Artois Comm. (62): une communauté d'agglomération à contre-courant

Située aux portes de l'agglomération lilloise, Artois Comm. connaît des débuts difficiles. Marquée par de fortes disparités territoriales, l'héritage du bassin minier et l'absence d'un pôle urbain central, l'agglomération peine encore à mobiliser élus, citoyens et acteurs économiques.

Pendant trois jours, fin septembre, la communauté d'agglomération Artois Comm. (Pas-de-Calais) a fait la fête, à l'instigation de son président, Alain Wacheux, maire de Bruay-La Buissière. Le programme était riche de tables rondes, d'ateliers, de spectacles... Mais le coeur y était-il vraiment ? Des absences ont marqué le déroulement de cette première grande manifestation de l'établissement public de coopération intercommunale. En premier lieu et dans une large mesure, celle des habitants de l'agglomération, pourtant cibles premières de l'initiative. Sûrement parce que cette entité communautaire vient de loin. Elle tire sa substance d'un ancien district, mais aussi d'un enchevêtrement de soixante structures intercommunales, des syndicats mixtes pour la plupart. "Certaines collectivités étaient adhérentes de deux établissements à fiscalité propre, à savoir le district et une communauté de communes", s'étonne Gaston Drolez, directeur des services d'Artois Comm. Un manque d'identification claire pour les habitants, renforcé par une désolidarisation de certains élus. Les absences de Jacques Mellick, maire de Béthune, et celle de Jacques Villedary, président de la communauté de communes de Noeux-les-Mines, illustrent combien il sera difficile pour cette nouvelle intercommunalité de s'affirmer en termes d'identité et de gouvernance.

Absence d'un pôle urbain majeur

L'appel du préfet au regroupement, lancé en 2000, s'est donc heurté à un combiné de résistance et d'inertie. Ce n'est que le 1er janvier 2002 que 58 communes, fortes de 209.000 habitants, y ont répondu. La communauté d'agglomération ainsi constituée, des portes de la Flandre aux rives de l'Arrageois, est l'une des plus vastes de France. Mais sa continuité géographique est rompue par la "bande à part" de Noeux-les-Mines et de ses voisines. Sa cohérence territoriale souffre aussi d'écarts entre secteurs industriels et espaces agricoles, et du manque d'un pôle urbain majeur. "Ce qui prime chez nous... c'est la diversité", est bien obligé de constater Alain Wacheux.
Pour autant, l'agglomération, qui occupe l'extrémité ouest de l'ancien croissant minier du Nord-Pas-de-Calais, s'inscrit bien dans la problématique de reconversion de ce bassin. Une population vieillissante, aux revenus faibles, un taux de chômage élevé (11,5%) et peu d'esprit d'entreprise, des séquelles importantes de l'exploitation charbonnière... Mais aussi des disponibilités foncières, des efforts de formation payants, de nouvelles activités durablement installées. "Les enjeux du développement local sont clairement identifiés, indique Yves D'hau-Decuypère, directeur de la mission Bassin minier, financée par l'Etat et la région. Il faut travailler à l'employabilité des habitants, à l'accessibilité du territoire, à sa qualité résidentielle, favoriser la mixité urbaine et améliorer la santé publique."

Miser sur la proximité avec l'agglomération lilloise

Ces axes se retrouvent dans le projet de territoire adopté cette année par Artois Comm. Le conseil de développement de l'EPCI a participé à son élaboration et a apprécié de pouvoir se faire entendre. "90% de nos propositions ont été retenues, relève Daniel Hallez, président de l'instance et par ailleurs président de la jeune chambre économique locale. Il nous reste à veiller à la cohérence dans la déclinaison des orientations." Toujours ce même souci de tenir un cap. Si les socio-professionnels se réjouissent d'une volonté de travail collectif chez les élus, l'intercommunalité ne leur apparaît pas encore tout à fait calée sur ses rails. Jacques Mellick, réélu maire trois mois après la naissance d'Artois Comm., ne cache pas son envie de diriger un jour la communauté d'agglomération. L'exécutif actuel ne semble pas déstabilisé par cette perspective. A un éventuel recentrage sur Béthune, le président Alain Wacheux préfère une inscription dans "l'aire urbaine" de la métropole lilloise, distante de quelques dizaines de kilomètres seulement.
Jean-François Caron, élu du bassin minier comme lui et pilote du schéma d'aménagement régional, confirme : "La relation à la capitale régionale est la question-clé des prochaines années pour Béthune-Bruay et pour tout le bassin. Nous avons le choix entre trois postures : regarder Lille se développer, subir sa domination ou enclencher avec elle une démarche de coopération."


Bertrand Verfaillie / Innovapresse Lille pour Localtis
 

"Chacun doit s'efforcer d'accéder à une culture intercommunale, différente de la somme des réalisations communales"


Alain Wacheux, 48 ans, maire de Bruay-La Buissière, est président d'Artois

Comm. Il incarne un état d'esprit nouveau dans le bassin, tout en restant attaché à la culture minière, dont son père a été l'un des hérauts.

Existe-t-il un sentiment d'appartenance à la communauté d'agglomération ?

Cette agglomération doit encore trouver son identité et la faire accepter par sa population. Il y a peu, sur ce territoire, les structures s'ignoraient et les gens ne se connaissaient pas entre eux. Pour développer le sentiment d'appartenance, il faut s'appuyer sur nos patrimoines : naturel, bâti, culturel, historique. Les gérer, les valoriser et communiquer à partir des valeurs qu'ils représentent.

Comment gouverner ce territoire ?

L'agglomération est partie prenante de nombreuses démarches de développement et reconnue à l'échelle régionale. Je sais que certains maires sont impatients et réclament des traductions concrètes chez eux. Mais chacun doit s'efforcer d'accéder à une culture intercommunale, qui se différencie de la somme des réalisations communales.

Disposez-vous des outils nécessaires ?

Nous n'avons guère de marge de manoeuvre financière. Notre tissu économique n'est pas florissant et notre taux de TPU, à 14,37%, est le plus faible du bassin. S'agissant des outils, nous avons lancé les études préalables à la création d'une agence d'urbanisme. Je voudrais qu'on réfléchisse bien à son ancrage. Le périmètre de l'agglomération est-il pertinent ? Ne faut-il pas concevoir une agence qui travaille aussi sur les territoires de Lens-Liévin et Hénin-Carvin, en lien avec les acteurs de Lille-Métropole ?


 


 Paysage d'Artois


 

La communauté d'agglomération Artois Comm. s'ordonne autour de Béthune (28.500 habitants) et Bruay-La Buissière (24.500 habitants). La moitié de ses 58 communes compte moins de 2.000 habitants.

Le budget de l'EPCI est de 220 millions d'euros. L'effectif est d'environ 400 personnes, venant pour la plupart des anciennes structures intercommunales.
Ses compétences portent sur : le développement économique, technologique et universitaire, l'équilibre social de l'habitat et la politique de la Ville, les transports urbains et scolaires, l'environnement et l'élimination des déchets, l'aménagement rural, le tourisme, la gestion d'équipements sportifs et culturels, le traitement des eaux usées, la lutte contre les inondations, l'accueil des gens du voyage, le service d'incendie et de secours, le refuge pour animaux.
Artois Comm. a créé un syndicat mixte pour la réalisation d'un Scot (schéma de cohérence territoriale). Jacques Mellick, maire de Béthune, le préside.

La communauté de communes de Noeux-les-Mines et environs (CCNE) rassemble la ville sus-nommée et cinq villages : Labourse, Fouquereuil, Fouquières-lez-Béthune, Drouvin-le-Marais, Vaudricourt (18.000 habitants au total). Cette instance est l'héritière d'une communauté fondée en 1992. Son président pose comme préalable à tout rapprochement avec Artois Comm. la "désimbrication" des compétences et des propriétés des deux organismes.

Communauté d'agglomération de l'Artois, Artois Comm.

Hôtel communautaire - 100, Avenue de Londres - BP 548
62411 Bruay-la-Buissière cedex
contact@agglo-artoiscomm.fr

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