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Logement - Alur : les sénateurs adoptent la "Vefa inversée" et une multitude d'autres amendements

La Vefa inversée, conçue dans les bureaux de l'Union sociale pour l'habitat, a convaincu les sénateurs, tout comme les 217 autres amendements qui ont été adoptés dans le cadre du projet de loi Alur (pour l'accès au logement et un urbanisme rénové). Zoom sur une vingtaine d'entre eux concernant le logement (voir ci-contre l'article sur le volet urbanisme de l'édition de ce jour).

Le Sénat a adopté en séance publique, samedi 26 octobre 2013, par une courte majorité (176 voix contre 166), le projet de loi Alur (pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) sur lequel 826 amendements avaient été déposés (et 217 finalement adoptés). La Haute Assemblée a donc achevé la première lecture de ce texte, après avoir déjà donné son feu vert notamment à l'encadrement des loyers (voir notre article ci-contre du 24 octobre), à la mise en place d'une garantie universelle des loyers et au prolongement de 15 jours de la trêve hivernale du 15 mars au 31 mars (voir ci-contre notre article du 25 octobre). D'autres amendements, en particulier sur le logement social, ont modifié le texte les deux derniers jours du débat.
Si tous les groupes, de la majorité comme de l'opposition, ont estimé que leur texte "est meilleur" que celui issu de l'Assemblée nationale, ils ont insisté sur l'importance de la navette parlementaire lors de la seconde lecture pour "encore (l') améliorer", y compris sur le volet logement.

Logements sociaux : priorité aux locataires âgés qui libèrent un grand logement

En matière d'attribution de logements sociaux, un amendement de René Vandierendonck, rapporteur au nom de la commission des Lois, a été adopté, instituant dans le règlement des commissions d'attribution un droit de priorité dans le cadre d'une mutation pour le locataire âgé de plus de 65 ans qui libère un plus grand logement (art.47).
Un amendement à l'article 49 permet aux organismes HLM de réaliser et vendre à des personnes morales des logements destinés à des personnes dont les ressources sont situées en deçà des plafonds du logement intermédiaire. "Ceci permettra de répondre à la demande de personnes ayant des ressources au-dessus des plafonds imposés pour les logements HLM mais qui ne peuvent pour autant se loger dans le parc privé", dans les zones d'urbanisation continue de plus de 50.000 habitants (soumises à la taxe sur les logements vacants), ainsi que dans les communes de plus de 15.000 habitants en forte croissance démographique.

Feu vert à la "VEFA inversée"

Le lobby mené par l'USH pour faire passer sa "VEFA inversée" (vente en l'état futur d'achèvement) a, en consentant à quelques retouches, manifestement payé (voir notre article ci-contre du 23 septembre). Deux amendements, un du groupe socialiste, un du groupe UMP, ont été déposés dans ce sens, sur lesquels la commission a rendu un avis favorable tandis que le gouvernement s'en remettait à la sagesse des sénateurs.
Il serait donc permis aux organismes HLM, à titre expérimental et pour une durée de 5 ans, de vendre à des opérateurs privés "des logements libres réalisés en accessoire à une opération principale de construction de logements sociaux réalisée sur des terrains acquis dans le cadre de la loi du 18 Janvier 2013 de mobilisation pour le logement". Etant entendu que ces logements libres non conventionnés ne pourraient pas bénéficier du mécanisme de décote consentie pour les logements sociaux, précise l'exposé des motifs.
"En pratique, ce dispositif encadré et expérimental ne s'appliquera qu'à des opérations dont le programme, défini avec la collectivité et les services de l'Etat, serait très majoritairement constitué de logements sociaux et offrirait l'opportunité (du fait de sa configuration, de son plan masse…) de réaliser quelques logements libres. Dans ce cas de figure, il est en effet préférable que la globalité de l'opération ne soit pas confiée à un opérateur privé qui vendrait en grande majorité des logements sociaux à des organismes HLM et qui ne réaliserait en fait qu'un très faible nombre de logements libres", est-il avancé.
Une "VEFA à l'envers", l'a baptisée la sénatrice (PS) Marie-Noëlle Lienemann, présidente de La Fédération nationale des sociétés coopératives d'HLM, une des cinq fédérations constituant l'Union sociale pour l'habitat.

Possibilité de rattacher un OPH à une région

La sénatrice francilienne a également fait adopter son amendement (à l'art. 52) permettant le rattachement à une région d'un office public de l'habitat ayant une activité et un patrimoine dépassant nettement le champ d'un seul département. Sauf pour les offices dont plus de la moitié du patrimoine est située sur un seul département. Par ailleurs, deux autres amendements suppriment la possibilité dérogatoire de rattacher un OPH à plusieurs départements : celui-ci devra être rattaché au département sur lequel est situé plus de la moitié du patrimoine ou à défaut à la région dans laquelle l'office a son siège.
Toujours à l'article 52, deux amendements instituent une sanction pour la collectivité de rattachement d'un OPH qui n'aurait pas désigné de représentant au conseil d'administration, ou qui ne serait pas représentée au sein du CA pour une période de plus de six mois. Le préfet pourrait alors prononcer, après mise en demeure, la déchéance de la collectivité de rattachement de l'office.

Performance énergétique obligatoire pour la vente de logement HLM

Article 52 toujours, un amendement du groupe écologiste ajoute une nouvelle condition à la vente d'un logement social par un organisme HLM : seuls les logements répondant à un niveau minimum de performance énergétique, défini par décret, pourront être cédés. Cette disposition concernent les logements les plus énergétiques (les classes F et G du DPE) et vient en supplément des trois critères déjà existants (ancienneté du logement, entretien minimum, normes d'habitabilité), mais ne s'applique pas dans le cas d'une vente de logement à un autre organisme HLM.
Deux amendements, du groupe UMP et de Marie-Noëlle Lienemann, créent un nouvel article qui vise à circonscrire précisément les conditions légales d'exercice lorsqu'un directeur général d'office est appelé à cumuler des fonctions de direction : "l'activité cumulée ne doit avoir qu'un caractère accessoire et ne peut donner lieu au bénéfice d'une rémunération supplémentaire", serait désormais la règle.
A signaler un nouvel article, créé suite à l'adoption d'un amendement du groupe socialiste, et adopté contre l'avis du gouvernement, qui modifie les conditions d'exercice de la tutelle du fonds d'épargne géré par la Caisse des Dépôts afin de placer le ministre du Logement "en position de codécision sur l'utilisation de ces fonds" avec le ministre de l'Économie. "Cela facilitera la mise en œuvre des politiques du logement, notamment du logement social", espèrent les auteurs de l'amendement.

Délégation de compétence

Un amendement à l'article 56, rédigé par le groupe socialiste, précise s'il en était besoin que les conventions de délégation de compétence en matière de logement aux collectivités reflètent la priorité donnée aux logements adaptés aux personnes défavorisées. Et que le respect de cette priorité doit constituer un élément de vérification du bon déroulement de la délégation confiée à la collectivité locale.
Toujours article 56, un amendement du rapporteur prévoit que les conventions de délégation des aides à la pierre conclues entre des EPCI et l'Anah peuvent porter sur des logements n'ayant pas bénéficié d'aides de l'Anah.
Un amendement du groupe socialiste à l'article 57 étend les emplois potentiels de la Peec (Participation des employeurs à l'effort de construction) au soutien à la production de logements destinés à l'accession sociale à la propriété.

L'ombre de Braye plane sur les amendements "copropriétés"

Revenons un peu en arrière dans le texte, à l'article 31 sur les copropriétés. Un amendement du rapporteur Claude Dilain entend faciliter la conduite d'opérations de requalification de copropriétés dégradées d'intérêt national. La commune pourrait désormais déléguer son droit de préemption renforcé à l'opérateur chargé de la mettre en œuvre.
En matière de plan de sauvegarde, selon un amendement à l'article 35, défendu par la sénatrice (UMP) Élisabeth Lamure, la responsabilité du syndic pourrait être engagée si la mise en demeure qui lui a été adressée de communiquer aux autorités publiques les documents nécessaires à l'élaboration d'un plan de sauvegarde est restée infructueuse pendant plus d'un mois.
Les sénateurs se sont également penchés sur les copropriétés de moins de dix lots. L'adoption d'un amendement à l'article 23, défendu par René Vandierendonck et inspiré par l'ancien sénateur Dominique Braye, toujours président de l'Anah, modifie le dispositif de registre d'immatriculation des copropriétés, afin de "le rendre plus lisible". Afin aussi de le simplifier puisqu'il "limite la transmission d'informations au registre à des éléments précis (…) que le syndicat n'aura pas de difficultés à fournir". Du coup, "le régime simplifié pour les copropriétés de moins de dix lots perd sa justification" et est donc supprimé. A signaler que cet amendement a été adopté contre l'avis du gouvernement, Cécile Duflot estimant que ces nouvelles dispositions "risquent de fragiliser" le registre d'immatriculation.
L'adoption d'un autre amendement, également défendu par René Vandierendonck suite aux préconisations de Dominique Braye, crée un régime spécifique pour les copropriétés de moins de dix lots en matière de fonds de prévoyance, avec un montant de cotisations d'un niveau plus faible.
A signaler également, à l'article 28, l'adoption d'un amendement de Joël Labbé visant à faciliter l'exercice du droit de surélévation du syndicat des copropriétaires, pour favoriser la densité. Il supprime notamment le droit de veto des copropriétaires de l'étage supérieur du bâtiment à surélever.

Division d'immeubles : c'est le PLU qui déciderait

Plusieurs amendements de Claude Dilain touchent à la division d'immeubles en appartements et plus précisément aux zones d’autorisation préalable de division (art. 46 sexies A). Ce serait ainsi désormais à la commune (ou à l'EPCI compétent en matière de plan local d'urbanisme) de délimiter ces zones. Si un programme local de l'habitat existe, cette option serait libre (sous le contrôle du juge en cas d'erreur manifeste d'appréciation) ; s'il n'y en a pas, cette délimitation devrait être approuvée par le représentant de l'État dans le département. Quoi qu'il en soit, le maire (ou le président d'EPCI) ne pourrait pas invoquer l'indécence pour accorder ou refuser l'autorisation de division d'un immeuble (les mesures de résorption de l'habitat indécent ne relevant pas de la police administrative exercée par le maire, mais de l'appréciation du juge judiciaire).

Habitat dégradé : retour de l'autorisation préalable de mise en location

Supprimée en commission des affaires économiques, l'autorisation préalable de mise en location, sur les territoires présentant une proportion importante d'habitat dégradé, est réintroduite (art. 46 septies) par deux amendements identiques de René Vandierendonck, rapporteur au nom de la commission des Lois, et du groupe communiste, après avoir reçu un avis favorable de la commission des affaires économiques en séance publique, le gouvernement s'en étant pour sa part remis à la "sagesse" de la Haute Assemblée.
Ces amendements rétablissent l'article 46 septies dans la version adoptée par l'Assemblée nationale avec deux modifications, notamment le fait de pouvoir permettre que le périmètre d'application de l'autorisation préalable de mise en location puisse ne concerner qu'un ou plusieurs ensembles immobiliers, par exemple une copropriété dégradée dans une zone où il n'y a pas d'autre habitat indigne.
L'exposé des motifs précise bien que "la décision tacite d'acceptation de mise en location du bien ne saurait en aucun cas valoir certificat de décence du logement et n'entraverait aucunement la mise en œuvre des mesures de police de l'habitat".
Comme pour l'autorisation de division d'un immeuble, et pour les même raisons (art. 46 sexies A), la référence à la résorption de l'habitat indécent est supprimée dans les motifs qui fondent l'institution d'une zone de déclaration de mise en location (art. 46 octies).