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Une erreur de prix ne justifie pas l'annulation d'un marché public

Dans un arrêt du 9 novembre 2018, le Conseil d'Etat a définitivement tranché une affaire relative à la légalité d'un marché en cas d'erreur sur le prix. Le 12 juillet dernier, la Haute juridiction administrative avait déjà suspendu l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel (CAA) qui avait annulé le marché public en cause.

En l’espèce, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) avait lancé une procédure pour la passation d’un marché de fourniture de kits de dépistage immunologique du cancer colorectal ainsi que pour la gestion de la solution d’analyse de ces tests. Le marché a été attribué aux sociétés Cerba et Da klapack Europe B.V. Candidats évincés, le Groupement des laboratoires de biologie médicale (GLBM) et le groupement d’intérêt économique (GIE) Labco Gestion ont alors saisi le juge administratif d’une demande d’annulation de ce marché. Si le tribunal administratif (TA) de Paris a rejeté cette demande, la CAA de Paris y a quant à elle fait droit. Suite à ce jugement, le pouvoir adjudicateur et les sociétés titulaires ont saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation, accompagné d’une demande de suspension de l’arrêt d’appel.
 Afin d’éviter que l’annulation du marché produise des effets irrémédiables, la Haute juridiction administrative avait prononcé la suspension du jugement de la CAA (voir notre article du 16 juillet 2018). Une telle annulation aurait effectivement pu empêcher la détection de personnes malades. Alors que l’exécution de ce marché aurait dû cesser le 1er août, elle a donc continué jusqu’à ce que le Conseil d’Etat tranche définitivement l’affaire en tant que juge de cassation.

Pas de vice du consentement en cas d’erreur sur le prix

Selon la CAA, la validité du marché était affectée par l’existence d’un vice de consentement. En effet, l’offre des sociétés titulaires proposait des prix hors taxes, indiquant que la TVA n’était pas applicable. Pourtant, comme l’a rappelé à juste titre la CAA, le prix des kits de dépistage était bien soumis à la TVA en vertu de l’article 283 du code général des impôts. Les kits étaient certes fabriqués par une société néerlandaise mais c’est la CNAMTS qui procédait au paiement. Toutefois, le Conseil d’Etat n’a pas suivi le raisonnement de la CAA sur ce point. S’il a lui aussi reconnu cette erreur dans l’appréciation du prix, il a cependant considéré qu’une telle erreur ne pouvait s’apparenter à un vice du consentement et dès lors donner lieu à une annulation du marché en litige.
 A ce titre, les juges de cassation ont rappelé la jurisprudence " Département du Tarn et Garonne " de 2014 selon laquelle le juge peut prononcer l’annulation d’un contrat seulement "si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice du consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité".
 L’erreur de prix n’ayant pas vicié le consentement de la CNAMTS, la CAA ne pouvait donc pas annuler le marché.

Le Conseil d’Etat a également estimé qu’une telle annulation portait une atteinte excessive à l’intérêt général compte tenu de "l’enjeu majeur de santé publique que représente le dépistage du cancer colorectal". Dès lors, les arguments de la CAA selon lesquels d’autres tests de dépistage étaient aisément accessibles ou encore que ce marché arrivait à son terme en janvier 2019 n’ont pas été retenus.

Après avoir annulé le jugement de la CAA, le Conseil d’Etat a tranché l’affaire sur le fond. Se fondant encore sur la jurisprudence "Département du Tarn et Garonne", il a rappelé que les candidats évincés à bon droit ne pouvaient soutenir que l’offre retenue était irrégulière ou inacceptable, sauf s’ils invoquent un moyen d’ordre public tel que le vice du consentement. Aucun moyen d’ordre public n’ayant été retenu ici par les juges de cassation, ce marché ne pouvait être ni annulé, ni résilié.

Référence : CE, 9 novembre 2018, n°420654

 

 

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