Risques climatiques : le gouvernement veut éviter les déserts assurantiels

Le gouvernement vient de rendre public un rapport visant à adapter le système assurantiel français à l’évolution des risques climatiques. Plusieurs recommandations visent directement les élus locaux.

1,3 milliard d’euros par an. Tels seraient "les besoins financiers additionnels nécessaires pour permettre le rééquilibrage du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles", selon le rapport qu’ont remis en décembre Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet et Myriam Merad, et que vient seulement de publier ce 2 avril le gouvernement. Et ce, "sans tenir compte des effets futurs du changement climatique sur la hausse de la sinistralité". Des effets qui se font d’ores et déjà ressentir. "Depuis 2016, le régime connaît une série inédite de déficits. Les assureurs vendent à perte depuis 8 ans", constate Thierry Langreney. Ces vingt dernières années, c’est la sécheresse géotechnique qui a fait gonfler, et l’argile, et les déficits, avec un coût des sinistres en hausse de 50% sur vingt ans. "Le retrait-gonflement des argiles apparaît comme un péril particulièrement préoccupant actuellement", note le rapport. Le coût des sinistres induits par la grêle et sur les récoltes est, lui aussi, en augmentation. Mais c’est surtout l'augmentation des coûts projetés sur les vingt prochaines années qui fait frémir : de 50 à 200% du fait de la sécheresse, de 200 à 300% (et jusqu’à 1.000%) du fait des submersions marines, autour de 50% du fait des tempêtes, de 25 à 80% du fait des inondations ou encore 20% du fait de la grêle, pressentent les auteurs. La Caisse centrale de réassurance estime, elle, que la hausse de la sinistralité du seul fait du climat sera comprise entre 27 et 62% en moyenne à l’horizon 2050.

Conjurer le spectre des déserts assurantiels

Si les rapporteurs jugent que le modèle assurantiel 'Cat nat' français "a démontré une certaine efficacité", ils en concluent qu’il doit être "renforcé et mieux financé pour demeurer efficace". À court terme, une hausse rapide de la surprime Cat nat est donc préconisée pour atteindre les 1,3 milliard d’euros supplémentaires, hausse qui devrait être couplée à un mécanisme d’indexation automatique du taux de surprime d’une part, et à une indexation des franchises légales sur l’indice du coût de la construction d’autre part. S’y ajouterait encore la liberté de fixation des primes et franchises d’assurances du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles pour les risques professionnels de haute valeur, les résidences secondaires et les biens locatifs localisés en zone d’exposition forte (des zones orange) et très forte (zones rouges). Une mesure, parmi d’autres, qui vise à conjurer le spectre de "déserts assurantiels" : "Le désengagement constaté d’assureurs dans les zones très exposées aux risques climatiques constitue un risque stratégique majeur", pointe le rapport. "Comme les assureurs n’ont pas la main sur les tarifs, certains ont cherché d’autres voies", explique Thierry Langreney, préoccupé par "la diffusion d’outils d’intelligence géographique". Considérant que la mutualisation entre tous les assurés des périls climatiques par le régime "constitue un modèle très protecteur – et donc précieux", les rapporteurs plaident notamment pour un mécanisme de modulation du prélèvement additionnel sur le régime Cat nat entre zones à faible et forte exposition, ou encore un dispositif de "name and shame" permettant de dénoncer les déserteurs (en comparant les parts de marché en assurance habitation au niveau national et dans les zones exposées).

Développer la prévention collective et individuelle

Les rapporteurs insistent par ailleurs sur la nécessaire prévention, tant collective qu’individuelle. Ils proposent ainsi la création d’un fonds dédié au financement des mesures de prévention individuelle, en le dotant via un prélèvement pris sur le fonds Barnier, lequel verra l’an prochain son budget augmenté du fait du passage de 12% à 20% de la surprime Cat nat déjà acté. "En théorie, le fonds Barnier n’est pas réservé à la prévention collective. Mais c’est le cas en pratique", argue Thierry Langreney. Sont de même préconisés le déploiement d’un prêt à taux nul pour les particuliers réalisant des travaux de prévention des risques naturels en zone orange ou rouge, un crédit d’impôt pour les particuliers à moyens et faibles revenus (critères Anah) et l’octroi de subventions qu’une "taxe départementale de type Gemapi" alimenterait.

Favoriser la relocalisation

La création d’un fonds pouvant contribuer au financement de la relocalisation des biens fortement exposés à l’érosion du trait de côte sableux est également proposée. En matière de relocalisation, les auteurs préconisent en outre, en cas de sinistre grave en zone d’exposition très forte, de permettre une indemnisation assurantielle à la valeur vénale du bien, augmentée d’une prime à la relocalisation pour les ménages souhaitant déménager. "Aujourd’hui, certaines victimes préféreraient tourner la page, ce qui suppose de lever une barrière posée par la Cour de cassation selon laquelle une indemnisation complète, y compris en valeur à neuf, n’est possible que si elle est employée sur le bien concerné", décrypte Thierry Langreney. Dans ce scénario, le bien "gravement endommagé" serait repris par la collectivité, "en vue de sa transformation en un projet d’intérêt collectif, ce qui favorisera la densification dans le contexte de la mise en œuvre de la loi ZAN". 

Renforcer les lois Élan et ZAN, et le contrôle des PLU et des Scot

De manière plus large, le rapport préconise d’ailleurs de "renforcer les lois Élan et ZAN", en imposant "la réalisation d’une étude géotechnique approfondie, d’études d’interactions sols-structures ou, à défaut, la réalisation de conditions constructives allant au-delà de celle prévues ; de renforcer les DTU (document technique unifié) en conséquence ; et de renforcer les contrôles". Tout comme serait également renforcé le contrôle du respect de la prise en compte du règlement des plans de prévention des risques majeurs dans les plans locaux d’urbanisme et dans les schémas de cohérence territoriale. Les auteurs recommandant encore, parmi d’autres mesures, pour les zones à forte exposition, de rendre obligatoire l’assurance dommages-ouvrages en cas de souscription à un crédit immobilier ou de revente ; d’imposer la réalisation d’un diagnostic de résilience post-sinistre ou encore d’imposer – et de contrôler – l’obligation de travaux de réduction de la vulnérabilité après un sinistre ou avant la réalisation de travaux de rénovation énergétique bénéficiant d’une aide MaPrimeRénov’ (à défaut, un triplement des franchises légales est suggéré pour les sinistres ultérieurs). 

Formation initiale et continue pour les élus locaux

À noter également le renforcement souhaité des parcours de formation à la prévention des risques naturels et de catastrophe pour les élus locaux (parmi d’autres, dont les services déconcentrés de l’État), en début et tout au long de l’exercice de leur mandat. Le partage de données devrait lui aussi être renforcé, notamment via la plateforme Géorisques.

 

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