Services publics de l’emploi européens : une source d’inspiration pour France Travail

L’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances explorent, dans un rapport, les caractéristiques de plusieurs services publics de l’emploi européens. L’étude fait ressortir le caractère morcelé du système français, objet de la réforme "France Travail" inscrite dans le projet de loi "Plein emploi" devant être présenté ce 7 juin en conseil des ministres.

Après Régions de France (lire notre article du 18 janvier), c’est au tour des Inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) de se pencher sur les services publics de l’emploi européens. Le rapport conjoint des deux services, mis en ligne le 12 mai mais finalisé en février 2023, a identifié dans cinq pays et régions d’Europe (Allemagne, Catalogne, Danemark, Flandre et Suède) "les bonnes pratiques internationales utiles au projet de France Travail". En ressortent de "nombreux" enseignements, "sans ambiguïtés".

Une organisation plus morcelée en France

L’organisation des SPE étudiés est "moins morcelée que l’organisation française", posent les auteurs du rapport. Ainsi, le Danemark, la Flandre et la Suède ont mis en place des guichets uniques d’accompagnement pour les demandeurs d’emploi, qui ne relèvent que d’un ou deux échelons institutionnels. Quant à la France, elle compte trois échelons (Pôle emploi, les départements et le bloc communal) mais aussi des opérateurs spécialisés pour les jeunes, les travailleurs handicapés, ou encore les cadres. Source de difficultés, la coordination apparaît ainsi moins complexe dans les pays avec un plus faible nombre d’acteurs en jeu, estime la mission.

Dans le cadre de France Travail, le rapport recommande donc d’expérimenter "des structures communes à Pôle emploi, aux départements et aux missions locales pour la prise en charge des jeunes et des bénéficiaires du RSA". Il s’agit de renforcer la "redevabilité" des acteurs du SPE et notamment celle des départements et des missions locales. La mission appelle à définir un "cadre contractuel" basé sur la réalisation d’objectifs chiffrés. Au Danemark, la loi prévoit des actions à l’égard de municipalités qui ne parviennent pas à atteindre les objectifs. En Allemagne, les intercommunalités qui gèrent de manière autonome le service public de l’emploi signent avec leur Land (la région) un contrat définissant des objectifs à atteindre, et livrent des statistiques précises chaque mois.

Ni recentralisation, ni régionalisation

Si la répartition des compétences entre les acteurs du service public d’emploi demeurera inchangée dans le projet de loi Plein-emploi, le rapport imagine tout de même à quoi devrait ressembler une réforme future. Le rapport écarte tant la recentralisation totale, "qui obligerait à revenir sur 40 années de décentralisation", que la décentralisation totale du SPE à l’échelon régional sur les modèles belge et espagnol, "car cela priverait la France d’un échelon national de synthèse et de pilotage".

La mission appelle à "ne garder que l’échelon national et un échelon de proximité unique". L’intercommunalité "représente certainement l’échelon théoriquement le plus pertinent", estiment l’Igas et l’IGF, car étant "de même à tisser des liens directs avec les acteurs locaux", contrairement aux régions, de trop grande taille. "La coordination avec les autres politiques sociales est mieux assurée dans les pays qui ont confié le SPE aux communes, ou qui ont créé des structures communes entre l’échelon intercommunal et l’opérateur du SPE", peut-on aussi lire dans le rapport.

Priorité à l’emploi plutôt qu’à la formation

La stratégie des SPE étudiés est aussi "tournée vers la reprise rapide d’un emploi", ce qui passe "par différentes méthodes (…) qui visent à définir rapidement des objectifs réalistes de reprise d’emploi, à inciter le demandeur d’emploi à contacter régulièrement des employeurs et à reprendre un emploi, même s’il ne correspond pas à ses objectifs initiaux".

Seule la Catalogne et la France "favorisent l’accompagnement du projet du demandeur d’emploi, que ce projet permette de déboucher rapidement vers un emploi ou non". Une stratégie qui a pu se justifier dans le contexte d’un chômage élevé mais plus aujourd’hui, selon les deux services de contrôle, d’audit et d’évaluation. Pour ces mêmes raisons, le recours à la formation professionnelle, élevé, apparaît moins adapté dans un contexte de pénuries d’emploi, sauf à proposer des formations courtes et ciblant des emplois précis.

"Simplifier" les modes d’accompagnement

L’une des recommandations du rapport est aussi de "simplifier les différents modes d’accompagnement des demandeurs d’emploi" en France où ils sont "aussi complexes par leur nombre" que leur dénomination (suivi, guidé, renforcé, global…). Un autre enjeu est de "mieux caractériser l’éloignement à l’emploi, en particulier des bénéficiaires du RSA et de l’ASS (allocation de solidarité spécifique, versée par Pôle emploi)". En Allemagne, "l’aptitude au travail est déterminée par un médecin employé par les agences pour l’emploi", est-il souligné dans le rapport.

"Aucun des pays étudiés n’a trouvé de solutions particulièrement efficaces pour répondre à la préoccupation importante de réinsertion professionnelle des personnes très éloignées de l’emploi", constatent les inspecteurs. Ils soulignent néanmoins que certains freins périphériques, comme la garde d’enfants en Suède ou au Danemark ou la question de la mobilité en Flandre (qui a une bonne offre de transports), semble "poser moins de problèmes".

Des sanctions trop sévères en France

La mission se penche enfin sur les moyens humains et financiers consacrés ailleurs en Europe. Le Danemark apparaît ainsi comme le SPE le mieux doté en effectifs, devant l’Allemagne et la Flandre. Cet état de fait résulte notamment "de taux de chômage inférieurs et d’une richesse par habitant plus élevée".

"Concernant les sanctions pour les nombreuses absences aux rendez-vous, la grille de sanctions applicable aujourd’hui est trop sévère en France", ajoutent l’Igas et l’IGF. A Pôle emploi, elles se comptent en mois de radiation (1 mois au premier avertissement, puis 2 mois et 4 mois ensuite) et non en jours comme en Suède, ce qui conduit à un moindre recours. La mission recommande donc une grille "plus progressive". Un conseil déjà suivi par le gouvernement qui envisage une sanction de "suspension remobilisation".

 

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