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Un décret précise les modalités du mécanisme de rescrit du préfet

À l’image du rescrit administratif, les collectivités locales pourront désormais obtenir, dans leurs relations avec l’État, une position circonstanciée sur l'interprétation d'une norme législative ou réglementaire, en vue de sécuriser au préalable leurs décisions, dans le cadre de l'exercice du contrôle de légalité que le préfet assure sur leurs actes. 

Sur la base d'un mécanisme similaire à celui prévu par la loi Essoc dans les relations entre l’administration et les usagers, la loi "Engagement et proximité" a introduit - art. L. 1116-1 du code général des collectivité territoriales (CGCT) - un principe de rescrit administratif au profit des collectivités territoriales en permettant à ces dernières d'y recourir dans le cadre de l'exercice du contrôle de légalité que le préfet assure sur leurs actes. Un décret d’application, paru ce 27 mai, précise les modalités de ce nouvel instrument juridique de nature à accroître la sécurité juridique des actes pris notamment par les maires, s’agissant par exemple de leurs pouvoirs de police, en limitant les risques de contentieux ultérieurs. En pratique, les collectivités territoriales sollicitent fréquemment l'avis des services préfectoraux dans le cadre d'un conseil préalable non formalisé et non encadré réglementairement, et surtout sans que cela n’engage le préfet. Ce nouvel outil à la disposition des collectivités, de leurs groupements et de leurs établissements publics, confrontés à des décisions complexes dans la mise en oeuvre d’une norme régissant l’exercice de leurs compétences, leur permet désormais de solliciter du préfet une prise de position formelle sur un projet d’acte avant son adoption. 

Demande claire et précise

Un dispositif "particulièrement opportun pour les petites collectivités qui ne disposent pas de service juridique dédié", relève le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) dans son avis du 2 avril dernier. La sollicitation, qui pourra porter sur toute disposition législative ou réglementaire régissant l’exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leur exécutif, devra comporter une demande "précise", qui pose clairement le(s) point(s) juridique(s) à trancher, ainsi que le "projet d’acte". Outre la nécessité que la demande soit écrite, précise et complète, elle devra être, sous peine d’irrecevabilité, "signée par une personne compétente pour représenter l’auteur de la demande". Le demandeur sera par ailleurs dans l’obligation de l’assortir "d'un exposé des circonstances de fait et de droit" ainsi que de "toute information ou pièce utile de nature à permettre à l'autorité compétente de se prononcer". La demande de prise de position formelle pourra être transmise "par tout moyen permettant d'apporter la preuve de sa réception". Il est également prévu que la prise de position formelle soit jointe lors de la transmission de l’acte définitivement adopté au préfet. 

Immunité partielle

La position formelle exprimée par le préfet lui est ainsi rendue opposable au stade du contrôle de légalité de l'acte. En effet, si ce dernier a été pris conformément à la position rendue, le préfet perd la faculté de mettre en oeuvre la procédure du déféré préfectoral pour le contester, sauf démonstration d’un changement de circonstances de droit ou de fait. Il s’agit toutefois d’une "immunité partielle", ce mécanisme n’étant "pas de nature à faire obstacle au recours des autres tiers devant les juridictions compétentes", insiste le CNEN. A l’inverse, le silence gardé par l’administration pendant trois mois vaudra absence de prise de position formelle, et l’acte ne fera donc l’objet d’aucune immunité contentieuse. S’agissant d'une procédure spécifique appliquée à l'exercice des pouvoirs constitutionnellement reconnus au préfet, il est dérogé à la règle "du silence vaut acceptation" posée par l'article L231-1 du code des relations entre le public et l’administration. 

Un délai de réponse trop long

Ce délai fixé à trois mois court "à compter de la réception de la demande" par la préfecture, précise le texte. Une durée qui peut apparaître "disproportionnée", note le CNEN, "dans la mesure où aucune disposition dérogatoire n’a été prévue en cas d’urgence tenant à l’adoption de l’acte, le risque étant que ce dernier soit pris avant la réponse des services préfectoraux quant à sa légalité". Ce délai doit s'entendre "comme une durée maximale de réponse laissée au représentant de l’État", précise cependant le ministère de la Cohésion des territoires, "celle-ci pouvant être adaptée en fonction du caractère urgent de la demande". Qu’advient-il si la prise de position formelle sur un acte est communiquée après son adoption ? Dans cette hypothèse, "celle-ci pourrait être jointe au moment de la transmission de l’acte au préfet", remarque le ministère. "Si ce dernier est conforme à la prise de position formelle, il pourra alors bénéficier de l’immunité contentieuse prévue à l’article L. 1116-1 du CGCT", confirme-t-il. 

Une procédure perfectible

Pour le CNEN, un cap supplémentaire pourrait être franchi en s’inspirant du rescrit applicable en droit fiscal. Sur ce modèle, "il serait pertinent que le silence gardé par le représentant de l’État pendant trois mois puisse valoir accord tacite sur le projet d'acte et non plus absence de prise de position formelle", propose-t-il, arguant que "cette absence de prise de position n’est pas de nature à sécuriser l’action des exécutifs locaux". 

 
Référence : décret n° 2020-634 du 25 mai 2020 portant application de l'article L. 1116-1 du code général des collectivités territoriales relatif à la demande de prise de position formelle adressée au représentant de l’Etat, JO du 27 mai 2020, texte n° 48.
 

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