Archives

Livre blanc "Numérique et Environnement" - 26 actions pour concilier révolution numérique et transition écologique

Articuler les forces vives du numérique avec les impératifs écologiques, c’est la lourde tâche à laquelle souhaitent répondre les rédacteurs, pour la plupart issus de think tanks spécialisés, d’un livre blanc sobrement intitulé "Numérique et Environnement". Rendu public ce lundi 19 mars en présence de Brune Poirson et de Mounir Mahjoubi, secrétaires d'Etat en charge respectivement de l'écologie et du numérique, il décline 26 propositions d’actions, organisées en quatre chantiers complémentaires, adressées aux décideurs publics.

Le livre blanc "Numérique et Environnement", présenté ce lundi 19 mars, soumet 26 propositions d'actions pour "lancer le débat". Derrière cet ouvrage, une équipe d'experts émanant de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), de la Fondation internet nouvelle génération (Fing), de WWF France et de GreenIT.fr, avec le concours du Conseil national du numérique (CNNum).
L'intention est louable : il s'agit de faire converger les deux mouvements de fond qui transforment la société et l'économie en ce début de XXIe siècle - le numérique et l'écologie. D'où la présence des deux secrétaires d'Etat concernés, Mounir Mahjoubi et Brune Poirson, lors de la remise de l'ouvrage dans un tiers-lieu parisien.

Le numérique est-il soluble dans l'écologie ?

Ces deux tendances - numérique et écologie - sont présentées comme divergentes et c'est pour éviter qu'elles deviennent dangereusement irréconciliables que les rédacteurs appellent à la collaboration des acteurs concernés. La secrétaire d'Etat Brune Poirson les a invités en ce sens à "sortir du travail en silos".
Car derrière un constat policé et fédérateur, qui fait l'objet de la première partie de ce livre blanc, transparaissent de vives inquiétudes quant à la non-congruence de ces deux domaines. "Chaque dispositif numérique a un impact direct sur la planète", rappelle cette introduction, en glissant incidemment que les data centers du monde entier - véritables usines de l'industrie numérique - sont responsables d'environ 2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit autant que tout le trafic aérien.
Pour renverser cette tendance, le livre blanc appelle à un bouleversement, d'un paradigme du numérique "optimisateur" à celui de l'innovation de rupture. "Mettre le numérique au service de la transition écologique, ce n'est pas seulement promouvoir une smart agriculture, des smart grids ou autres smart cities, généralement appuyés sur les acteurs existants de leurs secteurs respectifs. C'est utiliser son potentiel disruptif, sa capacité à bousculer les acteurs en place, à transformer les modèles dominants et pas seulement à en optimiser le fonctionnement."
A la suite de ce message des chercheurs, sont proposées 26 actions organisées en quatre chantiers présentés comme complémentaires.

Réduire l'empreinte écologique du numérique

Ce premier chantier est décrit comme "urgent". Il fait l'objet de propositions concernant l'information des consommateurs sur la durabilité des équipements numériques, par le développement d'un label "numérique responsable" et la généralisation des étiquetages de produits en fonction de leur durée de vie et de leur réparabilité. Plus aventureuse, une proposition consiste en un taux réduit de TVA sur les activités des acteurs de la réparation et du réemploi des équipements numériques.

Utiliser le numérique pour mieux concevoir les politiques écologiques

Prenant acte du caractère protéiforme des révolutions numériques et écologiques, les rédacteurs, s'adressant rappelons-le aux décideurs publics, invitent ces derniers à la modestie. "L'acteur public n'est plus le seul détenteur du pouvoir d'agir, de l'expertise, ni même de l'intérêt général. L'action publique doit davantage chercher à mobiliser, à organiser des écosystèmes, à favoriser des alliances." Ce volet ne comporte donc pas de proposition forte, mais soumet plutôt un programme de supervision et de facilitation (revue de l'existant, soutien et formation) par lequel les pouvoirs publics assumeraient une fonction de coordination. Les leviers d'action sont ici, par nature, collectifs : incitations comportementales, plateformes d'échange d'énergie ou de biens entre particuliers, systèmes de mobilité et espaces de travail partagés. Les stratégies publiques esquissées ici relèvent bien de la mobilisation collective. 

Orienter l'innovation vers la recherche d'impacts écologiques majeurs

Hormis la Green Tech verte ainsi que de trop rares initiatives régionales, les dispositifs de soutien à l'innovation sont jugés trop peu sensibles à la dimension écologique. Eviter à tout prix une action épidermique, ne pas effleurer l'enjeu écologique dans les grands programmes d'innovation de l'industrie du futur et de la ville intelligente : tel est le message de ce troisième chantier, celui qui a retenu l'attention des premiers auditeurs de ce livre blanc. Il s'agit de réconcilier l'innovation numérique avec la production d'impacts écologiques "radicaux", par exemple dans le cadre du tout dernier programme du genre, les "territoires d'innovation de grande ambition". Sont-ils indirectement visés dans la mesure phare du livre blanc, qui entend "créer des territoires d'expérimentation numérique et écologique pour accueillir les innovateurs qui veulent collaborer avec les pouvoirs publics" ? De manière plus opérationnelle, il est proposé de rapprocher les acteurs de la Green Tech verte et de la French Tech, par des appels à projets communs.

Mobiliser le potentiel des données au service de la transition écologique

Les données, "matières premières" de la révolution numérique, peuvent être mises au service de la transition écologique, au dire des rédacteurs. Cadastres solaires, registres collaboratifs de la biodiversité, bases de données transports multimodales sont les jeux de données cités en modèle pour soutenir un discours militant : les données relatives à la transition énergétique doivent figurer parmi les données d'intérêt général de l'open data. Cette première étape est supposée favoriser la "science ouverte", afin de développer, dans le domaine de l'écologie, une culture de la donnée. Les partenariats des collectivités avec les plateformes numériques productrices de données (Dataville avec Airbnb par exemple) sont jugés prioritaires pour consolider les données à caractère écologique.

 

Les 26 propositions du livre blanc

Chantier 1 : réduire l’empreinte environnementale du numérique
1. Faire de la France et de ses territoires les champions de la réparation et du réemploi.
2. Allonger à cinq ans la durée de garantie des équipements numériques.
3. Être exemplaires en renforçant les démarches Green IT dans les administrations nationales et locales.
4. Définir une méthodologie commune d’évaluation des démarches Green IT en s’appuyant sur les travaux existants des acteurs de terrain.
5. Soutenir le développement d’un label "numérique responsable" pour les entreprises de services numériques.
6. Rendre obligatoire l’éco-conception des sites web et services en ligne publics et des entreprises.
7. Faire une revue de l’application effective de la Loi contre l’obsolescence programmée.

Chantier 2 : utiliser le numérique pour mieux concevoir les politiques écologiques
8. Réaliser une "revue numérique" des politiques environnementales.
9. Engager un programme d’innovation et d’expérimentation en faveur des civic tech pour la transition écologique.
10. Former les acteurs publics de l’écologie au numérique.
11. Soutenir les projets de coproduction de données pour la transition écologique.
12. S’appuyer sur les innovateurs, en particulier dans les territoires, en leur lançant des défis ambitieux et en les appelant à proposer des solutions en rupture.
13. Renforcer la transparence des systèmes de calcul dans la ville intelligente.

Chantier 3 : soutenir l’innovation numérique en faveur de l’écologie
14. Favoriser la création et la diffusion – dans les incubateurs et auprès des innovateur et investisseurs – de référentiels d’évaluation des innovations à impact écologique.
15. Engager – au niveau national et dans les territoires – une "revue écologique" des programmes d’innovation numérique, sur le véhicule autonome ou l’industrie du futur par exemple.
16. Réserver une place, dans ces programmes, à des projets innovants focalisés sur la production d’impacts écologiques "radicaux".
17. Créer – aussi bien en zones urbaines que rurales – des territoires d’expérimentation numérique et écologique.
18. Rapprocher les acteurs de la Green Tech verte et de la French Tech.

Chantier 4 : mobiliser le potentiel des données au service de la transition écologique
19. Créer une base de données publique pour permettre aux acteurs du numérique d’analyser leurs impacts environnementaux.
20. Étendre la notion de données d’intérêt général aux thèmes clés de la transition écologique, pour le public comme pour le privé.
31. Renforcer la coopération entre les collectivités et les acteurs numériques détenant des données privées essentielles pour la bonne mise en œuvre d’un objectif de politique écologique.
22. Favoriser la science ouverte.
23. Développer la "culture de la donnée" au service de l’écologie.
Propositions transversales
24. Développer une feuille de route "Transitions numérique et écologique", au niveau national et dans chaque territoire.
25. Créer une taskforce "écologie et numérique" pour mutualiser l’expertise et de faciliter le partage d’expériences.
26. Favoriser l’éducation et la formation au numérique responsable en créant une plateforme d’information Numérique et Environnement.
 

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis