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Social - Aide sociale : le Conseil constitutionnel valide la récupération sur succession

Dans une décision QPC (question prioritaire de constitutionnalité) du 21 octobre 2016, le Conseil constitutionnel valide le recours en récupération des frais d'hébergement et d'entretien des personnes handicapées, autrement dit le principe de la récupération sur succession. En l'occurrence, la QPC visait plus particulièrement les cas d'exonération, supposés rompre l'égalité des débiteurs potentiels devant la loi et devant les charges publiques.

Des différences de situation justifiées selon les héritiers

L'article L.344-5 du code de l'action sociale et des familles (Casf) prévoit en effet plusieurs cas d'exonération au profit du bénéficiaire de l'aide sociale revenu à meilleure fortune après avoir été pris en charge (situation très hypothétique dans le cas de personnes handicapées ou de personnes âgées), mais aussi de certains de ses héritiers (conjoint, enfants, parents et toute autre personne ayant assuré sa prise en charge de façon effective et constante) et de ses donataires ou légataires.
Pour la requérante, une telle situation crée une différence de traitement injustifiée entre les frères et sœurs du bénéficiaire de l'aide sociale et certains de ces héritiers, entre les personnes handicapées et les personnes âgées (les modalités et l'étendue de la récupération sur succession étant différentes entre les deux catégories) et même entre les personnes handicapées elles-mêmes en fonction de leur lieu d'hébergement (prise en charge des personnes handicapées vieillissantes accueillies en maison de retraite).
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel ne retient aucun de ces arguments. Il considère au contraire que "le législateur a entendu tenir compte d'une part, de l'aide apportée à la personne handicapée bénéficiaire de l'aide sociale et, d'autre part, de la proximité particulière des personnes exemptées avec elle. Il a distingué, parmi les héritiers, ceux qui ont effectivement assumé la prise en charge de l'intéressée, ceux, parents, enfants ou conjoint, qui peuvent être présumés l'avoir fait, parce qu'ils sont tenus à son égard par une obligation alimentaire légale, et ceux, donataires ou légataires, qui lui sont liés par une proximité particulière que manifeste la gratification qu'elle leur a consentie". Dès lors, la distinction ainsi opérée avec les autres héritiers "repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l'objet de la loi".

Pas d'inégalité injustifiée entre personnes handicapées et personnes âgées

De même, le Conseil constitutionnel estime que "les personnes handicapées n'étant pas placées dans la même situation que les personnes âgées au regard des exigences de leur prise en charge par l'aide sociale, le législateur pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité, prévoir des modalités différentes de récupération de l'aide sociale dans l'un et l'autre cas".
Enfin, le cas des différences de traitement entre personnes handicapées vise la situation des personnes accueillies dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou des unités de soins de longue durée (USLD). Les personnes concernées bénéficient du régime d'exemption de recours en récupération dans deux situations : lorsque les intéressées étaient précédemment hébergées dans un établissement dédié au handicap (cas de personnes handicapées vieillissantes accueillies en maison de retraite) ou lorsque leur incapacité a été reconnue au moins égale à un pourcentage fixé par décret avant leurs 65 ans.
Les personnes handicapées âgées peuvent alors être prises en charge au titre de l'aide sociale, soit en raison de leur handicap, soit en raison de leur âge. En l'espèce, le Conseil constitutionnel juge qu'"en faisant prévaloir, selon le cas, l'âge ou le handicap, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l'objet de la loi".

Jean-Noël Escudié/PCA

Référence : Conseil constitutionnel, décision 2016-592 QPC du 21 octobre 2016 (Journal officiel du 23 octobre 2016).