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Formation - Apprentissage : l'Allemagne un modèle perfectible

Le modèle d'apprentissage allemand est plébiscité par les jeunes qui sont 60% à opter pour cette voie contre 15% pour la formation purement scolaire. Avec un taux de chômage des jeunes de 8%, ce modèle a de quoi séduire, indique le Centre d'analyse stratégique (CAS) qui propose de s'en inspirer notamment pour les niveaux les moins élevés.

Avec un taux de chômage des jeunes à 8,1% (chiffres de novembre 2012), l'Allemagne fait figure d'exception en Europe. De quoi faire pâlir d'envie la France qui a un taux trois fois plus important. Régulièrement, c'est vers le sytème de formation professionnelle initiale allemand que les regards se tournent, notamment vers la place accordée à l'apprentissage. Un sytème dit "dual" reposant sur une alternance entreprise-école qui débouche sur une activité professionnelle qualifiée au bout de trois ans en moyenne. 1,5 million de jeunes de moins de 25 ans sont ainsi en apprentissage Outre-Rhin, contre 433.000 en France où l'objectif est de passer à 500.000 d'ici à 2017. Dans une note intitulée "Formation professionnelle initiale : l'Allemagne est-elle un modèle pour la France ?", publiée le 26 février 2013, le CAS répond par l'affirmative mais apporte des nuances. Le conseil invite d'emblée à ne pas trop s'arrêter aux chiffres puisqu'aux apprentis français, il faudrait aussi ajouter les jeunes en lycées professionnels (quelque 694.000 en 2010) qui passent entre trois et quatre mois et demi en milieu professionnel, et ceux qui sont en contrats de professionnalisation (187.000 en 2010), soit 1,3 million de jeunes au total dans ces modes de formation. L'une des grandes différences tient à la durée des formations : le contrat de formation duale dure environ trois ans, contre un an et demi pour l’apprentissage français.
Autre grande différence : la qualité de cette formation et son image auprès des jeunes. 60% des moins de 20 ans choisissent cette voie, alors que 15% à peine passent par une formation purement scolaire... 
En revanche, les deux pays partagent la même difficulté avec les moins qualifiés. "Le problème structurel relatif à l’intégration des jeunes peu ou non qualifiés n’a, comme en France, pas été fondamentalement résolu", tempère le CAS. Dans les deux pays, le taux de rupture est inversement proportionnel au niveau de qualification. Le taux de rupture de contrats en Allemagne s'élève à 36,3% sans certificat de fin d'études en "Hauptschule"*, 30,8% avec le certificat. Avec le certificat de fin d'études en "Realschule"*, le taux tombe à 19,6%, et avec le diplôme d'accès à l'enseignement supérieur, à 12,9%. En France, la proportion atteint 22% lorsque le diplôme préparé est de niveau V (BEP), et descend à 8% pour les apprentis de l'enseignement supérieur…

Des tuteurs externes, voire bénévoles

Pour tenter d'améliorer le système d'apprentissage français, qui doit encore subir des changements avec la loi sur l'apprentissage en préparation pour juin 2013, le CAS fait quatre propositions. La première : renforcer l'accompagnement des apprentis, et notamment de ceux qui ont les niveaux les plus faibles. "Différentes pistes sont actuellement en débat pour renforcer le financement des niveaux IV et V", précise la note, en citant le fléchage de la taxe d'apprentissage vers ces niveaux, le renforcement de l'abondement par les régions de leur financement pour ces niveaux à travers les différents outils de contractualisation dont elles disposent, ou encore la modulation de l'exonération des charges patronales en fonction des niveaux pour lesquels les apprentis sont engagés, en favorisant les premiers niveaux de qualification. Au-delà de ces pistes, le CAS propose donc de mieux accompagner les jeunes en diversifiant cet accompagnement. Le recours à des tuteurs externes, voire des tuteurs bénévoles (des retraités par exemple) pourrait ainsi être envisagé.
Mettre au point une démarche qualité de l'apprentissage, à l'image de ce que développe la région Ile-de-France, paraît également être une piste envisageable. Dans cette région, un projet de démarche qualité pour l'apprentissage a été élaboré. Il insiste particulièrement sur l'articulation entre les formations au centre de formation des apprentis (CFA) et le travail réel des jeunes en entreprise. Les premiers retours de ce chantier sont plutôt bons : un taux de rupture de 13% a été observé dans les groupes concernés par les projets qualité, contre 20% en moyenne pour les CFA. Plus de 1.500 ruptures ont ainsi pu être évitées sur un effectif de 22.000 jeunes. 
Autre proposition du CAS : tester la possibilité pour des entreprises de s'associer pour accueillir un apprenti "en association". En gros, les entreprises auraient un centre commun de formation et elles pourraient faire circuler les apprentis d'une entreprise à l'autre. Enfin, le CAS propose de mieux reconnaître et valoriser les compétences des maîtres d'apprentissage, à travers la validation des acquis de l'expérience (VAE) et de développer les initiatives franco-allemandes de mobilité des apprentis.

* L' "Hauptschule est l'établissement dans lequel les élèves se rendent pendant cinq ans et à l'issue duquel ils s'engagent généralement dans la formation professionnelle. La "Realschule" se situe quant à elle entre la Hauptschule et le lycée. Les élèves y vont six ans et reçoivent une éducation générale plus complète. Après quoi, ils intègrent une école professionnelle spécialisée ou un lycée d'enseignement technique.