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Communication - Réforme de l'audiovisuel : France 3 triplera ses programmes régionaux et France Ô s'éteindra en 2020

Edouard Philippe a tranché. Le Premier ministre s'est prononcé le 19 juillet sur les conclusions de la mission de concertation qui travaillait depuis plusieurs mois à la réforme de l'audiovisuel public. Il y a quelques semaines, Françoise Nyssen avait d'ailleurs présenté le "scénario de l'anticipation" sur cette réforme de d'audiovisuel public (voir notre article ci-dessous du 6 juin 2018), qui se retrouve très largement dans les mesures finalement adoptées. La ministre de la Culture et de la Communication avait alors fait part de l'ambition du gouvernement de "créer un média global à vocation universelle" et de faire en sorte que "notre service public audiovisuel [donne] davantage la parole aux territoires".

La parole aux territoires

Le communiqué détaillé de Matignon, qui rend compte des décisions prises en la matière, commence d'ailleurs par préciser que "le renforcement de l'offre de proximité constitue un premier chantier". Comme prévu dans le "scénario de l'anticipation", ce renforcement se traduira par un triplement des programmes régionaux de France 3 et des coopérations "beaucoup plus étroites" avec France Bleu (sans aller toutefois jusqu'à évoquer une fusion, comme cela avait un temps été envisagé).
Pour concrétiser cette orientation, Matignon annonce le lancement d'"expérimentations territoriales" dès la rentrée 2018 dans un certain nombre de régions tests : Bretagne, Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Il précise également que l'offre de programmes régionaux, spécifique pour chaque région, "concernera l'ensemble des genres de programmes: information, documentaires et magazines, émissions de services, sport, etc.". Des offres communes - en télévision, radio et numérique - seront produites par les équipes de France Bleu et France 3, après une phase de test lors des matinales dans plusieurs régions en 2018-2019. Pour le gouvernement, ces offres communes constituent la "clé de voûte de cette coopération destinée à renforcer l'offre d'information de proximité".

France Ô disparaît... pour rendre les Outre-mer plus visibles

Au milieu d'un ensemble de mesures qui étaient déjà connues, la seule véritable surprise - même si la nouvelle se pressentait déjà depuis plusieurs jours - vient de la disparition de France Ô, la seule chaine publique spécifique à l'outre-mer (ces territoires disposant en revanche de chaînes privées beaucoup plus puissantes qu'en métropole). Créée en 2005, France Ô avait alors succédé à RFO Sat.
Pour justifier cette décision sans s'en tenir aux seuls arguments budgétaires, le gouvernement fait valoir que "les conclusions de la mission de concertation conduisent [...] à considérer que l'organisation actuelle du service public audiovisuel ne permet pas de donner la visibilité nécessaire aux territoires ultramarins et à leurs habitants". La diffusion assez confidentielle de France Ô, confrontée à la concurrence des autres chaînes de France Télévision (rediffusées partiellement outre-mer) et des chaînes privées, avait effectivement été pointé à plusieurs reprises, de même que le partage difficilement lisible entre les téléspectateurs métropolitains originaires de l'outre-mer et les publics ultramarins.

Des compensations pour les Outre-mer

Le sujet de la suppression de France Ô, programmée pour 2020, étant politiquement très sensible, notamment auprès des élus de l'outre-mer, le communiqué de Matignon consacre un long développement à la compensation de cette disparition.
Celle-ci passera en l'occurrence par "une intégration au sein de la programmation de l'ensemble des autres chaînes de France Télévisions : information et météo, documentaires, magazines, émissions politiques, fiction". Cette "juste représentation" se traduira par des engagements de programmation "chiffrés et mesurables", qui seront finalisés par France Télévisions et intégrés dans son cahier des charges et dans sa feuille de route stratégique dès 2018, assortis d'indicateurs en permettant le suivi.
Par ailleurs, le gouvernement annonce le développement d'un portail numérique enrichi sur les Outre-mer, permettant de valoriser les programmes des Outre-mer 1ère (la société éditrice de France Ô, aussi présente en radio et en numérique). Pour sa part, France Télévisions maintiendra l'enveloppe budgétaire de 10 millions d'euros allouée aux coproductions ultramarines.
Autres engagements : le renforcement du réseau des Outre-mer 1ère et le passage à la haute définition des chaînes d'Outre-mer 1ère, "attendu depuis longtemps et souvent reporté". Enfin, le communiqué de Matignon précise qu'"une entité éditoriale dédiée aux outre-mer sera maintenue avec les équipes de France Ô". Elle aura vocation à servir de "tête de réseau" au sein du groupe, mais aussi à "renforcer les liens avec les pays de leur bassin régional, des Caraïbes au Pacifique, afin de couvrir l'actualité de ces pays et d'alimenter ainsi les programmes d'information internationale du service public audiovisuel".