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Enfance en danger, adoption, accès aux origines : l'Igas préconise un organisme unique

L'Inspection générale des affaires sociales vient de publier un rapport en vue de la probable création d'un organisme unique de référence, qui fusionnerait  l’Agence française de l’adoption (AFA), le groupement d’intérêt public "Enfance en danger" (Giped), le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) et le Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP). Au niveau local, le rapport suggère un comité départemental de la protection de l'enfance "impliquant, outre l'intervention des conseils départementaux, la mobilisation des services de l'Etat et de ses opérateurs ainsi que des autres collectivités locales".

 

Quelques semaines après la publication du référé de la Cour des comptes sur la gouvernance nationale de la protection de l'enfance (voir notre article ci-dessous du 20 juillet 2020), l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) rend public un rapport sur la "création d'un organisme national dans le champ de la protection de l'enfance". Ni ce référé, ni le rapport de l'Igas ne sont véritablement une surprise, puisque Adrien Taquet avait lui-même annoncé, il y a près d'un an, son intention d'engager une réforme de la gouvernance de ce secteur; après la crise de l'aide sociale à l'enfance (voir notre article ci-dessous du 28 novembre 2019). L'idée d'un rapprochement de plusieurs structures aujourd'hui éparses figurait d'ailleurs déjà dans la Stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, présentée à l'automne dernier (voir notre article ci-dessous du 15 octobre 2019).

Quatre organismes fondus en un seul

Dans sa lettre de mission du 27 novembre dernier, le secrétaire d'État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, en charge de la protection de l'enfance, demandait à l'Igas de "mener une mission d'appui à la constitution d'un nouvel organisme, en expertisant plusieurs scénarios" et "dans le respect de la décentralisation et, en particulier, des compétences des départements".

Conformément à cette commande, l'Igas propose donc la création d'"un nouvel organisme apportant un soutien aux services des conseils départementaux et de l'État, ainsi qu'aux associations : élaboration de référentiels en matière de prévention, de diagnostic et de prise en charge, développement de la formation professionnelle continue, appui au contrôle, notamment. La parole des bénéficiaires serait entendue dans le cadre d'une commission des enfants".

Cette nouvelle entité regrouperait quatre organismes actuels : le Groupement d'intérêt public enfance en danger (Giped) – qui regroupe lui-même le Service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (Snated, qui gère le 119) et l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE) –, l'Agence française de l'adoption (AFA), le Conseil national d'accès aux origines personnelles (Cnaop) et le Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE).

A l'exception du Giped, financé à parité par l'Etat et les départements, ces services sont dans des situations disparates et semblent fragilisés. Face à l'effondrement des adoptions internationales, la pérennité de l'AFA n'est pas évidente, avec seulement 117 adoptions réalisées par son intermédiaire en 2019. Les missions du CNPE "se chevauchent partiellement avec celles d'autres instances nationales telles que le haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HFCEA) et l'ONPE". Le Cnaop fonctionne, mais est régulièrement déchiré entre les tenants d'un accès élargi, sinon systématique, aux origines et ceux qui défendent les parents adoptants.

Des répercussions au niveau départemental

Bien que sa mission concerne la gouvernance nationale, l'Igas observe que cette situation a des répercussions sur les départements. Ainsi, les observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE), présents dans seulement les trois quarts des départements, "ont des modalités de fonctionnement et des champs d'intervention cependant différenciés. Ils ne constituent pas de véritables instances de coordination des interventions des différents acteurs". De même, "les commissions d'évaluation de la situation et du statut des enfants confiés (Cessec), qui formulent des avis sur la situation des enfants, sont peu implantées dans les départements", tandis que "le projet pour l'enfant (PPE), document socle et actualisé en fonction de l'évolution des besoins de l'enfant, n'est pas systématiquement mis en œuvre dans 74% des départements". Enfin, en matière d'adoption, certains départements ne disposent plus d'expertise dédiée en l'absence d'un service adoption, ni de correspondant de l'AFA.

Et bien sûr, comme d'autres rapports auparavant, l'Igas pointe "l'existence de disparités territoriales sur les pratiques, une connaissance insuffisante de la réalité de la protection de l'enfance, des coordinations locales inachevées et une mobilisation variable des fonctions relevant de l'Etat notamment par insuffisance de moyens dans les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS)".

De nouvelles missions pour un nouvel organisme

Parmi les nouvelles missions qui pourraient être confiées à ce futur organisme national, l'Igas préconise notamment de créer un centre de ressources et services à destination des acteurs territoriaux et nationaux qui apporte un appui en pilotant l'élaboration de référentiels et de recommandations, mais aussi d'animer et de venir en appui des dispositifs de contrôle qui sont de la responsabilité? des départements – y compris en matière d'adoption – , afin d'en améliorer les procédures. Le rapport suggère également que ce nouvel organisme pourrait être chargé de "déployer la contractualisation avec les conseils départementaux et de gérer les enveloppes financières sur la base des orientations fixées par le gouvernement", un rôle assuré jusqu'à présent par les préfets.

Pour mettre en œuvre ces orientations, l'Igas préconise la création de plusieurs instances. Au niveau national, un comité interministériel de la protection de l'enfance chargé de veiller au déploiement de la stratégie nationale ainsi qu'à la mobilisation des politiques de droit commun y concourant, ainsi qu'un comité technique des administrations centrales, "renforçant la cohérence des positions des différents services de l'Etat".

Un triumvirat Etat-département-justice pour assurer le pilotage local ?

Au niveau départemental, le rapport suggère un pilotage local partenarial "impliquant, outre l'intervention des conseils départementaux, la mobilisation des services de l'Etat et de ses opérateurs ainsi que des autres collectivités locales". Ce pilotage prendrait la forme d'un comité départemental de la protection de l'enfance, qui se substituerait à l'actuel ODPE et serait co-présidé par le président du conseil départemental, le préfet et le président du tribunal judiciaire. L'Association des départements de France ne devrait pas tarder à faire connaître sa position sur ce triumvirat et l'adhésion de la justice n'est pas certaine, dans la mesure où sa tendance est plutôt de se tenir à l'écart de ce type d'instance, pour ne pas risquer de se trouver ensuite en porte-à-faux.

Sur le plan juridique et financier en revanche, le rapport plaide pour le statu quo, avec le maintien du statut de GIP pour ce nouvel organisme et un financement partagé entre l'Etat et les départements. Outre la nécessité d'en passer par la loi pour créer cet organisme, l'Igas juge également "incontournable" une période de préfiguration d'au moins six mois.

 

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