Aide à domicile : l’emploi associatif "ne cesse de se dégrader"

Environ 570.000 personnes travaillent dans le domaine de l’aide à domicile, dont 250.000 en tant que salariés d’associations ou d’entreprises privées à but lucratif. Mettant le projecteur sur ces derniers dans une analyse publiée le 16 mars 2023, Recherches et Solidarités attire l’attention sur l’affaiblissement ces dernières années de l’emploi associatif, concomitant à un renforcement des effectifs du privé lucratif. Autre défi majeur pour le secteur : le vieillissement des professionnels. A travers une première "journée nationale des aides à domicile" ce 17 mars, le ministère des Solidarités espère susciter de nouvelles vocations alors que 305.000 recrutements sont jugés nécessaires d’ici 2030 pour faire face au vieillissement de la population.

Ce vendredi 17 mars 2023 sera la première journée nationale des aides à domicile. "En concertation avec l’ensemble des fédérations du secteur" et en lien également avec les départements, Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, dit avoir décidé de créer cette journée "pour remercier ces professionnels de l’aide à domicile pour leur engagement et mettre en valeur la place essentielle qu’ils et elles tiennent dans notre solidarité nationale". "On estime à 305.000 le nombre de recrutements nécessaires d’ici à 2030, pour répondre au vieillissement de la population", peut-on lire dans le dossier de presse du ministère.

L’enjeu de la journée du 17 mars est donc de "rendre plus attractifs les métiers du domicile", à travers une campagne de communication valorisant l’utilité du métier, les retours des bénéficiaires, ou encore les perspectives d’évolution. Le ministère des Solidarités fait à cette occasion le point sur les mesures nationales nouvelles ou prochaines en faveur du secteur (voir notre encadré ci-dessous).  

250.000 salariés du privé, 570.000 aides à domicile tous statuts confondus

A l’occasion de cette journée nationale, l’association Recherches & Solidarités (R&S) a publié le 16 mars 2023 une analyse de l’emploi du secteur, avec un focus sur le secteur associatif. "En 2021, environ 250.000 salariés du régime général travaillent dans l’aide à domicile (identifié par le code APE 8810A), apportant une aide quotidienne aux personnes les plus fragiles, leur permettant souvent de continuer à vivre chez elles", met en avant R&S.

Dans son dossier de presse, le ministère des Solidarités parle plus largement de 570.000 aides à domicile, tous statuts confondus, un nombre à rapprocher de celui de 550.000 "intervenants dans le champ de l’aide à domicile et dans les Ssiad [services de soins infirmiers à domiciles]" fourni en août 2022 par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Cette dernière renvoyait à une étude de la Drees de 2010 qui s’intéressait à un périmètre large, celui des "intervenantes [travaillant] au domicile des personnes fragilisées selon différents modes d’exercice : en emploi direct, en mode mandataire, salariées d’organismes prestataires ou sous plusieurs modes à la fois".

L’aide à domicile surtout portée par des associations dans les territoires ruraux

Concernant le périmètre plus restreint, donc, des aides à domicile salariées dans le privé, Recherches & Solidarités indique que le secteur associatif "représente 51% des établissements employeurs du secteur et 61% des effectifs". Derrière cette moyenne, se cachent toutefois de fortes disparités territoriales. La part des aides à domicile salariées dans des associations est plus basse dans des départements urbains ("13% dans les Hauts-de-Seine, 27% à Paris, 30% dans les Yvelines, 43% dans le Rhône ou encore 44% en Gironde") et nettement plus haute que la moyenne dans des départements ruraux ("entre 80% et 90% dans le Cantal, le Gard, la Haute-Loire et l'Ardèche" et plus de 90% "dans la Meuse, la Lozère, le Jura et l’Indre"). 

Dans son analyse, R&S met l’accent sur l’affaiblissement des associations dans le secteur de l’aide à domicile, au profit du privé à but lucratif. "Au cours de la période 2017-2021, le secteur associatif dans l’aide à domicile a perdu 13.000 emplois", soit une diminution de sa part au sein de l’emploi privé de 68% en 2017 à 61% en 2021. A l’inverse, "les effectifs du secteur lucratif ont singulièrement augmenté au cours de la même période : de 76.800 en 2017 à 96.700 en 2021".

Observant l’évolution de l’aide à domicile associative par rapport à l’ensemble de l’emploi associatif, R&S constate un décrochage à partir de fin 2019. Si "les effectifs se sont maintenus au cœur de la crise sanitaire, jusqu’au deuxième trimestre 2021", la situation de l’emploi dans les associations d’aide à domicile "ne cesse de se dégrader depuis", avec notamment une perte de 6.500 salariés entre fin 2021 et fin 2022.

Parmi les salariées, "plus de 17.000 sexagénaires manqueront bientôt à l’appel"

A partir d’une analyse de 187.000 contrats de travail relevant de la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, R&S relève quelques traits saillants de cet emploi : "très féminisé" (95% de femmes), vieillissant (45% de salariés de 50 ans et plus, dont 11% de 60 ans et plus), majoritairement en CDI (90%) et à temps partiel (77%). 

Sur l’ensemble de ces contrats, 13% correspondent à des emplois administratifs et de gestion et 77% à des activités de soin et d’accompagnement des personnes, dont "145.000 aides à domicile, aides ménagères et travailleuses familiales", mais également "3.100 infirmiers, 1.460 employés de maison et personnels de ménages chez des particuliers, 930 cadres infirmiers, 850 aides médico psychologiques, 620 conseillers en économie sociale et familiale... ". Recherches & Solidarités alerte : parmi les aides à domicile, aides ménagères et travailleuses familiales, "plus de 17.000 sexagénaires exercent ce métier difficile au service des personnes fragiles et manqueront bientôt à l’appel".

  • Aide à domicile : les mesures gouvernementales en cours de déploiement

Le ministère des Solidarités détaille dans son dossier de presse les "actions du gouvernement pour les aides à domicile" :

  • La réforme de la tarification des prestations d’aide et de soins à domicile est destinée à assurer "un tarif minimal national garanti applicable à tous les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) par tous les départements, fixé par arrêté chaque année : 22 euros pour 2022 et à 23 euros pour 2023".  Une dotation complémentaire de 3 euros par heure d’intervention est prévue "pour renforcer la qualité et diversifier l’offre des services d’aide à domicile : horaires d’intervention élargis, lutte contre l’isolement, qualité de vie au travail des professionnels". 870 millions d’euros sont budgétés entre 2022 et 2027 pour l’ensemble de la réforme.
     
  • Le soutien à la mobilité des aides à domicile : une enquête conduite par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), dont les résultats sont annoncés pour le printemps, permettra de "prendre en compte les principales difficultés" et d’"y apporter des réponses adaptées".
     
  • "Deux heures hebdomadaires de convivialité" à partir de 2024 : "inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale 2023 pour un montant total de 452 millions d’euros (dont 73 millions en 2024, 149M€ en 2025 et 230M€ en 2026)", cette mesure doit "permettre aux aides à domicile de retrouver du temps pour l’exercice de leurs missions" en finançant "deux heures de temps dédié au lien social" au profit des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), soit "800.000 personnes à ce jour et près de 1 million en 2030".
     
  • Le "plan national pour renforcer l’attractivité des métiers", portant sur l’amélioration des rémunérations et des conditions de travail, la qualification des professionnels et l’évolution dans les parcours et la mise en place des "services autonomie à domicile" à partir de juillet 2023. Ces derniers poursuivront un double objectif de simplification des démarches pour l’usager ("bénéficier d’un interlocuteur privilégié, qui organise à la fois les prestations d’aide et de soins à domicile") et de renforcement de l’attractivité pour les professionnels (avec notamment le financement de temps d’échanges entre professionnels et davantage de passerelles "entre les missions d’aide et de soins à domicile").