Une croissance démographique deux fois plus élevée dans l’urbain que le rural

La croissance démographique française faiblit, passant de 0,5% par an entre 2010 et 2015 à 0,3% de 2015 à 2021, en raison d'une moindre contribution au solde naturel. 23 départements sont en déclin.

Au 1er janvier 2021, la France comptait 67,4 millions d'habitants (hors Mayotte), soit une croissance moyenne de 203.000 habitants pas an depuis 2015. L'équivalent de la population de Reims. Mais cette croissance démographique faiblit : elle est passée de 0,5% par an entre 2010 et 2015 à 0,3% depuis, selon les derniers chiffres du recensement publiés par l'Insee le 28 décembre. Ce ralentissement s'explique avant tout par "une moindre contribution du solde naturel", passée de 0,4 à 0,2% par an en moyenne entre les deux périodes. A cela deux raisons : plus de décès - du fait de l'arrivée à des âges avancés des babyboomers à laquelle s'ajoute également le surcroît de décès dus au covid - et un recul des naissances. Sur ce dernier point, la situation ne fait qu'empirer puisque le nombre de naissances a reculé de 6,8% sur les onze premiers mois de l'année 2023, selon d'autres chiffres de l'Insee publiés le 4 janvier (voir encadré).

Dans ce contexte, neuf régions conservent cependant un rythme de croissance supérieur à 0,4% entre 2015 et 2021. Parmi elles trois se détachent : la Guyane (+1,6%), la Corse (+1%) et l'Occitanie (+0,7%).

23 départements en déclin démographique

L'exemple de la Guyane – qui gagne presque 27.000 habitants par an - est d'autant plus saisissant qu'il contraste avec la situation de la Guadeloupe et de la Martinique qui enregistrent au contraire une baisse importante de leur population (-0,6% et -0,9%) du fait "de soldes migratoires apparents particulièrement négatifs, qui incluent les mouvements de population avec l'étranger et avec les autres régions françaises" et d'un solde naturel qui se dégrade. Cette vigueur démographique guyanaise (qui tend pourtant elle aussi à ralentir) est "entièrement portée par le solde naturel", avec un nombre de naissances nettement supérieur aux décès, alors que le solde migratoire (en provenance de France ou de l'étranger) est négatif, du fait des nombreux départs de jeunes en quête d'opportunités professionnelles.

En Centre-Val-de-Loire, Normandie, Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France et Grand Est, la population est "stable". Avec cependant des contrastes importants au niveau départemental. Les fortes croissances démographiques se concentrent dans un nombre de plus en plus restreint de départements "autour de Paris, le long de la façade atlantique, dans le Sud, et dans le couloir rhodanien", dans l'Hérault, la Haute-Garonne, la Loire-Atlantique, la Gironde, en Corse du Sud et en Haute-Savoie.  A l'opposé, 23 départements connaissent une baisse de leur population d'au moins 0,2% par an. A l'exception du Cantal (et de la Guadeloupe et de la Martinique pour l'outre-mer), ils se situent tous dans la moitié nord du pays : Paris intramuros, la Somme, l'Aisne, l'Allier... Et dix d'entre eux connaissent une décrue supérieure à 0,5% : Creuse, Cher, Nièvre, Indre, Haute-Marne, Vosges, Territoire de Belfort, Meuse, Ardennes, Orne.

Une population rurale deux fois moins dynamique

Autre enseignement : la croissance démographique est deux fois plus rapide dans l'espace urbain que dans l'espace rural (0,4% contre 0,2%) alors qu'elle était équivalente entre 2010 et 2015. Toutefois, même dans l'espace urbain, la croissance ralentit. Toulouse, Nantes, Montpellier et Toulon sont les quatre villes où la croissance démographique est la plus soutenue. La moindre croissance de la population rurale s'explique par un solde naturel devenu négatif alors que le solde migratoire tend à diminuer. Dans les communes hors influence des pôles, "le déficit des naissances sur les décès s'est particulièrement amplifié", note l'Insee.      

Dans le Grand Est, seul le Bas-Rhin voit sa population augmenter et la population baisse dans trois communes sur cinq. Les zones frontalières du Luxembourg et de la Suisse sont particulièrement dynamiques. C'est également le cas en Auvergne-Rhône-Alpes avec la Haute-Savoie et l'Ain, qui enregistrent les plus fortes croissances régionales (1% et 0,8%). Deuxième région française après l'Ile-de-France (8,1 millions d'habitants), Auvergne-Rhône-Alpes voit sa population augmenter de 40.000 habitants par an, soit l’équivalent d’une ville comme Montélimar.

Occitanie et Corse : deux régions attractives

Troisième région la plus dynamique, l'Occitanie tire sa croissance par un fort excédent migratoire, la Haute-Garonne et l'Hérault étant les deux départements métropolitains où la population augmente le plus rapidement (+1,2% par an, 4 fois la moyenne nationale), devant la Gironde et la Loire-Atlantique. Cette attractivité compense la dégradation des soldes naturels. La population progresse fortement à Toulouse et Montpellier qui franchissent respectivement les seuils de 500.000 et 300.000 habitants, à l'inverse de Nîmes et Perpignan qui perdent des habitants. Béziers enregistre aussi une forte progression (+0,9%).

Pour ce qui est de la Corse, qui enregistre la plus forte croissance démographique des régions métropolitaines, le gain est exclusivement tiré par l'afflux migratoire, sachant que la fécondité y "demeure la plus faible de France avec 1,37 enfant par femme contre 1,76 en moyenne nationale".

 

Naissances : vers un "nouveau point bas historique"

Le nombre de naissances a reculé de 6,8% entre janvier et novembre 2023, par rapport à la même période de l'année précédente, selon les données de l'Insee publiées le 4 janvier. Sur l'année, il devrait atteindre "un nouveau point bas historique", estime l'institut, alors que les naissances sont en baisse depuis 2011. Seule exception : l'année 2021, qui a connu un léger rebond après les confinements liés au Covid.

L'Insee met en avant un facteur démographique (avec une diminution du nombre de femmes en âge de procréer). A cela il faut ajouter des facteurs sociaux. La "peur du lendemain", nourrie par le contexte géopolitique et climatique n'incite pas les jeunes couples à se projeter. "Pour fonder une famille, il faut avoir de l'espoir. Or les jeunes générations sont peut-être plus habitées par l'inquiétude quant à leur avenir", commente auprès de l'AFP Catherine Scornet, maîtresse de conférence à l'Université d'Aix-Marseille. La sociologue et démographe invoque aussi des "raisons libertaires", liées à "l'émancipation individuelle". "Les femmes diplômées sont celles qui se projettent le plus en dehors de la maternité, elles s'investissent et s'épanouissent dans d'autres domaines personnels ou professionnels", souligne-t-elle.

Bien qu'il soit en repli, le taux de fécondité de la France reste le plus élevé de l'Union européenne, avec 1,84 enfant par femme en 2021, selon Eurostat. La moyenne de l'UE atteint 1,53.

Avec AFP

 

 

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