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Apprentissage : entre satisfecit gouvernemental et agacement régional

Muriel Pénicaud a présenté mardi 4 février les résultats de l’apprentissage en 2019, qui a progressé de 16% en an. "Une croissance jamais vue en France", que la ministre du Travail attribue à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Une appropriation que les régions refusent.  

Centres de formation des apprentis (CFA), chambres des métiers et de l’artisanat, maisons familiales rurales (MFR), Compagnons du Devoir, entreprises, représentants de branches professionnelles et de syndicats d’employeurs, jeunes en formation… il y avait foule mardi 4 février au matin au ministère du Travail pour assister à la présentation des chiffres de l’apprentissage en 2019 par Muriel Pénicaud.

Ces derniers ont enregistré "pour la première fois une progression à deux chiffres (+ 16%), une croissance jamais vue en France, qui concerne tous les secteurs d’activités, tous les niveaux de qualification et tous les territoires, notamment ruraux", a salué la ministre du Travail. "Quatre-vingt-seize départements sur cent connaissent un boom de l’apprentissage, ce qui nous amène à frôler la barre des 500.000 apprentis dans notre pays [ils étaient 485.000 au 31 décembre 2019, ndlr]. Le nombre de CFA a de son côté augmenté de 200 en un an."

En France métropolitaine, c’est la Corse qui enregistre la plus forte progression (+ 27,3%), suivie d’Auvergne-Rhône-Alpes (+ 23,8%), de l’Occitanie (+21,6%), des Pays de la Loire (+ 18,6%), de la Bretagne (+17,2%), tandis que dans les territoires d’Outre-Mer, la Guyane et la Guadeloupe affichent des hausses records (respectivement + 78,3% et + 55,8%). En Île-de-France, l’essor de l’apprentissage a été de 12,8%, deux points de plus que la Nouvelle-Aquitaine (+ 10,2%).

Un nouveau système

"Dans notre pays où le chômage des jeunes est si élevé depuis trois décennies et où une entreprise sur deux a du mal à trouver des compétences, cet enjeu [de l’apprentissage] est essentiel", a souligné la ministre, en saluant "l’énergie" des acteurs présents qui ont contribué à "la transformation de l’apprentissage depuis 18 mois". La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel "a modifié ou supprimé des règles anciennes qui bridaient inutilement le développement de l’apprentissage dans notre pays", a poursuivi Muriel Pénicaud, en énumérant tous les "freins à l’apprentissage" levés par ce texte : simplification des conditions d’exécution du contrat, limite d’âge relevée de 25 à 29 ans, possibilité d’entrée en apprentissage à tout moment dans l’année, simplification des conditions d’ouverture d’un CFA…

"Nous avons rebâti un nouveau système simple, centré uniquement sur les besoins du triangle de la réussite que sont les jeunes, les CFA et les entreprises, s’est félicitée la locataire de la rue de Grenelle. Ensemble nous avons transformé l’image de l’apprentissage qui était vu comme une filière d’échec et qui est aujourd’hui reconnue pour ce qu’elle est : une voie royale vers l’emploi."

Une réforme attendue

Des propos appuyés par les acteurs invités à s’exprimer aux côtés de Muriel Pénicaud. "Cette réforme nous l’avons voulue, nous l’avons obtenue après l’avoir longtemps demandée", a insisté Bernard Stalter, président de CMA France, qui fédère le réseau des chambres de métiers et de l’artisanat et forme les jeunes à 250 métiers. "Dans l’artisanat, il nous manque 700.000 emplois parce que nous n’avons jamais mené une vraie politique pour mettre en lumière l’apprentissage. Or aujourd’hui cette loi le permet, le nombre d’apprentis augmente, des entreprises ouvrent des CFA…"

De son côté, Roland Grimault, directeur des Maisons familiales rurales (MFR) dont les 430 établissements proposent des formations dans 20 secteurs d’activités, a souligné que le nombre d’apprentis avait progressé de 15% entre 2018 et 2019, sur l’ensemble de leurs formations et à tous les niveaux de qualifications. "Cela montre une appétence, un renouveau grâce à la loi sur l’apprentissage : nous faisons de l’alternance depuis plus de 80 ans et on voit que quelque chose a changé", a-t-il fait valoir, estimant que la principale réussite de la loi était d’avoir permis de mieux communiquer sur l’apprentissage. "Sans ce texte, nous n’aurions pas atteint une progression de 37% du nombre de nos apprentis en 2019, a renchéri  Jean-Claude Bellanger, secrétaire général des Compagnons du Devoir. Cela nous permet aussi de donner une autre image et de communiquer sur l’apprentissage comme étant une voie d’excellence."

Mécontentement des régions

La matinée du 4 février a également été l’occasion de faire un focus sur les nouvelles tendances de l’apprentissage dans des secteurs où il était moins développé jusqu’alors, qu’il s’agisse de celui des sports, du médicosocial ou encore des services.

Seule manquait à ce concert de louanges la voix des régions, qui n’ont pas manqué de se faire entendre à travers un communiqué diffusé en amont du rendez-vous ministériel : l’association Régions de France y dénonce "les mensonges de la ministre du Travail", déplorant qu’elle "s’approprie encore une fois des résultats obtenus grâce à l’action des régions, qui étaient en charge de cette compétence jusqu’au 31 décembre 2019". Et de rappeler qu’elles ont "financé l’apprentissage à hauteur de 9 milliards d’euros sur les 5 dernières années, dont près d’un milliard d’investissements" et ont aidé les apprentis (transport, hébergement, restauration, aides sociales, promotion de l’apprentissage) à hauteur de 350 millions d’euros sur les cinq dernières années.

 

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