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Commande publique - Achat de livres par une collectivité : attention aux prix !

Dans un arrêt du 28 septembre 2016, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur un litige relatif à l'achat public de livres. L'occasion de revenir sur l'articulation entre le droit de la commande publique et la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre.
En l'espèce, le département de la Loire avait lancé une procédure adaptée pour l'attribution d'un marché portant sur la "conception, impression et livraison de dictionnaires destinés aux collégiens pour les rentrées scolaires 2016-2017 et 2017-2018". L'offre de la société Sphère publique a été retenue au détriment de celle de la société Biblioteca, classée deuxième. Cette dernière a alors décidé de saisir le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Lyon en vue de l'annulation et de la reprise de la procédure au stade de l'analyse des offres. Le juge de l'urgence ayant fait droit à sa requête, le département a formé un recours en cassation contre cette ordonnance devant le Conseil d'Etat.

Une offre inacceptable

La société évincée soutenait que l'offre de la société retenue aurait dû être éliminée en raison de son caractère inacceptable au regard de l'article 53 du code des marchés publics. L'article 35 de ce même code définit l'offre inacceptable comme celle qui méconnait la législation en vigueur. La législation en cause dans cette affaire était la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre selon laquelle " le prix effectif de vente des livres peut être compris entre 91% et 100% du prix de vente au public lorsque l'achat est réalisé pour leurs besoins propres [...] par une collectivité territoriale". En l'occurrence, les dictionnaires étaient bien achetés pour les besoins propres du département mais les prix de l'offre retenue étaient bien inférieurs à 91% du prix de vente au public. Le Conseil d'Etat a confirmé le caractère inacceptable de l'offre litigieuse en raison de la méconnaissance de la loi du 10 août 1981.
Pour rappel, le décret marchés publics du 25 mars 2016 a modifié la définition de l'offre inacceptable qui s'entend désormais selon l'article 59 de ce texte comme "une offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché public tels qu'ils ont été déterminés et établis avant le lancement de la procédure". Si les offres inacceptables doivent être éliminées dans les procédures d'appel d'offres et les procédures adaptées sans négociation, elles peuvent désormais faire l'objet de négociation dans les autres procédures, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses.

Une personnalisation insuffisante pour échapper à l'encadrement du prix des livres

Pour sa défense, la collectivité soutenait que l'objet de son marché ne rentrait pas dans le champ d'application de la loi sur les prix du livre. Il était effectivement prévu que les dictionnaires soient personnalisés, notamment la première et dernière page de couverture, la tranche ainsi que par l'insertion de huit pages supplémentaires. La Haute juridiction a toutefois écarté cette argumentation, estimant la personnalisation demandée par le département de la Loire " ne suffisait pas à faire regarder [les dictionnaires] comme des ouvrages distincts du dictionnaire destiné au public " : "ce marché avait pour objet la vente de livre et non une prestation de services".
Le juge du référé du Conseil d'Etat a donc rejeté le pourvoi du département, confirmant ainsi l'ordonnance annulant la procédure litigieuse.

Focus sur l'actualité de l'achat public de livres

La réforme du droit de la commande publique a assoupli le régime d'achat public de livres. En effet, l'article 30 du décret marchés publics a relevé le seuil de dispense de procédure et de publicité de 25.000 à 90.000 euros pour les marchés publics de fourniture de livres non scolaires. Cette mesure s'inscrit dans une politique de soutien aux librairies indépendantes, afin de leur permettre un accès simplifié à la commande publique.
Concernant les livres scolaires - en sachant que la présente affaire n'entre pas dans ce cadre des livres scolaires, ce qu'a d'ailleurs souligné le Conseil d'Etat -, le seuil de 25.000 euros reste applicable. La loi du 10 août 1981 prévoit toutefois que leurs prix peuvent être librement fixés "dès lors que l'achat est effectué par une association facilitant l'acquisition de livres scolaires par ses membres ou, pour leurs besoins propres, excluant la revente, par l'Etat, une collectivité territoriale ou un établissement d'enseignement".

L'Apasp

Référence : CE, 28 septembre 2016, n°400393
 

 

 

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