Amiens Métropole et ses communes optimisent la mise en commun des fonctionnaires municipaux

La communauté d'agglomération d'Amiens, que préside le ministre Gilles de Robien, a organisé la mutualisation totale des services avec la ville centre. Commencée en 2000, cette mise en commun a devancé les possibilités offertes par la loi sur la démocratie de proximité.

Les effectifs des agents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont augmenté de 68% ces deux dernières années. Un constat de Marc Censi, président de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), lors de son dernier congrès, en octobre 2004 à Amiens. Si les transferts de personnels communaux vers les EPCI ont effectivement augmenté ces dernières années, c'est que le droit de l'intercommunalité a été complété par la loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002 (art. L.432-1 à L.432-8). Elle spécifie, pour la première fois, les modalités du transfert de personnels. Mais Amiens Métropole (27 communes, 173.000 habitants dont 135.000 dans la ville centre) n'a pas attendu cette loi pour mettre en place des services communs entre l'EPCI et ses communes membres, notamment la ville centre.
"Nous avons traduit concrètement ce texte, dont nous avions d'ailleurs anticipé le dispositif", détaille Alain Bacro, directeur général des services de l'agglomération et de la ville d'Amiens. "Une convention avait été signée dès avant 2000 entre la ville et le district créé en 1994. Nous avions commencé avec une administration composée d'un petit nombre d'agents de haut niveau ; leur mission consistait à développer l'intercommunalité, sur l'économie d'abord. Puis ces agents se sont mieux connus et appréciés, et l'envie nous est venue d'ajouter des compétences nouvelles. Entre 1994 et 2000, tous les ans, nous en avons ajouté une couche", sourit-il.

700 fonctionnaires sur 3.300 affectés aux services communs

Au 1er septembre 2004, les services d'Amiens Métropole, plus ceux de la ville, comptaient 3.300 agents. "En 1998, les 150 fonctionnaires du service eau/assainissement ont été les premiers transférés. La collecte des déchets a suivi. Les agents ont conservé avantages et ancienneté. Ces mutations présentaient néanmoins un caractère expérimental", se souvient Alain Bacro. L'organigramme a été dessiné en 2000. Depuis, "les élus ont choisi d'élargir les compétences jusqu'à la culture et aux sports, ce qui était alors exceptionnel", souligne Brigitte Fourré, maire d'Amiens. "A cette époque les postes d'adjoints en charge de ces secteurs par délégation du maire ont disparu au profit de vice-présidences pour l'agglomération."
La loi de 2002 a permis l'existence de services communs à condition que le personnel soit sous statut métropolitain. Trois types de services existent aujourd'hui : 1.500 personnes sont affectées aux compétences exclusivement municipales, 1.100 aux compétences exclusivement communautaires, 700 aux services communs. Le 18 décembre 2003, le conseil de la communauté d'agglomération a voté la convention réglant les relations financières entre Amiens Métropole, la ville d'Amiens, son centre communal d'action sociale et "éventuellement toute commune souhaitant s'associer au système". Le texte détermine les contributions financières des bénéficiaires de services mutualisés. Tous les services mutualisables de la ville d'Amiens achevaient alors leur migration.

Souplesse et astuces de procédure

Si ces dispositions apportaient déjà quelque souplesse supplémentaire, au quotidien, des astuces de procédure ont été mises en place : reboucher un trou de trottoir d'une petite commune reste de la compétence de son maire, bien que les services de voirie dépendent de l'agglomération. Tous les mois, les secrétaires de mairie sont conviés à une conférence commune, une partie de leur temps est prise en charge par la métropole "afin de coller aux besoins des usagers", insiste Brigitte Fourré. "Notre obsession est que notre fonctionnement soit compréhensible par tous nos concitoyens et que le travail soit fait." Les vingt-sept maires disposent d'ailleurs d'une enveloppe de la métropole pour les besoins courants.
Les communes conservent leurs pouvoirs régaliens : état civil, délivrance des permis de construire, organisation des élections, éducation jeunesse, services d'hygiène et, pour Amiens, police municipale. Le budget principal de fonctionnement d'Amiens Métropole atteint 130 millions d'euros, auquel il faut en ajouter 44 pour les principaux budgets annexes : transport, eau, assainissement. Le budget de fonctionnement de la ville d'Amiens a été réduit à 128 millions d'euros. Brigitte Fourré se réjouit de "la communauté de destin" qui s'est révélée entre les communes membres. Une satisfaction pas uniquement morale : en raison du fort taux de compétences intégrées par l'agglomération, la dotation complémentaire de l'Etat a augmenté de 13% en 2004 pour Amiens Métropole.

Chantal Vagogne / Innovapresse Amiens pour Localtis

"Une communauté d'agglomération qui fonctionne de façon cordiale et intégrée"

 

Brigitte Fourré, juriste, enseignante à la faculté de droit d'Amiens, est maire d'Amiens ; elle a succédé à Gilles de Robien lorsque celui-ci est devenu ministre.

Vous avez opté pour un modèle de gestion unifiée entre les services de la ville d'Amiens et de l'agglomération. Pourquoi ce choix ?

Il existe deux conceptions de la communauté d'agglomération. La classique, avec une seule administration. Et une autre, où l'on partage : c'est celle que nous avons adoptée. Une mise en commun des compétences, des moyens humains, techniques, de l'équipement. Nous nous trouvons dans une communauté d'agglomération qui fonctionne de façon cordiale et intégrée.

Les élus de l'opposition se sentent-ils intégrés dans cette communauté ?

C'est une solidarité d'origine qui a décidé, politiquement, de fonctionner ainsi. Et cela a généré du respect et une bonne entente entre les personnes, les élus, les communes. Nous disposons de deux moyens pour faire participer à la gestion de la communauté les élus des groupes de l'opposition. Premièrement, il existe une commission ouverte à chacun d'eux, qui examine les dossiers métropolitains. Elle se réunit avant chaque conseil de métropole afin de débattre des dossiers retenus pour la séance du jour. Deuxièmement, les élus amiénois sont informés au cours des communications du maire, qui se tiennent avant chaque conseil municipal. Nous invitons un intervenant à venir présenter un dossier : c'est ainsi que, récemment, le directeur et le président du conseil d'administration du CHU sont venus exposer le projet du futur centre hospitalier universitaire, qui sera construit au sud d'Amiens.

Donc il règne un bon climat au sein d'Amiens Métropole ?

Ce ne serait pas gérable s'il n'existait pas d'entente. Chacun se rend compte que cette politique aboutit à une meilleure gestion et à des économies d'échelle. Prenons un exemple, qui est évident pour tous. Nous n'avons qu'un seul hôtel, pour la ville d'Amiens et pour l'agglomération. Nous l'avons décidé ainsi dans un souci de rationalité.

 

Prestations de services : nouvelle étape avec la loi Responsabilités locales

 

La loi du 13 août 2004 apporte à la coopération intercommunale un complément d'encadrement législatif. De nombreuses communautés se sont, en effet, engagées avec leurs communes membres dans des démarches expérimentales de mutualisation extrêmement variées, dans lesquelles un même service oeuvre autant pour une ou plusieurs communes que pour la communauté.
La loi du 13 août relative aux libertés et responsabilités locales a encore étendu la possibilité d'assurer des prestations de service. Commentant ce nouveau dispositif (1), l'Assemblée des communautés de France (ADCF) estime que "la principale originalité du dispositif" réside dans le fait que "l'exécutif de la structure bénéficiant de la mise à disposition adresse directement ses instructions au chef de service concerné". L'autorité fonctionnelle d'un service communautaire n'est donc plus le président de la communauté, mais le maire de la commune concernée. Sur ce point, estime l'ADCF, "la mise à disposition de services diffère nettement de la convention de prestation puisque dans ce dernier cas, les fonctionnaires concernés continuent de dépendre de la seule autorité fonctionnelle de l'exécutif de la structure prestataire". L'Assemblée conclut des expériences engagées qu'elles peuvent représenter des économies d'échelle et aboutir au renforcement de la cohérence de l'action publique locale.

(1) Ressources humaines intercommunales, octobre 2004, ADCF et CNFPT.

 

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