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Armement des polices municipales : le ministère de l'Intérieur veut laisser le choix aux maires

Le ministère de l'Intérieur vient de se prononcer contre la généralisation de l'armement des polices municipales. C'est la première prise de position depuis la publication du rapport Thourot-Fauvergue qui préconisait cette généralisation. Quant à la concertation qui devait suivre la publication du rapport, elle se fait toujours attendre... 

C’est un contre-pied par rapport au rapport Thourot-Fauvergue remis au Premier ministre le 11 septembre : le ministère de l’Intérieur vient de se prononcer contre la généralisation de l’armement des polices municipales. "Une évolution vers un armement obligatoire des policiers municipaux constituerait une limitation significative du pouvoir d'appréciation du maire en fonction des circonstances locales", indique-t-il dans une réponse datée du 16 avril à une question écrite du député Bruno Bilde (Non inscrit, Pas-de-Calais). "Il est essentiel que les maires soient en mesure de décider d'armer ou non leur police municipale, en considération des missions qu'ils confient aux policiers municipaux, des priorités qu'ils fixent et de la doctrine d'emploi qu'ils définissent", poursuit-il.

Cette prise de position était attendue depuis le rapport des deux députés LREM Alice Thourot (Drôme) et Jean-Michel Fauvergue (Seine-et-Marne) intitulé "D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale". Parmi 78 propositions, les députés préconisaient de renverser le statu quo qui prévaut depuis des années : rendre l’armement obligatoire sauf décision motivée du maire. Une option toujours rejetée par les différents ministres de l’Intérieur, et par l’Association des maires de France qui s’arc-boute derrière le principe de libre administration des collectivités.

À la suite de cette publication, le Premier ministre - sans se prononcer - avait demandé au ministre de l’Intérieur de conduire une concertation "avec, notamment, les représentants des élus, des polices municipales, des gardes champêtres et des entreprises de sécurité", et ce "afin de préciser dès la fin de l’année les suites opérationnelles" à donner au rapport, notamment sur les propositions nécessitant des adaptations législatives, telles que l’armement des polices municipales. Une concertation qui, depuis lors, se fait attendre. Car, entre-temps, le ministre de l'Intérieur a changé et Christophe Castaner s'est donné un semestre supplémentaire.

La prise de position du ministre de l’Intérieur va à l’encontre de la grande majorité des syndicats de police municipales, favorables à la généralisation, à l’exception de Sud collectivités qui vient de faire son entrée au sein de la Commission consultative des polices municipales. "Le ministère renvoie la responsabilité aux maires sans prendre de décision, sans se montrer plus proactif que ses prédécesseurs, je ne suis pas surpris", commente Fabien Golfier, de la FA-FPT pour qui "rédiger le texte à l'envers, en faisant en sorte que le maire explique son choix de ne pas armer sa police n'a rien d'insurmontable". "Aujourd'hui, les élus peuvent se retrancher derrière le fait qu'ils n'en ont pas l'obligation."

Un régime assoupli depuis 2016

Le ministère s’en explique. "Une telle évolution ne serait pas neutre dans le positionnement et l'identité de la filière de police municipale, par rapport aux forces de sécurité de l'État", argue-t-il, rappelant que le régime de l’armement a été assoupli dans le contexte des attentats : la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste a en effet supprimé l’examen préalable des circonstances et de la nature des interventions des policiers municipaux comme condition de l’autorisation du préfet. Puis une circulaire du 23 juillet 2016 a confirmé que les préfets n'étaient "plus fondés à refuser une autorisation de port d'armes au seul motif des circonstances locales que constituent, par exemple, le niveau de la délinquance, l'importance de la commune, ou encore la nature des interventions de la police municipale de cette commune". "Aucun obstacle substantiel" ne peut donc être opposé au maire qui souhaiterait armer sa police, fait ainsi valoir la place Beauvau. D’ailleurs, dans les faits, la généralisation est en bonne voie. En 2015, le ministère de l’Intérieur avait donné un coup de pouce en mettant des armes à dispositions des mairies, dans le cadre d’un accord passé avec l’AMF. Si bien qu’en 2017, le Centre national de la fonction publique territoriale avait indiqué que le seuil des 50% de polices armées avait été franchi. Quelques maires de grandes villes sont encore rétifs à l'idée d'armer leur police. Anne Hidalgo a d'ores et déjà fait savoir que la future police municipale qui entrera en service en 2020 dans la capitale ne serait pas armée. À Nantes, théâtre d'une série de fusillades depuis quelques jours, la polémique a été relancée par l'opposition. "La ville, qui était jusqu'ici relativement calme, est en train de se transformer en champ de tir. Que se passera-t-il si un policier municipal passe par là, au moment d'un échange de coups de feu ?", prévient Fabien Golfier.