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Plan d'hébergement hivernal 2016-2017 - 100 millions d'euros supplémentaires suffiront-ils à faire face à l'explosion des demandes au 115 ?

Tandis que la Fnars (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale) appelle l'attention du gouvernement sur l'"explosion" des familles appelant le 115, Emmanuelle Cosse annonce 100 millions d'euros de crédits supplémentaires dans le cadre de son plan d'hébergement hivernal 2016-2017.

Dans le cadre de la mise en œuvre du plan d'hébergement hivernal 2016-2017, Emmanuelle Cosse a annoncé le 15 novembre un engagement supplémentaire de l'Etat de plus de 100 millions d'euros "d'ici la fin du mois" pour que "toute personne en détresse se voie proposer une solution" (*). "Ce montant permettra de garantir le financement de l'intégralité des places d'hébergement d'urgence dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) disponibles (environ 110.000) et l'augmentation du parc à l'entrée dans la campagne hivernale 2016/2017", indique le ministère à Localtis. "Y compris le recours aux nuitées hôtelières mobilisées pour le relogement temporaire des personnes en situation de grande vulnérabilité", ajoute-t-il. Cette décision fait suite à la circulaire que la ministre du Logement a adressée aux préfets le 27 octobre (voir notre article du 31 octobre 2016) et des retours qu'ils lui ont fait des besoins dans leur département. A cette occasion, Emmanuelle Cosse a réaffirmé sa conception d'un hébergement "inconditionnel" et "son engagement en faveur de tous les publics précaires, sans concurrence entre eux" (sous-entendu : la concurrence entre les publics "traditionnels" et les publics "migrants").
Le ministère a également rappelé que le projet de loi de finances pour 2017, en cours d'examen au Parlement, prévoit de consacrer 1,7 milliard d'euros à l'hébergement, contre 1,5 milliard en 2016.

Le nombre de familles à la rue a explosé dans de nombreuses villes

En trois ans, selon le ministère, le parc d'hébergement a augmenté de près de 27%, passant de 93.600 places pérennes à 118.650 au 30 juin 2016. Une progression qui ne suffit pourtant pas à endiguer la demande, notamment celle provenant de familles à la rue. La Fnars (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale) - qui regroupe 870 associations et organismes gérant près de 2.800 structures - a ainsi publié, le 14 novembre, les résultats d'une "enquête flash" réalisée une semaine plus tôt auprès de quelques centres 115 confrontés à des situations tendues. Les résultats montrent que "le nombre de familles (au moins un parent et un enfant) à la rue a explosé dans de nombreuses villes et départements".

32 enfants de moins de trois ans ont dormi dans la rue en Seine-Saint-Denis la nuit de 7 novembre

La Fnars cite le, le cas de la Seine-Saint-Denis. Dans ce département, l'enquête - réalisée la nuit du 7 novembre - a dénombré pas moins de 32 enfants de moins de trois ans (sur 162 mineurs) qui ont dormi dans la rue cette nuit-là. A la même date, la situation était comparable dans d'autres territoires : ainsi, 193 familles ayant sollicité le 115 étaient sans solution d'hébergement à Lille et 44 familles à Toulouse. Le dispositif d'hébergement d'urgence est également complètement saturé dans les Alpes-Maritimes, dans le Rhône et en Isère. Le communiqué de la Fnars rappelle d'ailleurs que le 115 de l'Isère était en grève le 8 novembre, faute de places disponibles à proposer aux personnes "et aux injonctions de tri des publics en fonction de leur statut, de critères de vulnérabilité, voire de ressources".
La situation ne semble pas meilleure du côté du Samu social de Paris. La nuit de l'enquête, 590 personnes en famille n'ont pas pu obtenir d'hébergement, faute de places disponibles. Le 115 de la capitale alerte d'ailleurs "sur la saturation du dispositif hôtelier et sur le déséquilibre entre le nombre de demandes et le nombre de places hivernales adaptées à l'accueil de familles".

Mobiliser en urgence les bâtiments publics disponibles

Face à cette situation, la Fnars "demande en urgence la mobilisation par l'Etat et les collectivités locales de tous les bâtiments publics disponibles pour l'ouverture de places d'hébergement sur ces territoires, dans le respect de la dignité des personnes et du principe d'inconditionnalité de l'accueil". Elle demande également la mise en place, sur tous les territoires, d'une coordination entre les centres d'accueil et d'orientation (CAO), les 115 / Siao (services intégrés d'accueil et d'orientation) et les structures d'hébergement, "afin de mobiliser toutes les places disponibles et de limiter la concurrence entre les publics".
Reprenant une revendication récurrente, la Fnars demande aussi au gouvernement "de s'engager dès à présent à pérenniser des places d'accueil ouvertes cet hiver pour qu'aucune personne ne soit remise à la rue au printemps".
Même si la Fnars joue son rôle coutumier d'alerte à l'approche de l'hiver, le contraste semble saisissant entre les chiffres relevés par l'enquête flash et les déclarations, plutôt rassurantes, de la ministre du Logement et des préfets concernés. Le résultat est d'autant plus étonnant que l'évacuation du "camp" de la place Stalingrad à Paris, qui regroupait environ 3.000 migrants dont de nombreuses familles, venait d'avoir lieu juste avant l'enquête, les 3 et 4 novembre.

Jean-Noël Escudié / PCA

(*) Ces crédits seront mis à la disposition des préfets de région via un décret d'avance permettant de puiser dans le programme 177 "Hébergement" de la loi de finances pour 2016.