Accès à l'école des enfants de moins de trois ans : le Conseil d'État met les pendules à l'heure

Dans une décision récente, le Conseil d'État affirme qu'il n'existe pas de droit pour les enfants de moins de trois ans à être accueillis à l'école. En revanche, le refus du maire doit se fonder sur la situation particulière de l'école.

Un maire ne peut refuser l'inscription à l'école publique d'un enfant de moins de trois ans pour des considérations de principe mais il le peut en raison de la situation particulière de l'école ou de la classe en cause, a jugé le Conseil d'État dans une décision du 1er juin 2022.

En l'espèce, le maire de Pluneret (Morbihan) avait refusé l'inscription de trois enfants âgés de moins de trois ans – âge légal de l'obligation scolaire depuis 2019 – en classe de très petite section d'une école maternelle de la commune pour l'année scolaire 2021-2022. Saisi par les parents des enfants, le tribunal administratif de Rennes avait suspendu l'exécution de ces décisions et enjoint au maire d'inscrire à titre provisoire les enfants. La commune de Pluneret s'est pourvue en cassation contre les ordonnances du tribunal administratif.

Accueil dès deux ans dans la limite des places disponibles

Pour motiver sa décision, le Conseil d'État rappelle qu'aux termes de l'article L.113-1 du code de l'éducation, les enfants peuvent être accueillis dans les classes enfantines ou les écoles maternelles dès l'âge de deux ans révolus dans des conditions éducatives et pédagogiques adaptées à leur âge visant leur développement moteur, sensoriel et cognitif. Cet accueil est en outre organisé en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les régions d'outre-mer.

Quant à l'article D. 113-1 du même code, il stipule que "les enfants qui ont atteint l'âge de deux ans au jour de la rentrée scolaire peuvent être admis dans les écoles et les classes maternelles dans la limite des places disponibles". Dans cet article encore, il est une nouvelle fois précisé que l'accueil des enfants de moins de trois ans "est assuré en priorité dans les écoles et classes maternelles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les régions d'outre-mer, et particulièrement en zone d'éducation prioritaire".

Pour le Conseil d'État, ces dispositions "n'instituent pas un droit pour les enfants âgés de moins de trois ans […] à être accueillis dans les écoles et classes maternelles", mais impliquent que lorsque cet accueil peut être organisé, il le soit en priorité dans les écoles et classes maternelles situées dans un environnement social défavorisé et dans la limite des places disponibles.

Absence de projet, de locaux et de matériels adaptés

En conséquence, ajoute le Conseil d'État, "saisi d'une demande d'admission dans une classe ou une école maternelle d'un enfant de moins de trois ans non soumis à l'obligation scolaire, il appartient au maire de se prononcer conformément aux dispositions précitées […] en prenant en considération la situation particulière de l'école ou de la classe en cause". En revanche, précise la Haute Juridiction, "le maire ne pouvait légalement, ni refuser par principe d'admettre à l'école maternelle les enfants âgés de moins de trois ans en invoquant des considérations générales relatives au bien-être de l'enfant et à la 'bienveillance éducative', ni se borner à invoquer l'absence de droit pour les enfants de moins de trois ans à être accueillis dans les écoles et classes maternelles".

Dans l'affaire qui nous intéresse, le Conseil d'État reproche au tribunal administratif de Rennes de s'être borné à relever que "les décisions litigieuses retardaient de manière irréversible l'accès des enfants des requérants aux premiers apprentissages scolaires, et préjudiciaient ainsi de manière suffisamment grave et immédiate à leurs intérêts", mais sans tenir compte de l'argumentation de la commune de Pluneret. Or celle-ci a établi "l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait, eu égard notamment à l'absence de projet éducatif propre à l'accueil des enfants n'ayant pas atteint l'âge de l'obligation scolaire, de locaux et de matériels adaptés, d'accueillir dans de bonnes conditions en classe de très petite section de maternelle les enfants âgés de moins de trois ans".

Pour ces motifs, le Conseil d'État décide que les décisions du maire ne sont pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur leur légalité.