Environnement / Urbanisme - Adaptation des territoires littoraux au changement climatique : le Sénat adopte la proposition de loi
Après l'Assemblée nationale le 1er décembre 2016, le Sénat a adopté en première lecture mercredi 11 janvier la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique. Initié par les députés socialistes, ce texte entend mieux prendre en compte le fait que la limite entre terre et mer, le "trait de côte", évolue chaque année du fait de l'érosion. Très technique, la proposition de loi, qui vient compléter les mesures déjà prises pour faire face aux inondations et submersions marines, vise une meilleure prévention du recul du trait de côte. Elle l'intègre par exemple dans les risques devant faire l'objet d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles et prévoit une meilleure information des populations.
Au cours de la discussion générale, la ministre du logement Emmanuelle Cosse a rappelé que l'érosion "grignote peu à peu" les 7.500 km de côtes françaises, et que 303 communes métropolitaines ont été identifiées comme prioritaires pour prévenir les risques analogues à ceux révélés par la tempête Xynthia. Selon elle, le texte doit permettre aux communes concernées par l'érosion des côtes de disposer d'"outils propres à maintenir leur dynamisme social et économique tout en assurant une prévention efficace des risques".
Suppression des zones de mobilité du trait de côte
En commission et en séance, les sénateurs ont adopté plusieurs amendements notables. Ils ont ainsi supprimé les zones de mobilité du trait de côte (ZMTC) dans lesquelles peuvent être interdites les constructions - à l'exception des ouvrages de défense contre la mer et des aménagements de culture marine. Ils ont estimé qu'il s'agissait d'un "élément redondant" par rapport aux "zones rouges" des plans de prévention des risques naturels (PPRN) qui peuvent déjà comporter des mesures d'interdiction des constructions existantes ou futures ainsi que des mesures d'autorisation assorties de certaines prescriptions. Ils ont aussi voulu que les collectivités territoriales volontaires puissent créer des zones d'activité résiliente et temporaire (Zart), au sein desquelles des constructions pourront être implantées et déplacées en fonction du risque. Ils ont également supprimé la mention selon laquelle les Zart ne peuvent être créées que dans des zones exposées à un risque de recul du trait de côte, en l'absence d'exposition directe à un autre risque naturel. Ils ont aussi étendu aux Zart deux dispositions actuellement en vigueur pour d'autres zones pouvant être délimitées par les PPRN : celles donnant la possibilité au préfet de rendre immédiatement opposables à toute personne publique ou privée, les dispositions prévues par les PPRN si l'urgence le justifie, et après consultation des maires concernés ; celles permettant à un tribunal de l'ordre judiciaire de condamner les propriétaires à démolir les constructions méconnaissant les règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique. Enfin, ils ont prévu d'étendre aux Zart la possibilité de refuser un permis de construire ou de décider une opposition à déclaration préalable "pour les constructions achevées depuis plus de dix ans en cas d'irrégularité de ces constructions au regard du droit de l'urbanisme". Cette disposition est actuellement applicable notamment dans les "zones rouges" définies par le PPRN.
Assouplissement de la loi littoral
Les sénateurs ont aussi voté un amendement de Philippe Bas, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, proposant de nouvelles dispositions assouplissant la loi littoral, en particulier en autorisant le comblement des "dents creuses", c'est-à-dire les constructions sur des parcelles situées entre deux terrains construits dans un même hameau. "Il ne s'agit pas de remettre en cause la loi littoral, texte protecteur des paysages, mais de l'adapter aux nouveaux enjeux des espaces littoraux et de répondre aux difficultés rencontrées par les élus locaux pour aménager leur territoire", a souligné le sénateur LR de la Manche. "Une brèche dans une digue annonce l'érosion d'un territoire entier. Une brèche dans la loi Littoral et elle sera balayée à la première tempête", a mis en garde en s'y opposant l'écologiste Ronan Dantec (Loire-Atlantique). "Si une rationalisation réglementée et une sécurisation juridique sont nécessaires, il n'est bien évidemment pas question un seul instant d'envisager la privatisation et le bétonnage des côtes", a déclaré de son côté Odette Herviaux (PS, Morbihan).
En séance, les sénateurs ont aussi précisé que l'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et les villages et autorisé la construction de zones d'activités économiques en dehors des espaces proches du rivage, dans des conditions définies par voie réglementaire. Dans le cadre de la relocalisation de biens, l'accord qui l'autorise devra aussi fixer les modalités de démantèlement et de remise en état des terrains libérés.
Par ailleurs, les sénateurs ont voulu sécuriser d'un point de vue juridique le nouveau dispositif du "bail réel immobilier littoral" (Brili). Ils ont également supprimé, pour l'indemnisation des risques liés au recul du trait de côte, le nouveau mécanisme de financement proposé, qui était jugé trop flou, au profit de l'intervention du "fonds Barnier" de prévention des risques naturels majeurs. Ils ont exclu les locataires du dispositif d'indemnisation prévu par le texte dans les cas d'interdiction définitive d'habiter les lieux en raison du recul du trait de côte. Ils ont aussi limité les cas de recours à l'indemnisation par le fonds Barnier pour motif de recul du trait de côte aux immeubles dont le permis de construire a été délivré par les services de l'État, lorsqu'une évacuation a eu lieu par décision de la puissance publique avant le 1er janvier 2017.
La proposition de loi doit retourner à présent devant l'Assemblée nationale pour une deuxième lecture.