Ardennes : la communauté de communes des Crêtes cultive l'art du consensus

Regroupant pas moins de 93 villages, la communauté de communes des Crêtes préardennaises serait ingérable sans les commissions de concertation qu'elle a créées au niveau de chaque canton. Un exemple de bonne gouvernance pour les groupements de communes appelés à fusionner.

Lors de sa venue en mars 2002, l'ancien ministre de la Fonction publique Michel Sapin l'avait remarqué : la communauté de communes des Crêtes préardennaises "ne manque pas d'originalité". Avec pas moins de 93 communes rurales sur un cinquième du département des Ardennes, elle appartient à la catégorie des intercommunalités de projets, arrivées à une taille critique pour certains élus, mais considérées par d'autres comme des "mastodontes". Quand les 114 délégués des communes siègent au conseil de communauté, il est en effet périlleux d'organiser un débat et un vote. Certes, les délégués désignent un bureau où se réunissent, une fois par mois, seulement 22 d'entre eux. La prise de décision est ainsi plus aisée, mais les autres délégués n'ont alors plus leur mot à dire.
Confrontée, donc, à la question de la représentation de chacune des communes, la communauté a décidé de créer sept commissions sur la base du territoire des cantons*. Trois fois par an, les délégués de ces cantons se retrouvent en commissions pour évoquer les projets de la communauté et préparer le budget. Pas plus d'une vingtaine, ils organisent leur réunion, tour à tour dans une commune du canton, sans devoir se déplacer très loin. "Les commissions sont la seule instance où un vrai débat peut s'instaurer", souligne le directeur de la communauté de communes, François Squevin.

Un "tour de chauffe" aux élections

"Le système fonctionne sur la base du consensus", analyse de son côté Jean-Claude Nemery, professeur et directeur du Centre de recherche et de documentation administratives sur la décentralisation territoriale à l'université de Reims et lui-même délégué à la communauté de communes : "Tant que les commissions n'ont pas entériné un projet, celui-ci n'est pas soumis au conseil de communauté. Le bureau est alors obligé de retravailler le dossier." Lors du vote final en conseil de communauté, des majorités nettes se dégagent et, même, il est possible que les décisions soient prises à l'unanimité.
Les commissions servent également à préparer les élections au bureau lorsque celui-ci doit être renouvelé. Les délégués présentent leur candidature dans les commissions cantonales, lesquelles procèdent à un vote de principe. Des "primaires" en quelque sorte, avant le vote en conseil.
Sur les huit conseillers généraux élus dans les cantons de la communauté de communes, quatre ne cumulent pas leur mandat avec la fonction de délégué communal. Tous sont pourtant conviés, non seulement aux travaux du conseil de communauté, mais aussi, dans leurs cantons respectifs, aux réunions des commissions cantonales. Interlocuteurs des communes auprès du conseil général des Ardennes, ils sont ainsi mieux informés sur les projets en discussion, notamment pour soutenir les demandes de subventions. Ils peuvent aussi assister aux réunions du bureau, sans toutefois y avoir de voix délibérative.

Un modèle pour les EPCI en voie de fusion ?

En outre, avec son président René Chevalier, la communauté de communes possède un puissant relais auprès du conseil général, dont il est le vice-président. Entre les Crêtes préardennaises et le département, le courant passe... Pour autant, ce dernier n'a pas inscrit l'encouragement de l'intercommunalité dans ses priorités. Et même si les Ardennes présentent une relative diversité, il n'a pas non plus "territorialisé" ses politiques. Les dossiers de subventions continuent donc à être traités "au coup par coup". Dans ce contexte, l'intérêt d'associer les conseillers généraux aux politiques de la communauté de communes est accru.
Le mouvement de fusion des établissements publics de coopération intercommunale pourrait prendre de l'ampleur ces prochaines années. Certaines communautés de communes, trop petites en effet, ont besoin d'acquérir une taille critique pour mobiliser des ressources humaines et financières. Le gouvernement y est favorable. Le projet de loi sur les responsabilités locales tend d'ailleurs dans son article 102, à introduire le principe de "fusion" des EPCI, actuellement absent de la législation. Pour les groupements de communes en passe de s'élargir, la formule choisie par les crêtes préardennaises offre une solution au dilemme opposant la représentation des communes à la capacité à gouverner.

* Six commissions réunissent les délégués d'un même canton. La septième s'organise sur la base d'un canton auquel est rattachée une commune limitrophe.

Thomas Beurey / EVS Conseil pour Localtis

Communauté de communes et pays des Crêtes : des liens très forts

Parce qu'ils possèdent un périmètre quasi-identique, la communauté de communes et le pays des Crêtes travaillent en synergie.

En juin 2001, le pays des Crêtes sort de terre. Les cinq commissions mises en place (jeunesse, développement économique, services à la population, gestion des espaces naturels et ruraux, tourisme et identité culturelle) associent la société civile (acteurs associatifs et socioprofessionnels, citoyens) au développement local. Le périmètre du pays, adopté par la Conférence régionale à l'aménagement et au développement du territoire (CRADT), est presque identique à celui de la communauté de communes. Il faut seulement y ajouter deux communes. Conséquence : "Les projets du pays ont souvent pour maître d'ouvrage la communauté de communes. Comme nous avons les mêmes compétences, nous mutualisons notre personnel. Nous faisons ainsi des économies d'échelle", explique son directeur, François Squevin. Le pays des Crêtes sera doté d'un contrat avant les élections cantonales et régionales de mars 2004, précise pour sa part le président de la communauté de communes René Chevalier.

"Les commissions permettent de prendre la température"

René Chevalier est président de la communauté de communes des Crêtes préardennaises et vice-président du conseil général des Ardennes.

"J'assiste aux réunions de chacune des commissions cantonales, ce qui en fait au total vingt et une. Cela me permet de vraiment connaître tous les délégués et de prendre la température dans les cantons. Les réunions des commissions ont lieu un jour dans une commune, la fois suivante dans une autre commune. Grâce aux commissions, il est plus aisé de comprendre les réticences vis-à-vis d'un projet et de l'expliquer. Il est aussi plus facile aussi de responsabiliser les 118 délégués des communes. Il faut que chacun se sente impliqué. Cela représente, il est vrai, beaucoup de réunions, mais c'est nécessaire. C'est d'ailleurs très apprécié des élus. Récemment, nous avons également mis en place un déjeuner qui réunit les vice-présidents de la communauté de communes et les conseillers généraux".

Fiche d'identité de la communauté de communes des Crêtes préardennaises

Date de création : 1996.
Superficie : 960 km2.
Localisation : au sud-ouest de Charleville-Mézières (département des Ardennes).
Population : 20.000 habitants.
Nombre de communes : 93.
La communauté de communes regroupe sept cantons et une partie d'un huitième canton. Elle n'a pas de bourg-centre.
Compétences obligatoires : développement économique, aménagement de l'espace.
Compétences optionnelles : logement et cadre de vie, petite enfance, jeunesse, collecte et traitement des ordures ménagères.
Siège : mairie de Saulces-Monclin.
Président : René Chevalier, vice-président du conseil général des Ardennes et maire de Poix-Terron.
Nombre de délégués des communes : 118 (les communes de moins de 400 habitants ont un délégué, celles de 400 à 700 habitants en ont deux ; celles qui ont plus de 700 habitants en ont trois).

Instances :

Le conseil de communauté (114 délégués et 4 conseillers généraux non délégués) se réunit trois ou quatre fois par an.
Le bureau (22 délégués auxquels se joignent les 4 conseillers généraux non délégués) se réunit une fois par mois. Y siègent les présidents et vice-présidents des commissions cantonales.
Les délégués des communes se retrouvent deux ou trois fois par an au sein des sept commissions cantonales. Au sein de chaque commission sont élus un président délégué et un à quatre vice-présidents (selon le nombre de délégués).

Aller plus loin sur le web :


Ancien site internet de la communauté de communes
http://perso.wanadoo.fr/cretes.preardennaises/index2.htm
 
Nouveau site en construction
http://www.cc-cretes-preardennaises.com
 
Le site de l'office du tourisme du pays des Crêtes préardennaises
http://www.paysdescretes.com
 
Le Centre de recherche sur la décentralisation territoriale (CRDT) de l'Université de Reims, dirigé par Jean-Claude Nemery
http://www.univ-reims.fr/Labos/CRDT/Projet

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