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Aléa sismique à Nice : pour le CGEDD, il faut en finir avec le déni

Les audits et diagnostics existent, il faut désormais entreprendre des travaux, se donner des priorités, des échéances pour réduire la vulnérabilité de la métropole niçoise particulièrement exposée au risque sismique. Tel est en substance le message délivré par le CGEDD, qui amorce, à travers un rapport publié ce 12 novembre, un travail de conviction consistant à démontrer "que l’on peut agir pour assurer la résilience des fonctions de base", en dépassant l’effet de sidération. 

Dans un rapport publié ce 12 novembre, s’intéressant au cas de la métropole niçoise, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) appelle à la responsabilisation de chacun des acteurs concernés en vue de réduire la vulnérabilité de ce territoire à l’aléa sismique. Hasard du calendrier, cette publication intervient au lendemain du séisme de magnitude 5,4 venu frapper dans la matinée, la ville du Teil, en Ardèche, à environ 10 km à l’ouest de Montélimar (Drôme), causant d’importants dégâts sur 895 logements (soit près d'un quart des habitations de la commune), selon le dernier bilan de la préfecture, ainsi que sur de nombreux édifices publics. Afin de réaliser des contrôles complémentaires, plusieurs réacteurs de la centrale de Cruas-Meysse située à 15 km de l’épicentre, ont été mis à l'arrêt temporairement. Un site qui à l’instar des installations du Tricastin (réacteurs, usines et entreposages de déchets), à une vingtaine de kilomètres, a été conçu sur l’hypothèse d’un niveau de séisme moindre, de magnitude 5,2, s’alarme le réseau Sortir du nucléaire. Globalement, l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) fait valoir que les secousses du 11 novembre "présentent des caractéristiques proches de celles retenues pour Cruas et Tricastin", tout en considérant qu’il est nécessaire de mieux caractériser ce séisme "pour dire s’il est nécessaire ou non de réviser le niveau de séisme actuellement appliqué à ces installations", rapporte l’association.   

Passer à l’action

Une forme de déni des acteurs publics dont fait écho le rapport du CGEDD avec pour focus les enjeux particuliers de la métropole niçoise, "seule agglomération de France métropolitaine de plus d’un million d’habitants exposée au niveau moyen d’aléa sismique". Un territoire peu résilient, dont la vulnérabilité est aggravée par le contexte de "presqu’île” de l'agglomération niçoise, rendant particulièrement sensible le maintien des réseaux essentiels (infrastructures, énergie, télécommunications). Le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) conclut ainsi, dans une étude réalisée en 2018, que, dans le pire scénario, il faudrait s’attendre à plus de 2.500 morts et près de 200.000 sans-abri pour le département. De l’ordre de 14 à 29 milliards d’euros à débourser par l’État (soit 80 à 150% du PIB annuel de l’agglomération niçoise), à quoi devraient être rajoutés pour évaluer le coût global de la catastrophe d’un séisme du type de celui de 1887, "le coût des opérations de secours, les dommages aux personnes (assurance décès et coûts pour la sécurité sociale) et le soutien de l’activité économique", souligne le CGEDD.
Or, malgré ces enjeux et pléthores d’études sur le sujet (dont récemment des diagnostics de vulnérabilité de bâtiments, notamment de l’État, du conseil départemental, du service départemental d’incendie et de secours (Sdis), de la métropole Nice Côte d’Azur (NCA) ou du CHU) "peu d’actions ont été entreprises". Le rapport du groupe d'études et de propositions pour la prévention du risque sismique (GEMGEP) de 2005 - qui contenait pourtant un plan d’actions de réduction de vulnérabilité du bâti - et la stratégie régionale adoptée en comité d’action régional (CAR) en 2015 "n’ont pas reçu de suites significatives", s’étonne la mission qui appelle, par une "prise de conscience effective", à "mettre en place les mesures nécessaires". D'autant que ces actions concrètes de prévention "sont d’un coût relativement faible, tant au regard des dépenses après catastrophe que de la richesse économique incontestable de ce territoire".
Le plan départemental de prévention engagé dès 2017 par le préfet des Alpes-Maritimes, puis l’approbation début 2019, d’un plan de prévention du risque sismique (PPRS) sur Nice et un plan Orsec dédié esquissent un commencement de réponse, qu’il faut désormais amplifier. 

Un travail de longue haleine

Un premier levier réside dans une meilleure coordination du potentiel d’experts techniques - notamment du réseau de chercheurs de l’université de Nice-Côte d’Azur, GeoAzur - par une gouvernance locale partagée, par exemple via un comité de pilotage co-présidé par le préfet et le président de la métropole Nice Côte d’Azur. Conscientes des enjeux, les collectivités territoriales ont engagé des études et sont en position de passer à l’action. À commencer par la ville de Nice et la métropole NCA, à travers une stratégie métropolitaine face au risque sismique, déclinaison des travaux du plan départemental séisme lancé par le préfet. Elles s’attachent aussi à durcir les réseaux d’énergie, d’eau et de télécommunications. Une étude de vulnérabilité des bâtiments communaux stratégiques, en vue d’un plan d’actions, est également en cours.
Il s’agit en effet d’un travail à mener "dans la durée pour se préparer progressivement en se fixant des priorités d’action", insiste le rapport à l’appui des nombreuses mesures qu’il détaille. Tout d’abord, poursuivre l’amélioration du diagnostic de la vulnérabilité "pour savoir où porter les priorités". Et cela en suivant une logique de fonctionnalité des équipements, bâtiments et infrastructures. La sécurisation du franchissement du Var est par exemple indispensable pour permettre la continuité entre la ville de Nice et le reste de la métropole et faciliter ainsi l’organisation des secours et la reprise de la vie sur le territoire. 

Mobilisation du fonds Barnier

Une approche similaire doit s’appliquer s’agissant de sécuriser les bâtiments stratégiques de l’État et des collectivités concernées. L’État se doit d’être exemplaire "en engageant le durcissement de ses bâtiments de catégorie IV, à commencer par ceux des forces de sécurité et les hôpitaux", insiste la mission, qui préconise un plan" immobilier de l’État". Côté collectivité, un programme d’actions pour la prévention d’un séisme (Papris) pour Nice devrait pouvoir bénéficier d’aides de l’État via le fonds Barnier, couramment actionné dans le domaine de la prévention des inondations. La mission suggère donc que les collectivités (Métropole NCA, en liaison avec l’agglomération de Menton, le conseil départemental, voire le conseil régional) engagent les études nécessaires en vue de présenter rapidement un projet avec un échéancier précis, sur une durée d’environ cinq à dix ans.