Après les Ehpad, le gouvernement va contrôler les établissements pour personnes handicapées
Le plan de contrôle lancé en 2022 a permis d'inspecter la quasi totalité des 7.500 établissements accueillant des personnes âgées. Après les Ehpad, le gouvernement va contrôler les établissements pour personnes handicapées accueillant des enfants et les structures avec hébergement, a annoncé ce jeudi 27 mars la ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap, Charlotte Parmentier-Lecocq.

© @lecocqcharlotte/ Présentation des résultats du plan de contrôle des EHPAD 2022-2024 par Charlotte Parmentier-Lecoq
Trois ans après le scandale Orpea, à l'issue d'un vaste plan de contrôles, le gouvernement estime que la grande majorité des Ehpad ne posent pas de problèmes majeurs. Lancé en 2022, ce plan a permis d'inspecter la quasi totalité (96%) des 7.500 établissements accueillant des personnes âgées en France, a indiqué ce jeudi 27 mars la ministre de l'Autonomie et du Handicap, Charlotte Parmentier-Lecocq. Près de 90% des contrôles n'ont débouché sur aucune "injonction", mesure corrective liée à un risque grave, a-t-elle précisé lors d'une conférence de presse à Paris. A l'inverse, environ 11% des établissements ont été considérés en situation dégradée.
Au total, 55 sanctions administratives ont été prises : 11 cas de fermeture définitive d'activité totale ou partielle pour dysfonctionnements mettant en danger les résidents, neuf cas de suspension provisoire notamment pour insuffisance de professionnels qualifiés et 35 cas de mise sous administration provisoire. Quarante cas ont été signalés au procureur de la République. Sur l'ensemble des contrôles effectués, un tiers a été réalisé sur site, les deux-tiers sur pièces.
"Un suivi a été effectué, maintenant on reste en veille, en vigilance", a assuré la ministre, précisant qu'un "système d'information serait disponible" en janvier 2026 afin d'alerter de manière plus fluide les autorités "en cas de risque ou de maltraitance". S'il y a eu des problèmes dans certains", les Ehpad "accompagnent, dans leur très grande majorité, bien nos aînés", avec des "professionnels vraiment dévoués", a insisté Charlotte Parmentier-Lecocq. "C'est parfois difficile pour les familles d'oser poser des questions, interpeller des professionnels ou la direction de l'Ehpad", a-t-elle ajouté. "Il faut vraiment que les familles se sentent libres de pouvoir poser toutes les questions qu'elles veulent, ou de faire remonter les problèmes qu'elles perçoivent, et ça, ça doit se jouer au sein de l'Ehpad." "Cette confiance est importante à restaurer parce qu'on a besoin des Ehpad et on a besoin des professionnels qui y travaillent" au vu des "besoins "exponentiels" des prochaines décennies liés au vieillissement de la population.
Pour y faire face, le gouvernement a budgété l'embauche de 6.500 équivalents temps plein (ETP) en 2025 et réaffirmé son objectif de 50.000 ETP supplémentaires en France d'ici à 2030. Pour apporter "un souffle financier" aux Ehpad, le fonds d'urgence dédié aux établissements en difficulté a été porté de 100 millions à 300 millions d'euros, a rappelé Charlotte Parmentier-Lecocq, précisant que les critères de répartition de ces financements étaient en train d'être examinés. Le gouvernement travaille parallèlement à "identifier de nouvelles pistes"de financement pour les Ehpad", qui accueillent plus de 600.000 résidents et qui sont ressortis exsangues du Covid-19, du scandale Orpea et de l'inflation. "On n'est pas dans une projection à ce stade d'une nouvelle loi de programmation grand âge" mais "l'engagement budgétaire est bien présent", a-t-elle assuré.
Après les Ehpad, le gouvernement entend désormais passer au gril les établissements pour personnes handicapées. "Ce que l'on souhaite c'est cibler" les structures "où il peut y avoir plus de risques donc nous allons d'abord cibler les établissements qui concernent les enfants et les établissements avec hébergement", a-t-elle ajouté, précisant que l'objectif était de contrôler 500 établissements d'ici la fin de l'année. "Il s'agit de la même logique que le plan de contrôle des Ehpad, voir toutes les structures, mais en faisant davantage de contrôles sur site". Ce plan de contrôle dans les établissements et services médicosociaux pour personnes en situation de handicap démarre "pour une durée d’au moins trois ans", précise le ministère.
Évoquant les actions prioritaires pour cette année, Charlotte Parmentier-Lecocq a par ailleurs mentionné plusieurs points : "l’extension aux champs de l’autonomie et du grand âge du contrôle des antécédents judiciaires, déjà déployé dans la protection de l’enfance" ; la question de la mise en œuvre effective du droit de visite, sachant qu'une instruction sera publiée pour "faciliter l’exercice de ce droit et rappeler les voies de recours" ; l'enjeu de "la communication de la part de personnes en situation de handicap" par le déploiement de la "communication alternative et adaptée" avec, là encore, une instruction, qui viendra rappeler aux établissements leur obligation "d’accompagner l’accès à la communication et de renforcer la présence d’outils CAA en leur sein".
Handicap : comment transformer l'offre médicosociale ?Trois jours plus tôt, lundi 24 mars, Charlotte Parmentier-Lecocq se voyait remettre le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) consacré à la transformation de l’offre médicosociale dans les établissements et services accueillant des personnes en situation de handicap. Ce rapport a été élaboré suite à la Conférence nationale du handicap (CNH) d'avril 2023 qui avait lancé le plan "50.000 solutions" et acté la nécessité d'une telle transformation afin de passer "d'une logique de places à une logique d'offre de services coordonnés" (voir notre article). Tel est précisément le principal axe de ce rapport : il s'agit désormais de proposer "une offre modulaire, qui séquence plusieurs modes d'intervention professionnelle (hébergement, accueil de jour, intervention en milieu ordinaire) et adapte leur intensité dans le temps aux besoins et attentes de la personne". Ou comment, pour une personne handicapée, accéder, "au sein d'un même établissement" ou auprès d'un même organisme gestionnaire, à "la palette complète des différents modes d'accueil et d'accompagnement". Une modularité loin d'être évidente au vu du cloisonnement actuel entre les différentes catégories d'ESSMS. Il s'agirait donc de "mettre en extinction" ces catégories d'ici 2030, "au profit d'une "catégorie transversale unique". Cela pourrait se faire par regroupements des ESSMS d'un même territoire. Les structures, explique l'Igas, exerceraient à terme une "responsabilité populationnelle territorialisée (…) assortie d'une fonction 'ressources'". Cette "trajectoire vers des structures moins cloisonnées (…), comme la territorialisation des interventions impliquent de tendre vers une gouvernance publique coordonnées à l'échelle départementale avec un schéma unique reposant sur un diagnostic partagé des besoins", soulignent les auteurs du rapport. Et impliquerait aussi naturellement une réforme du financement, sachant que la réforme envisagée dans le cadre du projet "Serafin-PH" pourrait converger avec cet objectif. Dans un communiqué diffusé suite à la remise de ce rapport, le ministère de l'Autonomie et du Handicap dit s'engager à "poursuivre les échanges" avec les ARS et la CNSA pour "intégrer ces préconisations" dans la réforme tarifaire Serafin-PH, à "examiner les impacts juridiques et économiques des propositions, en s’inspirant des modèles existants à l’international" et à "renforcer les outils d’accompagnement des établissements médicosociaux, notamment via des fonds d’appui complémentaires estimés à 500 millions d’euros d’ici 2030". Les recommandations du rapport seront en tout cas "discutées lors du Comité de pilotage national de la transformation de l’offre médico-sociale, prévu le 30 avril prochain". C. Mallet |