) et l'organisation d'une mission parlementaire sur la réforme de la fiscalité locative, Patrice Vergriete a évoqué cette future loi relative au logement qui doit organiser une décentralisation de la politique en la matière afin de répondre à la crise structurelle que connaît le secteur. "La différenciation territoriale [de la situation du logement] n'a jamais été autant marquée – et ne fera que s'accroître à l'avenir avec le réchauffement climatique – et nécessite des réponses adaptées à chacun des territoires", a-t-il fait valoir. Avec "des objets de la politique du logement qui nécessitent d'aller au plus proche des habitants", notamment en matière de rénovation énergétique, il considère qu'"être dans la proximité sera plus efficace".

Quel pilote au niveau local ?

Cette décentralisation pose, pour le ministre, "quatre grandes questions", auxquelles la concertation, puis la loi, devront répondre. Comme il l'avait déjà évoqué une semaine plus tôt lors d'une rencontre organisée par Villes de France (voir notre article), la première concerne le niveau territorial qui sera désigné comme chef de file de la politique du logement. A ce stade, les métropoles, les communautés urbaines ou les communautés d'agglomération pourraient prendre ce rôle de pilote. Pour les communautés de communes, la situation semble moins tranchée, la possibilité de retenir le département est avancée par certains élus quand elles ne seraient pas volontaires pour exercer ce rôle.

Second sujet : les ressources dont bénéficiera ce chef de file. Entre nouveau levier fiscal et/ou transfert des moyens de l'Etat, les positions sont plus hétérogènes parmi les associations d'élus, a noté Patrice Vergriete.

S'agissant des compétences, "tout ce qui a trait au logement social semble faire relativement consensus pour être décentralisé", a-t-il signalé. Les politiques qui nécessitent du "sur-mesure" pourraient aussi être concernées. Un transfert de la gestion des aides à la rénovation énergétique ou à l'adaptation au vieillissement serait ainsi envisageable. "Au-delà, tout est ouvert à la discussion", a affirmé le ministre.

"Quatrième question essentielle : la boîte à outils de la régulation." Des moyens de maîtriser le développement des meublés touristiques font partie des pistes, de même que le fait de renforcer le droit de préemption urbain ou de généraliser l'encadrement des loyers, éventuellement à la condition de construire des logements. La modulation, par les maires, de la taxe sur les logements vacants ou de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, comme le réclame la ville de Paris, pourrait également être discutée. "On peut aller très loin", a lancé Patrice Vergriete.

Réformer les outils nationaux

"La loi logement n'a pas vocation à aborder que la décentralisation, mais aussi à réformer les outils nationaux, par exemple le modèle économique de la production du logement avec un nouvel équilibre économique", a-t-il remarqué. Un débat doit ainsi être mené, selon lui, sur le rôle du logement social, qui est passé d'un modèle généraliste à un modèle résiduel pour loger les plus démunis, posant la question de la mixité sociale dans ce type d'habitat, a-t-il rappelé.

Intégrer un quota de "travailleurs clés" dans les attributions, réserver la première attribution au maire ou créer un droit véto de ce dernier... "Je suis ouvert à toutes les propositions dès lors qu'il y a un consensus", a annoncé le ministre. Rendre les résidents de longue date en hébergement d'urgence davantage prioritaires dans les attributions a aussi été abordé, car ce secteur nécessite également, selon Patrice Vergriete, une réforme structurelle. "La réponse n'est pas d'ajouter 10.000 places de plus, c'est ce qu'on fait depuis cinq-six ans et ça conduit à une impasse."