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Protection de l'enfance - Un département ne peut se soustraire à ses missions d'ASE, même en cas d'OQTF ou de violences

Où s'arrêtent les obligations de prise en charge par un département au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ? Une décision du Conseil d'Etat en date du 27 décembre 2017, concernant le conseil départemental de Seine-et-Marne, apporte à cette question une réponse très extensive. Dans cette affaire, M.B, de nationalité ivoirienne et né officiellement le 10 septembre 2001, entre irrégulièrement en France en 2017, sans famille connue ni ressources. Une décision du juge des enfants du tribunal de grande instance de Meaux du 29 juin 2017 le confie, en tant que mineur non accompagné, aux services de l'ASE du département de Seine-et-Marne, jusqu'au 29 juin 2018. Il est alors pris en charge par une association, qui assure son hébergement en hôtel. Mais, à partir de là, les choses ne se passent pas comme prévu.

Age réel et obligation de quitter le territoire français

"A la suite d'incidents graves à l'encontre notamment d'une chef de service de cette association", M.B est placé en garde à vue du 4 au 6 octobre 2017, avec six autres jeunes pris en charge par l'association. A cette occasion, un constat médical, établi sur réquisition judiciaire par un médecin de l'unité médico-judiciaire du Grand hôpital de l'Est francilien, conclut que "l'âge physiologique de l'intéressé était supérieur à 18 ans, et probablement supérieur ou égal à 19 ans". Par arrêté du 6 octobre 2017, le préfet de Seine-et-Marne prononce à l'encontre de M.B une obligation de quitter le territoire français (OQTF), assortie d'une interdiction de séjour de trois ans. Le 12 octobre, le président du conseil départemental, qui a demandé au juge des enfants la mainlevée du placement, décide de mettre fin à la prise en charge de M.B, qui saisit alors le tribunal administratif de Melun.

L'examen médical n'a pas a être pris en compte

Le 20 octobre, le juge des référés du tribunal administratif enjoint au président du conseil départemental de proposer à M.B "une solution d'hébergement, incluant le logement et la prise en charge des besoins alimentaires quotidiens de l'intéressé, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de son ordonnance, sous astreinte de 50 euros par jour de retard". Le département saisit alors le Conseil d'Etat pour faire annuler cette ordonnance.
Dans sa décision du 27 décembre 2017, le Conseil d'Etat rejette cette demande, en faisant valoir plusieurs éléments. Tout d'abord, il constate que M.B reste à ce jour confié au service de l'ASE du département par décision du juge des enfants, "qui l'a regardé comme mineur et n'a pas prononcé la mainlevée de la mesure". En outre, par une ordonnance du 31 octobre 2017, le juge des tutelles du tribunal de grande instance de Meaux, estimant que l'intéressé est mineur, a ouvert à son égard une tutelle, qu'il a déférée au président du conseil départemental. Aussi, "le département ne peut utilement se prévaloir des conclusions tirées de l'examen médical de l'intéressé quant à son âge physiologique vraisemblable, non plus que de la circonstance qu'une obligation de quitter le territoire français a été prise à son égard".

Une obligation de prise en charge des besoins élémentaires

Ensuite, le Conseil d'Etat juge que, du fait de la décision de mettre fin à sa prise en charge par l'ASE, "M. B, qui n'a pas de famille en France et est dépourvu de ressources, s'est trouvé sans abri, dans une situation de très grande précarité et vulnérabilité". Aussi, "si les faits auxquels M. B a participé le 28 septembre 2017 justifient qu'il ne soit plus pris en charge par la structure à laquelle, jusque-là, il avait été confié, ils ne font pas obstacle à toute forme de mise à l'abri permettant de prendre en charge ses besoins élémentaires en ce qui concerne l'hébergement et l'alimentation", d'autant plus que l'intéressé n'a pas adopté depuis lors un comportement qui s'y opposerait.
D'autre part, "il ne résulte pas de l'instruction qu'aucune solution de ce type ne puisse être trouvée par le département de Seine-et-Marne, en dépit de l'augmentation du nombre de mineurs dont il a la charge".

Références : Conseil d'Etat, 1e et 6e chambres réunies, décision n°415436 du 27 décembre 2017, conseil départemental de Seine-et-Marne, M.B.