Accès aux soins : le député Christophe Naegelen appelle à mettre fin au "brouillard institutionnel" par une territorialisation renforcée
Pour la commission d’enquête de l’Assemblée nationale qui vient de rendre ses conclusions sur les difficultés d’accès aux soins, la clarification du pilotage du système de santé doit passer par un renforcement de la décentralisation couplé à une forte évolution du positionnement de l’État déconcentré. Le scénario proposé est de confier aux intercommunalités un service public des soins de premier recours, qui contractualiserait avec l’État représenté par une nouvelle figure de sous-préfet délégué à l’accès aux soins. L’agence régionale de santé disparaîtrait au profit de services préfectoraux renforcés.

© @GroupeLIOT_An/Conférence de presse de Christophe Naegelenle 10 juillet
"Ni parfaitement régalienne ni proprement décentralisée, notre politique publique de santé se fige dans une forme insidieuse de déresponsabilisation. Dans ce brouillard institutionnel, chacun concerte, tout le monde consulte mais bien peu décident." Ce constat est celui du député Christophe Naegelen (LIOT, Vosges), rapporteur de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins. Cet épais rapport rendu public le 9 juillet 2025 porte tant sur les inégalités sociales et territoriales d’accès aux soins que sur la crise des établissements de santé. Sont analysées "les racines de la crise du système de santé", parmi lesquelles "les carences du système de formation" mais aussi une gouvernance jugée "lointaine, parfois opaque et qui bride les nécessaires réformes".
Inflation des fonctions supports des ARS et des documents de planification
La création en 2010 des agences régionales de santé (ARS), qui fusionnaient quatre types d’organismes, n’a pas "contribué à renforcer une gestion ‘en proximité’ des problématiques de santé" ni permis de concrétiser pleinement "la logique de décloisonnement des compétences des services de l’État", est-il relevé. Les ARS ont des "compétences trop larges en comparaison de leurs moyens", selon le rapport qui pointe le manque d’attractivité des carrières en agence avec de "forts taux de vacance" sur des postes de médecins inspecteurs de la santé publique. Parallèlement, les effectifs des fonctions supports et autres missions de pilotage et d’animation territoriale interpellent le rapporteur, puisqu’ils atteignent 23 ou 24% des effectifs totaux de certaines ARS – contre "à peine 5 % de la masse salariale" pour les actions de prévention et de promotion de la santé publique par exemple en Occitanie.
L’"inflation normative" est par ailleurs dénoncée, la commission d’enquête ayant recensé près d’une dizaine de documents de planification – dont les projets territoriaux de santé, les contrats locaux de santé et les contrats territoriaux de santé. Cet "éclatement" est jugé "nuisible à l’exercice d’une planification sanitaire de qualité".
Un service public des soins de premier recours confié aux intercommunalités
Les collectivités "s’affirment en réponse à l’extension de la désertification médicale", souligne d’autre part le rapport. Si "l’échelon départemental a été tenu à l’écart de la définition et de l’organisation des politiques de santé, au sens strict", la compétence sociale a conduit le département à s’affirmer "comme un acteur de l’accès aux soins de premier recours". Le fait que 60 départements aient "fait le choix de présenter un plan santé" constitue "la preuve d’un décalage manifeste entre la répartition des compétences en matière de santé et la pratique de terrain d’acteurs soumis, bien souvent, à une obligation de résultats en matière d’accès aux soins", affirme le rapporteur. Les communes et intercommunalités se sont quant à elles investies notamment dans les aides à l’installation des professionnels, au "risque d’une compétition désorganisant l’accès à un médecin en ville".
Pour la commission d’enquête, la clarification du pilotage doit passer par une "décentralisation renforcée" du système de santé, avec la création d’un service public des soins de premier recours. Confié aux intercommunalités "sous réserve d’une contractualisation avec les services de l’État, représentés par un ‘sous-préfet délégué à l’accès aux soins’", ce service serait notamment chargé de la "répartition équilibrée des professionnels de santé sur le territoire" et des actions de prévention de premier niveau. Les compétences des ARS seraient quant à elles réintégrées dans les services préfectoraux, afin de favoriser "un pilotage allégé de leur action".
La commission d’enquête recommande de s’appuyer principalement sur les contrats locaux de santé, "en lieu et place des dispositifs existants", pour mettre en place cette territorialisation. Enfin, s’inscrivant à contre-courant de l’expérimentation qui s’apprête à démarrer sur le financement des Ehpad (fusion des sections soins et dépendance avec une prise en charge 100% ARS), la commission plaide pour la suppression de la double tutelle État-départements sur les établissements sociaux et médicosociaux "en transférant les compétences encore à la main des ARS aux conseils départementaux" - cela en prévoyant la compensation financière adéquate.