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Télétravail : les territoires s’organisent pour répondre à une pratique qui s’ancre durablement

Alors que le projet d’accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail a été entériné par la majorité des partenaires sociaux le 26 novembre dernier, cette pratique, qui est en train de s’ancrer durablement, a aussi des impacts dans les territoires qui s’organisent pour répondre aux nouveaux besoins qu’elle fait émerger.

La question est évoquée en quelques lignes : "les territoires peuvent bénéficier d’un avantage compétitif en offrant des conditions d’accueil optimales au sein, par exemple, de tiers-lieux (accessibilité tarifaire, qualité de l’animation et des infrastructures de l’espace de coworking, mixité des espaces offrant des relations avec des pépinières d’entreprises, etc.)", peut-on lire dans le préambule du projet d’accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail, soumis le 26 novembre 2020 par les organisations patronales (CPME, Medef, U2P) aux syndicats.

Si ce texte, dont la signature interviendra au plus tard le 23 décembre et qui a reçu l’aval de quatre syndicats sur cinq (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO, la CGT ayant émis un avis défavorable), a pour but de préciser le cadre et les règles du télétravail en entreprise, le développement de cette pratique que la crise sanitaire a contribué à ancrer durablement a également des impacts dans les territoires.

Pas tous positifs, relève d’ailleurs à ce propos Floriane Boulay, déléguée générale adjointe de l’Assemblée des communautés de France (ADCF) : "À court terme, le télétravail a eu une conséquence directe sur les recettes des collectivités, avec une diminution du versement mobilité qui a atteint - 17% dans certains territoires." Avant de souligner qu’à plus long terme, le développement du télétravail va poser la question du financement des transports publics.

 

Répondre aux besoins des habitants

"Le deuxième sujet concerne la manière dont s’organise le télétravail, notamment le fait de savoir si les collectivités sont en capacité de proposer des lieux à cet effet. Pendant les deux périodes de confinement, certaines d’entre elles ont organisé des espaces de coworking un peu improvisés et cela a plutôt bien marché", poursuit Floriane Boulay, citant l’exemple de Lille Métropole où, face à la saturation des espaces existants de coworking, l’agglomération en a créé de nouveaux.

Début novembre, la commune de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) a ouvert deux espaces, l’un dans les locaux de la mairie, l’autre dans une médiathèque, afin de permettre à ses habitants, salariés mais aussi étudiants, de bénéficier d’un cadre de travail adapté à leurs besoins (connexion wifi, imprimante, mise à disposition d’ordinateurs…). "Étant avocat en droit du travail, j’ai été confronté au télétravail lors du premier confinement et j’accompagnais des entreprises qui avaient des difficultés en raison de cette situation, confie Zartoshte Bakhtiari, élu maire de la commune lors des dernières élections municipales. J’avais également le retour terrain à Neuilly-sur-Marne, pendant la campagne de l’entre-deux tours, où je rencontrais de nombreuses personnes qui avaient des problèmes de connexion Internet. J’ai ainsi eu, à partir des mois de mai/juin 2020, des retours sur des dysfonctionnements existants, notamment sur cet aspect, et c’est la raison pour laquelle, lorsque le second confinement a été annoncé, j’ai souhaité apporter des solutions très rapidement."

 

Phénomène de société profond

Au-delà de ces réponses mises sur pied dans l’urgence, la crise sanitaire a aussi mis en lumière, notamment à travers la mobilisation des fablabs et des makerplaces dans la fabrication d’équipements pour les personnels soignants, le rôle des tiers-lieux. "Factuellement, le nombre de ces nouveaux lieux de travail explose dans le pays, souligne Patrick Lévy-Waitz, président de France Tiers-Lieux, association créée à la suite du rapport de la mission coworking de septembre 2018 afin de structurer la filière des tiers-lieux en France. C’est un mouvement de fond sur les territoires qui n’était pas forcément visible, tout comme cette évolution du rapport au travail, mais qui a connu une accélération avec les attentes nées lors de la crise sanitaire. Mais il s’agit d’un phénomène de société profond et durable, un changement de comportement des citoyens qui entraîne un changement d’appréhension des politiques publiques et l’émergence de réponses dans les territoires qui ont à la fois besoin de favoriser leur attractivité et de répondre aux besoins des gens de travailler en proximité."

 

Engager un dialogue

Mais, prévient Floriane Boulay, l’aménagement d’espaces de coworking et de tiers-lieu, ne s’improvise pas du jour au lendemain. "Cela nécessite de la réflexion : il ne faut pas créer de concurrence entre les territoires, il y a des systèmes tarifaires à imaginer, bien savoir quel va être le public cible… Il y a ainsi un vrai dialogue à engager avec les entreprises du territoire, voire avec les territoires voisins, avec la SNCF…"

Certaines collectivités n’ont pas attendu la pandémie de Covid-19 pour engager une réflexion sur le développement du télétravail à l’échelle de leur territoire. C’est le cas de Nantes Métropole qui en a fait l’un des axes de sa feuille de route transition énergétique, adoptée en février 2018. En juin 2019, elle a par exemple invité les entreprises du territoire à participer au Défi Télétravail. Objectif : économiser un million de km de déplacements mais aussi permettre aux entreprises participantes d’être accompagnées sur trois axes d’expérimentation que sont le développement du travail à domicile, le télétravail en coworking et le partage de locaux. Enfin, la métropole a, lors du premier confinement, publié un "guide de la mise en place du télétravail dans l'urgence", à l’intention des entreprises.