Fonction publique territoriale - 22 recommandations pour réduire le nombre des "reçus-collés"
Le ministère de l'Intérieur vient de rendre public un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) sur le thème des "reçus-collés" aux concours de la fonction publique territoriale (FPT), c'est-à-dire les lauréats des concours qui, après avoir été inscrits sur une liste d'aptitude pendant trois ans, en ont été rayés faute d'avoir été recrutés. Il s'agit de l'une des toutes premières études approfondies et assorties de propositions sur un phénomène aussi vieux que la FPT. Un phénomène qui, s'il rassemble tous les acteurs sur la nécessité de l'enrayer, les divise profondément dès qu'il s'agit d'évoquer la manière d'y parvenir.
L'intérêt de ce rapport commandé en novembre 2011 par trois ministres du gouvernement de François Fillon, notamment en vue d'ouvrir des discussions avec les syndicats sur ce sujet, est d'affiner l'état des lieux de la question. Jusque-là, la connaissance qu'on avait des reçus-collés reposait sur une enquête incomplète menée en 2011 par la Fédération nationale des centres de gestion et le Centre national de la fonction publique territoriale. Une enquête qui évaluait le taux des reçus-collés à environ 14%. Un taux qui, d'après la mission conduite par l'IGA, serait en réalité inférieur à 10%. Pour autant, la mission confirme que ce chiffre moyen masque des différences très importantes entre les filières, avec des records de reçus-collés pour les filières sportive, médicotechnique et culturelle.
Mal évalué, multiforme, le phénomène des reçus-collés persiste. En cause : une responsabilité partagée des employeurs, des organisateurs des concours (centres de gestion), des candidats eux-mêmes et de l'Etat.
Des lauréats finalement recrutés ailleurs
Du côté des collectivités locales, la mission pointe l'absence encore trop fréquente d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) qui permettrait de fonder l'organisation des concours sur des prévisions fiables. Mais, aussi, les stratégies qui poussent ces mêmes collectivités à privilégier les recrutements d'agents en interne, ou les recrutements de contractuels, plutôt que des lauréats inscrits sur liste d'aptitude parfois sans expérience (notamment ceux du concours externe). Du côté des centres de gestion, la mission déplore les délais trop longs entre l'interrogation des collectivités sur leurs besoins et l'organisation effective des concours, tout en regrettant que ces concours aient lieu trop fréquemment. La mission dénonce aussi la poursuite de l'organisation de certains concours qui n'offrent quasiment plus de débouchés dans les collectivités (comme la spécialité "lingère" du concours d'adjoint technique). Autres difficultés soulevées par la mission : les carences du suivi de la liste d'aptitude relevant de la mission des centres de gestion et "l'insuffisant accompagnement" des lauréats.
Ces lauréats n'en sont pas moins également en cause. Certes, des lauréats malheureux ne trouvent pas d'emploi dans les trois années suivant leur réussite au concours. Mais ils ont parfois restreint leurs recherches au seul bassin d'emploi où ils résident. D'autres ont, en fait, préféré un emploi dans une autre fonction publique à la suite de la réussite à un autre concours, ou ont été recrutés dans le privé. D'autres encore ont été embauchés par les collectivités, mais en tant que contractuels. De multiples cas existent et ne sont pas tous synonymes d'échec.
Enfin, du fait des failles laissées par un contrôle de légalité de plus en plus léger, l'Etat porte évidemment sa part de responsabilités dans l'existence des reçus-collés.
La mission fait le pari que la "mobilisation" de l'ensemble des acteurs permettrait de limiter le phénomène. Premier axe de propositions : "mieux encadrer les cas de recours aux concours". Tout en conservant le principe du concours pour l'accès à la FPT, certaines exceptions sont proposées pour les emplois de la filière médico-sociale (médecins, puéricultrices, etc.), puisque dans la fonction publique hospitalière, ces emplois sont pourvus sans concours. De même, il paraît logique aux auteurs du rapport de privilégier la promotion interne pour les emplois de la première classe de la catégorie C, sachant que ces emplois sont aujourd'hui accessibles aussi bien par concours que par recrutement libre des collectivités.
Assurer un meilleur suivi des lauréats
Seconde grande piste : agir sur l'organisation des concours, notamment en les espaçant davantage - ce qu'ont commencé à faire les centres de gestion. Pour mieux évaluer le nombre de places ouvertes aux concours, il est suggéré de rendre obligatoire, lors de l'inscription du candidat, la notification de son éventuelle inscription à d'autres concours de la fonction publique territoriale.
Autre type de proposition : mieux informer les candidats, d'une part avant les épreuves, pour qu'ils n'ignorent pas que la réussite au concours de la FPT ouvre seulement le droit de postuler aux emplois ouverts aux fonctionnaires et, d'autre part, après leur réussite au concours, pour conserver le contact avec eux.
Afin de "responsabiliser" les candidats et notamment limiter le nombre de ceux qui se présentent à des concours du même type dans plusieurs départements, la mission suggère de renforcer à la charge des lauréats les obligations de recherche d'emploi sur la zone géographique pour laquelle a été organisé le concours. Une autre contrainte imposée aux lauréats devrait faire débat : le centre de gestion ne renouvellerait l'inscription sur liste d'aptitude que si le lauréat fournit la preuve qu'il a recherché un emploi sans que ses démarches aient abouti.
La mission use aussi bien du bâton que de la carotte. Pour renforcer les chances des lauréats de trouver un emploi, elle préconise que les listes d'aptitude - qui sont aujourd'hui de simples listes alphabétiques - soit accompagnées de leur CV. La mission plaide aussi pour la constitution d'une véritable bourse nationale de l'emploi public territorial et la mise en œuvre de passerelles vers les autres fonctions publiques de manière à favoriser l'emploi des lauréats non recrutés.
La solution d'une prolongation de la durée de l'inscription sur liste d'aptitude - que des parlementaires ont souvent proposée, mais n'ont pas réussi à imposer - est repoussée.