Sécheresse : les deux tiers des niveaux des nappes phréatiques en dessous des normales

Malgré les trombes d'eau tombées ces derniers jours lors de violents orages dans le Sud, la sécheresse ne recule guère en France : deux tiers des niveaux des nappes phréatiques sont toujours au plus bas pour la saison et cela ne pourrait être qu'un début, selon le dernier bulletin de situation du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) publié ce 14 juin.

Au 1er juin, 66% des nappes phréatiques restaient en dessous des normales, dont 19% à des niveaux très bas, selon le dernier bulletin de situation du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) diffusé ce 14 juin. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, avait tiré le signal d'alarme sur CNews quelques heures plus tôt faisant état de "vives inquiétudes" concernant certaines régions comme le couloir rhodanien ou le pourtour méditerranéen.

Au 1er mai, 68% des nappes en France métropolitaine étaient modérément basses à très basses par rapport aux normales, renforçant les craintes d'une nouvelle sécheresse estivale comparable à celle de 2022, voire pire. Depuis, il a plu abondamment sur plusieurs régions mais les précipitations printanières sont quasi-intégralement absorbées par la végétation et n'atteignent pas les nappes phréatiques, principales réserves d'eau potable.

Concernant les fortes pluies des derniers jours dans le Sud, "ce sont principalement des orages, par conséquent elles ont pu humidifier certains sols et reverdir la végétation, mais la plupart n'ont pas rechargé les nappes", qui depuis mi-avril ont commencé à se vider, a expliqué Violaine Bault, hydrogéologue au BRGM lors d'une visioconférence. "En juin et pour le prochain trimestre, les niveaux des nappes devraient rester en baisse" et la situation "se dégrader" plus ou moins rapidement selon les zones, prévoit le BRGM.

La situation pourrait difficilement s'améliorer cet été, d'autant que Météo-France prévoit pour juin-juillet-août des températures probablement supérieures aux normales, synonyme de plus d'évaporation et de besoins en irrigations. Des températures estivales se sont installés sur la France depuis fin mai. Et les prévisions pour la semaine restent à un "niveau élevé pour la saison", entre 27 et 31 degrés sur la majorité du pays, mais "sans gros excès de chaleur" et avec des "nuits relativement fraîches". La vigilance canicule n'est actuellement activée dans aucun département.

Une quinzaine de départements, soit quasiment le double par rapport à juin dernier, sont déjà en certains endroits en situation de "crise" sécheresse, entraînant d'importantes restrictions d'eau. Des incendies ont aussi déjà débuté dans plusieurs régions, dont le dernier ce 13 juin dans les Vosges.

Risque de nouvelles restrictions d'eau

Sur les nappes phréatiques, la situation de juin 2023, est "proche" de celle de juin 2022 (69% des niveaux sous les normales), mais "plus contrastée" selon les régions. Certaines, abondamment arrosés en avril-mai, notamment en Bretagne et dans le Nord, affichent des niveaux très satisfaisants. À l'inverse, d'autres sont déficitaires, parfois même à des "niveaux historiquement bas".

"Pour le Var et le Roussillon, c'est déjà trop tard" quelles que soient les pluies qui pourraient tomber, a indiqué Violaine Bault. Pour le Roussillon, les niveaux sont tellement bas que par endroits des risques d'infiltration d'eau salée pourraient même se produire dans la nappe et rendre l'eau inconsommable, a-t-elle averti. Même les régions plus au Nord, comme le Poitou, la Lorraine ou le Jura, où il n'a pas plu depuis plusieurs semaines, ne sont pas à l'abri d'une détérioration rapide et pourraient connaître cet été des "situations tendues" sur l'approvisionnement en eau, a-t-elle ajouté.

Le BRGM s'attend donc à de nouvelles restrictions d'eau dans les prochaines semaines et recommande de "les respecter" en "limitant les prélèvements". "Longtemps, on a vécu comme des enfants gâtés en pensant qu'on n'allait jamais manquer d'eau", a déclaré Christophe Béchu, pointant notamment du doigt une bétonnisation trop importante - "ces 50 dernières années, on a plus artificialisé les sols qu'en 500 ans" – et invitant à la sobriété et à limiter le gaspillage. En matière d'eau, l'"abondance n'est plus de saison", a-t-il conclu.

 
  • Situation "moins critique" dans le Sud-Est grâce à des pluies inespérées

Après un hiver sans précipitations notables, "depuis mi-mai, on a des averses orageuses quasi-quotidiennement et les cumuls commencent à être importants sur Provence-Alpes-Côte d'Azur et une partie du nord du Gard", analyse Sylvain Galliau, météorologiste conseil à Météo-France pour le Sud-Est. Mais la situation reste très contrastée. Ainsi, les reliefs alpins sont très humides et sur une grande partie de l'intérieur des terres, "nous n'observons plus de sécheresse des sols". En revanche, sur le littoral et la vallée du Rhône, la sécheresse reste de mise avec en particulier le littoral de l'Hérault ou la Camargue où "on a des valeurs d'humidité des sols très basses, proches des records", énumère-t-il.
Face à ce constat, deux préfectures ont commencé à lever certaines interdictions. Dans le Gard, une partie du département est ainsi repassée en orange (alerte renforcée) même si un tiers du département reste en rouge (crise). Dans les Bouches-du-Rhône, les bassins de l'Huveaune et du Réal de Jouques sont passés du rouge à l'orange. "Les pluies de mai ont fait du bien, mais elles ne sont pas suffisantes pour inverser complètement la tendance qu'on connaît depuis un an. Il ne s'agit pas de dire que tout va bien mais que la situation est un peu moins critique", explique la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Bouches-du-Rhône. Dans le Var, où le préfet avait lancé un "cri d'alarme" dès février en plaçant la majorité du département en alerte, pas de changement en vue pour l'instant.
Dans le Verdon, haut-lieu du tourisme nautique en Europe, la saison se présente beaucoup mieux que l'an dernier. L'ensemble des lacs artificiels, dont Sainte-Croix, le plus connu, "ont atteint leurs cotes touristiques, bien en avance sur les prévisions", se réjouit Julien Martellini, directeur de l'Agence de développement des Alpes-de-Haute-Provence. Et le rafting, impossible l'été dernier, reviendra dans les gorges du Verdon, plus grand canyon d'Europe. "Les lâchers d'eau auront lieu de façon hebdomadaire, comme c'est le cas habituellement en juillet, et les prévisions, qu'il faudra actualiser, sont très favorables pour août", ajoute-t-il.
Le risque feu de forêt s'atténue également sur les prochaines semaines. Même si la situation peut vite se retourner. "La pluie tombée assez tardivement dans la saison n'est pas suffisante pour recharger en humidité profonde les sols et donc si nous avons une période de chaleur conséquente, l'effet des dernières pluies devrait s'estomper rapidement", prévient Lionel Mathieu, commandant des marins-pompiers de Marseille. Effectivement, les nappes phréatiques restent basses voire très basses, la végétation du printemps ayant capté l'essentiel de l'eau. Mais une partie du Sud-Est est alimentée en eau de consommation et d'irrigation grâce à un système de stockage en amont, dans les lacs du Verdon et de Serre-Ponçon. Grâce à un enneigement significatif et aux pluies, "les niveaux des lacs sont bien meilleurs que l'an dernier à la même époque", rassure la DDTM des Bouches-du-Rhône.