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Vices cachés dans les marchés publics : une garantie à ne pas négliger !

Dans une affaire du 7 juin 2018, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’application de la garantie des vices cachés à un marché public. La question principale était de savoir quelles prescriptions étaient applicables dans la cadre d’un référé-expertise.

En l’espèce, le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise (Sytral) avait conclu plusieurs marchés publics, pour l’achat d’autobus, avec la société Iveco France. Suite à des départs d’incendie affectant les véhicules de son parc d’autobus, le Sytral avait saisi le tribunal administratif (TA) de Lyon qui, à sa demande, avait ordonné une expertise pour déterminer l’origine de ces dysfonctionnements. Sa requête devant la cour administrative d’appel de Lyon ayant été rejetée, la société Iveco a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.

Toutes les prescriptions ne sont pas bonnes à prendre

Selon la société d’autobus, le juge du référé ne pouvait ordonner une expertise car cette demande était irrecevable en raison de la prescription. En effet, selon l’article R. 532-1 du code de justice administrative, le juge du "référé-expertise" apprécie l’utilité de la demande "dans la perspective d’un litige principal, actuel ou éventuel". Le juge du référé ne saurait donc ordonner une expertise si les prétentions du demandeur sont irrecevables ou "se heurtent à la prescription".
Deux dispositions, issues du droit privé, avaient été avancées par les parties : l’article 1648 du code civil et l’article L. 110-4 du code de commerce. Le premier, autrement appelé "garantie des vices cachés", permet à l’acheteur d’engager la responsabilité du vendeur dans un délai de deux ans après la découverte du vice. La seconde disposition prévoit quant à elle une prescription de cinq ans pour toutes les obligations nées à l’occasion de commerce.
Les marchés publics par lesquels le Sytral s’était fourni en autobus auprès de la société Iveco avaient été conclus en 2005, 2008 et 2010.
Selon la société titulaire du marché, la requête introduite en 2017 devant le juge du référé-expertise était donc irrecevable en raison de la prescription prévue par l’article L. 110-4 du code du commerce. Toujours selon elle, ce même article faisait également obstacle à la garantie des vices cachés puisque le délai d’action de deux ans était "enserré" dans le délai de droit commun de l’article du code du commerce.
Le Conseil d’Etat a toutefois rejeté cet argument, rappelant que l’article L. 110-4 du code du commerce n’était pas applicable aux obligations nées à l’occasion de marchés publics. Il s’est en revanche fondé sur l’article 1648 du code civil qui lui s’applique bien à ces contrats. Le Sytral n’ayant eu connaissance des vices affectant les autobus qu’en mars 2017, suite à la remise du rapport de l’expert de la compagnie d’assurance, une action au fond sur ce fondement était bien possible lors de la saisie du TA. L’utilité du référé-expertise était donc bien démontrée.

Une notion d’utilité largement entendue

La société Iveco contestait également le périmètre de l’expertise. En effet, le Sytral ne s’était pas limité aux trois marchés précités mais avait aussi demandé au juge d’inclure des marchés passés en 2011 et 2015. Alors qu’aucun véhicule de ces marchés plus récents n'étaient concernés par le dysfonctionnement des démarreurs ayant causé des départs des feu, le TA les a tout de même admis dans le périmètre de l’expertise. Le Conseil d’Etat a confirmé ce raisonnement, les autobus fournis suite aux marchés publics passés en 2011 et 2015 étant équipés des mêmes démarreurs. Même en l’absence de désordres constatés sur ces véhicules plus récents, les juges de cassation ont estimé qu’il était utile, "dans la perspective de litiges éventuels", de les inclure dans le périmètre de l’expertise.
Si l’ordonnance du TA a été annulée en raison d’une contraction de motif, la requête de la société Iveco a été rejetée sur le fond.

Référence : CE, 7 juin 2018, n° 416535

 

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