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Ressources humaines - Agents contractuels : le projet du gouvernement fidèle à l'accord du 31 mars

Localtis s'est procuré l'avant-projet de loi relatif à l'accès à l'emploi titulaire. Ce texte en cours de préparation, qui met en oeuvre l'accord signé par le gouvernement et six syndicats, ne comporte pas de mauvaises surprises. A deux exceptions près, selon les représentants des personnels. Totalement nouveau, un quota limitant le nombre des agents pouvant être titularisés dans une collectivité y est introduit.

Pour tenir son calendrier très serré, le gouvernement a démarré début mai la concertation sur le projet de loi "relatif à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique". Le 12 mai, les administrations centrales concernées ont présenté aux représentants des organisations syndicales la dernière version du projet de loi. Dans ce "document de travail" que Localtis s'est procuré (téléchargement ci-contre), seuls sont traités les dispositifs de titularisation et de transformation de certains CDD en CDI, de même que la nouvelle architecture des cas de recours aux agents contractuels, qui constituent l'essentiel des dispositions de l'accord que le gouvernement et six organisations syndicales ont signé le 31 mars dernier. Les autres dispositions de l'accord, notamment celles qui portent sur l'amélioration des conditions d'emploi des non-titulaires seront dévoilées ultérieurement.
En prenant connaissance du projet, Gilles Oberrieder (CGT fonction publique) a été assez satisfait. "Ce n'est pas la version définitive et on n'a pas encore tous les détails, mais globalement le projet de loi est conforme à l'accord que nous avons signé. On n'a pas le sentiment que le gouvernement essaie de reprendre d'une main ce qu'il a donné de l'autre." Du côté de Force ouvrière (FO), la réaction est assez voisine, puisqu'on évoque un texte qui est "dans les grandes lignes assez conforme" à l'accord du 31 mars. Johann Laurency, chargé du dossier des non-titulaires à FO, constate cependant "des difficultés, puisqu'on doit croiser la libre administration des employeurs publics locaux avec les nécessités de respecter l'accord. C'est le cas aujourd'hui pour l'accord sur les non-titulaires, comme ce fut déjà le cas pour d'autres accords auparavant", rappelle-t-il.

Mélange des rôles
Malgré une impression d'ensemble qui est donc plutôt bonne, les organisations syndicales n'en sont pas moins vigilantes. La traduction législative de l'accord laisse aux rédacteurs du projet de loi des "marges d'interprétation", constate le responsable de la CGT, qui cite comme exemple les conditions d'éligibilité des agents à temps non complet à la titularisation. Lors de la réunion, la CGT a, en particulier sur ce point, demandé que l'accord soit respecté, ce qui ne lui semblait pas être le cas au vu du projet de loi dans sa version provisoire. Sur deux autres points concernant spécifiquement la fonction publique territoriale, les organisations syndicales ont demandé unanimement aux administrations de l'Etat de revoir leur copie.
La première véritable pierre d'achoppement concerne la "commission d'évaluation professionnelle" présidée par l'autorité territoriale, ou son représentant, qui est chargée d'établir la liste des agents éligibles aux dispositifs spécifiques de titularisation. Les syndicats lui reprochent d'être à la fois "juge et partie", puisque, tel un jury, elle aura aussi la mission de procéder à l'audition des agents éligibles, en vue de leur sélection. "Souveraine, la commission pourra décider de ne pas titulariser un agent qui serait sous contrat dans la collectivité depuis plus de quatre ans", souligne Johann Laurency, qui s'inquiète d'autant plus que les voies de recours n'ont pas encore été prévues. Ces dispositions devraient être gommées, parce qu'étant en fait de nature réglementaire, elles ont plutôt vocation à faire l'objet d'un décret. Mais les organisations syndicales ne sont pas complètement rassurées. "Nous resterons vigilants", indique Sylvie Guinand, membre du bureau fédéral de la CGT des services publics.

Quota d'agents titularisés
Les organisations syndicales sont encore plus remontées contre l'instauration d'un quota d'agents pouvant être titularisés. La mesure tient en trois lignes dans le projet de loi - dans sa version encore provisoire. Concrètement, le nombre d'agents titularisés dans une collectivité ne pourrait "pas dépasser la moitié de l'effectif des agents titulaires [de cette collectivité]" constaté à la date de publication de la loi. Absente de l'accord du 31 mars, cette clause a, semble-t-il, été introduite pour fixer une limite à la titularisation des agents des collectivités de l'île de La Réunion, où environ 80% des agents sont non-titulaires. "Pour régler une situation particulière, le gouvernement généralise une règle à l'ensemble de la France", s'insurgent les représentants syndicaux, qui estiment que les agents de certaines collectivités, en particulier les petites communes et les conseils régionaux, où les contractuels sont nombreux, seront pénalisés. Le ministre de la Fonction publique et son secrétaire d'Etat devront arbitrer.
En tout cas, rien n'est définitif. Le projet de loi qui a été exposé ce 12 mai est encore susceptible d'un certain nombre d'évolutions, puisqu'il ne sera présenté que dans un mois aux conseils supérieurs des trois fonctions publiques (le 15 juin pour la territoriale).
La CGT va profiter de ce temps pour revendiquer à nouveau en particulier une adaptation des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale, afin de prendre en compte les missions nouvelles qui sont apparues ces dernières années. L'enjeu est important, car c'est justement en raison de cette inadaptation des cadres d'emplois que les employeurs locaux recrutent aujourd'hui des agents sous contrat.
Le texte sera finalement déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale avant le départ en congé des députés. L'urgence ayant été déclarée sur le texte, les assemblées n'effectueront qu'une seule lecture, ce qui permet d'envisager une adoption définitive du texte en novembre, ou en décembre prochain. Outre les mesures sur les agents contractuels, le projet de loi intégrera des dispositions visant à lutter contre les discriminations. Un certain nombre de mesures prônées par la députée Françoise Guégot dans le rapport sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique qu'elle a remis début mars devraient intégrer le projet de loi. Des mesures visant à favoriser l'intégration des personnes handicapées ont également été annoncées.