Adoption internationale : la recherche des origines, nouveau défi dans la lutte contre les pratiques illicites

La France reconnaît aujourd’hui "des manquements collectifs" dans les pratiques d’adoption internationale qui a connu un essor à partir des années 1960. Conséquence d’un renforcement progressif du cadre depuis 25 ans, la chute du nombre d’enfants adoptés a un impact sur l’organisation des départements, dont certains n’ont plus de service spécifiquement dédié à l’adoption. Publié le 14 mars 2024, un rapport d’une mission interministérielle fait le point sur les défis passés et à venir de l’adoption internationale. Avec un domaine aujourd’hui particulièrement propice au développement de pratiques illicites : celui de la recherche des origines. 

"Le gouvernement reconnait qu’il y a eu des manquements collectifs dans la protection due aux enfants et qu’ils ont pu avoir des conséquences jusqu’à leur vie d’adulte." A l’occasion de la remise du rapport de la mission interministérielle sur les pratiques illicites dans l’adoption internationale en France, le ministère délégué en charge de l’enfance a publié un communiqué spécifiant que "différents travaux convergent pour démontrer le caractère systémique de ces pratiques [illicites], dans un contexte de faible régulation et de fragilité des pays d’origine". 

En vingt ans, vingt fois moins d’enfants adoptés venus de l’étranger 

"On estime que plus de 120.000 Français ont été adoptés à l’étranger", selon le rapport. A partir des années 1960, l’essor rapide de l’adoption internationale a donné lieu à des pratiques "courantes" : "le versement d’importantes sommes d’argent pour faciliter les opérations, ou le recueil d’un consentement parental en réalité très peu éclairé". Mais aussi à "de véritables trafics fondés sur la falsification de pièces pour rendre un enfant adoptable, la ‘production’ d’enfants pour adoption, le vol d’enfants à la maternité", décrit la mission interministérielle (Inspections générales des affaires sociales, de la justice et des affaires étrangères).  

Le rapport indique les différentes étapes ayant conduit la France à davantage de régulation pour sécuriser les parcours d’adoption, à partir de la ratification de la convention de La Haye en 1998. Dernière amélioration en date : la loi du 21 février 2022 (voir notre article) ayant en particulier interdit les démarches individuelles d’adoption et renforcé le contrôle des organismes intermédiaires. 

Cet encadrement progressif, partout dans le monde, a fait chuter les chiffres de l’adoption internationale. En France, le nombre d’enfants adoptés venus de l’étranger est "près de vingt fois inférieur à son niveau d’il y a une vingtaine d’années". 232 enfants étaient recensés en 2022, contre 4.079 en 2004.

Recherche des origines : la procédure varie "sensiblement" d’un département à l’autre

Si les risques de pratiques illicites au moment de l’adoption ont nettement diminué, la vigilance est encore de mise concernant l’application des conventions internationales par les pays d’origine avec lesquels coopère la France. Mais désormais, "la recherche des origines constitue le défi majeur des années à venir en matière d’adoption internationale et de lutte contre les pratiques illicites", selon la mission interministérielle qui recommande la mise en place d’un dispositif organisé côté français. "En effet, l’arrivée à l’âge adulte des générations nombreuses adoptées à l’étranger au début des années 2000 se traduit par un développement de la demande et des démarches" en la matière. Cette demande suscite le développement d’un "nouveau marché de la recherche des origines" comprenant "des intermédiaires parfois douteux". 

Les personnes adoptées qui sont à la recherche de leurs origines sont invitées à se tourner vers le conseil départemental de leur domicile ou vers celui de leurs parents adoptifs au moment de l’adoption. La procédure de consultation des dossiers n’est, semble-t-il, pas clairement définie au niveau national, et varie donc "sensiblement" d’un département à l’autre. Ces procédures "ne garantissent pas toujours un accompagnement suffisant de la personne à cette occasion", ajoutent les Inspecteurs. Énumérant le rôle des autres acteurs en la matière (Mission de l’adoption internationale, OAA, Agence française de l’adoption), les Inspecteurs pointent "la complexité des circuits et les incertitudes auxquelles se heurte la personne adoptée en quête de ses origines" - cela avant même que les recherches dans le pays d’origine n’aient démarré. La recommandation en la matière est donc d’avoir un seul interlocuteur, en élargissant le rôle du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles. En effet, ce dernier ne s’estime aujourd’hui compétent que pour les personnes adoptées après un accouchement dans le secret. 

Une forte baisse de l’activité liée à l’adoption dans les départements 

Au total, 28 recommandations sont formulées, qui s’adressent en premier lieu à l’État. Le rapport aborde toutefois à plusieurs reprises les départements, qui sont responsables de l’attribution de l’agrément aux personnes qui souhaitent adopter un enfant. Les départements contribuent également au contrôle des organismes autorisés pour l’adoption (OAA), ces derniers étant également contrôlés par le ministère des Affaires étrangères et par l’État d’origine des enfants adoptés. Les services d’aide sociale à l’enfance (ASE) départementaux doivent enfin assurer le suivi de l’adoption. 

"La majorité des départements ont enregistré moins de cinq adoptions internationales par an au cours des cinq dernières années", selon le rapport. Cela dans un contexte plus général de baisse du nombre d’adoptions, nationales et internationales, puisque "depuis 2016, le nombre de départements où aucune adoption n’a eu lieu est passé d’un seul à 33 en 2022". Résultant à la fois d’une baisse des demandes et d’une hausse des refus, le nombre de personnes ou de couples agréés au cours d’une année "est passé de 8.800 en 2005 à 2.445 en 2021". Cette baisse d’activité a une conséquence pour la mission : "Nombre de départements n’ont plus de service spécifiquement dédié à l’adoption, ce qui pourrait entraîner une diminution d’expertise". 

La mission souligne des difficultés auxquelles sont confrontés les départements dans l’exercice de leurs missions : dans le suivi des enfants adoptés (la France ne disposant pas de moyen légal pour contraindre les parents à envoyer des rapports de suivi) et dans le contrôle de la capacité des OAA à accompagner les parents adoptants. Autre point mis en avant par la mission : "les données concernant les agréments ne permettent pas de différencier les adoptions internationales des adoptions nationales", d’où une difficulté à "porter une appréciation sur le contrôle exercé quant à la capacité à accueillir un enfant venant de l’étranger". En effet, "l’adoption internationale suppose une préparation particulière d’autant que l’application du principe de subsidiarité conduit aujourd’hui les pays d’origine à ne présenter à l’adoption internationale que des enfants dits à besoins spécifiques".