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Fiscalité - Allègements décidés par le législateur : les compensations aux collectivités se réduisent comme peau de chagrin

Les compensations versées par l'État aux collectivités territoriales pour les exonérations d'impôts locaux décidées par la loi dépassent, cette année, les 2 milliards d'euros. Cette coquette somme est pourtant loin de couvrir le manque à gagner que le secteur public local a à déplorer. Un rapport de Bercy, auquel Localtis a eu accès, fait le point.

Au fil des ans, les compensations attribuées par l'État aux collectivités territoriales pour les exonérations de fiscalité locale votées par le Parlement se réduisent comme peau de chagrin. À l'initiative des députés, la loi de finances pour 2017 a inscrit l'obligation pour Bercy de faire chaque année la lumière sur "le coût net supporté par les collectivités territoriales" pour les exonérations d'impôts locaux décidées par le pouvoir national. Fin 2017, le premier rapport remis par l'administration fiscale a dressé un état des lieux quasi inédit pour l'année 2016. Il confirmait ce que les associations d'élus locaux redoutaient : l'existence d'un écart, parfois exorbitant, entre les montants exonérés et les compensations perçues par les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre.
Le deuxième rapport, que le gouvernement vient de remettre au Parlement et au Comité des finances locales, confirme qu'en 2017, les compensations obtenues par les entités du secteur public local se sont une nouvelle fois effilochées.

Exonérations de foncier bâti : des compensations tombées très bas

Les exonérations de taxe d'habitation bénéficiant aux personnes handicapées, aux personnes de plus de 60 ans, ainsi qu'aux veufs et veuves et dont les ressources ne dépassent pas certains plafonds, sont les principales par leur montant. En 2017, "le coût" de cette exonération pour les seules communes est de plus d'1,68 milliard d'euros, selon le rapport que Localtis s'est procuré (téléchargement ci-dessous). Mais la compensation que l'État alloue aux communes est de près d'1,22 milliard d'euros. La différence de 465 millions d'euros résulte des modalités de calcul de la compensation, lesquelles ne prennent pas en compte les augmentations de taux de taxe d'habitation décidées par les communes depuis 1991. La perte est proportionnellement encore plus grande pour les EPCI à fiscalité propre. D'un montant de 427 millions d'euros, la compensation qu'ils ont perçue en 2017 en raison des exonérations de taxe d'habitation au profit des personnes de condition modeste a couvert à peine plus de la moitié des sommes exonérées (près de 850 millions d'euros).
Mais les compensations des exonérations de taxe d'habitation paraissent généreuses si on les compare à celles qui concernent les exonérations s'appliquant à la taxe foncière sur les propriétés bâties. En 2017, les propriétaires handicapés et ceux de plus de 75 ans qui respectaient un certain seuil de revenus, ont bénéficié d'une exonération de la part communale de leur taxe foncière pour un montant total de 307 millions d'euros. Sa prise en charge est revenue quasi intégralement aux communes, puisque celle-ci ont touché une allocation compensatrice de seulement 16,7 millions d'euros. Les parts de la taxe foncière qui auraient dû revenir aux intercommunalités et aux départements se sont élevées respectivement à 32,2 et 281,5 millions d'euros. Là encore, les échelons bénéficiaires ont perçu, au final, de modiques compensations : 0,1 et 9,5 millions d'euros.

Difficultés budgétaires accrues pour des communes pauvres

Depuis 2009, les compensations liées aux exonérations de foncier bâti bénéficiant aux personnes de condition modeste figurent, en effet, dans les variables d'ajustement, un ensemble de concours financiers de l'État aux collectivités locales qui a subi chaque année un coup de rabot pour financer, dans le cadre du gel, puis de la baisse des dotations, la progression de certaines dotations. Les exonérations de taxe foncière décidées en matière de politique de la ville sont logées à la même enseigne. Tel l'abattement de 30% pour les logements à usage locatif situés dans un quartier prioritaire de la ville et faisant l'objet d'un contrat de ville. Sur un total de 155,5 millions d'euros de taxe foncière exonérés en application de cette mesure, les communes n'ont perçu en 2017 que 62,1 millions d'euros. "À partir de 2017, le département n'est plus compensé" pour cet abattement, précise même le rapport. Qui ne mentionne pas le montant de la perte occasionnée de ce fait pour cette catégorie de collectivité. De tels manques à gagner ont suscité l'ire des associations d'élus locaux. Elles n'ont pas manqué de souligner le paradoxe de mesures qui, pour améliorer le sort des quartiers de la politique de la ville, amputent les budgets des communes dont ils font partie, lesquels sont le plus souvent sous pression.
En 2019, la dépense de l'État correspondant aux dégrèvements et compensations d’exonérations de fiscalité locale doit s'élever au total à 22,4 milliards d'euros, soit environ 20 % des transferts financiers de l’Etat vers les collectivités territoriales. C'est ce qu'indique l'annexe au projet de loi de finances pour 2019 consacrée aux dotations et à la fiscalité transférée aux collectivités territoriales.

"L'État fait des cadeaux avec l'argent des collectivités"

À eux seuls, les dégrèvements législatifs d'impôts locaux doivent représenter la bagatelle de 19,9 milliards d'euros. En effet, le dégrèvement sur trois ans de taxe d'habitation pour 80% des ménages alourdit considérablement le poids des dégrèvements d'impôts locaux à la charge de l'État. Dans le budget 2019, le dégrèvement de taxe d'habitation s'élève à 11,4 milliards d'euros. Il s'agit d'une prise en charge intégrale par l'État de l'allègement de fiscalité locale dont bénéficient les contribuables. Soit un moindre mal pour les collectivités locales. Il en va bien sûr tout autrement dans le cas des mesures d'exonération. "La plupart" des compensations correspondantes "sont calculées en prenant en compte l’évolution des bases de fiscalité multipliées par le taux constaté au moment de la mise en place de l’exonération", explique le "jaune budgétaire". L'État prévoit en 2019 de dépenser 2,2 milliards d'euros au titre de ces compensations d'exonérations de fiscalité locale.
Dans une étude présentée en avril 2018, l'observatoire des finances et de la gestion publique locales estimait que ces "allocations compensatrices" ne compensent en moyenne que "39% de la perte de recette" subie par les collectivités. Autrement dit, "plus de 60 %" des allègements fiscaux accordés par le pouvoir national, soit "2,5 milliards d'euros", sont "financés par les collectivités", indiquait la structure rattachée au comité des finances locales. L'État fait "des cadeaux aux contribuables", mais "avec l'argent des collectivités locales", concluait André Laignel, président de l'observatoire.

 

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