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Associations : "Les financements publics ont pour la première fois baissé en volume"

Présentés et commentés le 11 juin devant des responsables de l'économie sociale et solidaire, les résultats de la dernière enquête sur le "paysage associatif" en 2017 permettent de confirmer certaines tendances lourdes, dont la baisse des financements publics et la fragilisation des associations de taille intermédiaire. Alors que le mécénat est devenu dans ce contexte une variable d'ajustement décisive dans certains secteurs, le secrétaire d'État Gabriel Attal a tenté de rassurer les acteurs sur le régime fiscal du don, tout en esquissant quelques pistes d'évolution. 

Réalisée une fois tous les six ans, l'enquête sur le "paysage associatif français" permet de dresser un panorama économique global des associations et d'appréhender les grandes tendances, avec en particulier des données très attendues sur les ressources financières. Portant sur des données de 2017, la dernière édition a été conduite en 2018 auprès de quelque 7.400 associations, par l'intermédiaire de communes et intercommunalités sollicitées pour relayer le questionnaire. Chargée de recherche au CNRS en charge de l’enquête, Viviane Tchernonog a eu l'occasion d'en présenter les principaux résultats le 11 juin, à l'invitation de la fondation Crédit coopératif, partenaire de l'enquête.

Les subventions dans les ressources associatives : 34% en 2005, 20% en 2017

Principal enseignement : la forte évolution des ressources des associations. "Les financements publics ont pour la première fois baissé en volume", entre 2006 – date de la précédente enquête – et 2017, avec une baisse de 0,2% en moyenne par an, a indiqué la responsable de l'enquête. Cette évolution est d'abord liée à une progression moindre des commandes publiques (+ 1,3% par an entre 2011 et 2017) par rapport à la période précédente, se traduisant par une stabilisation de la part de ces commandes publiques dans les ressources des associations (24% en 2017 comme en 2011, alors que cette part était de 17% en 2005). Mais le bouleversement est surtout le fait d'une forte diminution des subventions (- 1,7% par an), ces dernières ne représentant plus en 2017 que 20% des ressources, alors qu'elles constituaient 25% de l'ensemble en 2011 et 34% en 2005.

En contrepartie, "les ressources privées ont augmenté à un rythme très rapide", a présenté Viviane Tchernonog. Les associations comptent désormais d'abord sur les participations des usagers (42% des ressources en 2017, contre 36% en 2011), mais aussi sur les dons et le mécénat (5% en 2017) et les cotisations (9% en 2017). "De plus en plus, le service associatif s'achète", a observé la chercheuse, insistant sur la rapidité du changement concernant la participation des usagers. Quant aux dons et au mécénat, si leur part peut paraître faible, ils constitueraient "aujourd'hui une ressource essentielle dans certains secteurs d'activité" tels que l'humanitaire, la défense des droits, la culture ou encore le sport.

Vers une disparition des associations de taille intermédiaire ?

Malgré ces bouleversements financiers, les associations résistent globalement, avec un budget de l'ordre de 113 milliards d'euros en 2017, soit une augmentation annuelle de 1,6% depuis 2011. Viviane Tchernonog y voit toutefois un "retournement de tendance" puisque cette hausse, corrigée de l'inflation, serait davantage pour elle une "stabilisation du poids économique du secteur associatif", alors qu'on observait auparavant "un fort développement de l'emploi salarié".

Une évolution qui irait de pair avec la stagnation du nombre d'associations employeuses (+ 0,3% par an entre 2011 et 2017), alors que les associations sans salarié ont augmenté rapidement (+ 2,8% par an). Le rythme de création de ces associations sans salarié (quelque 70.000 par an) et la hausse des participations bénévoles (+ 4,5% par an) sont des "signes positifs d'une société qui s'engage beaucoup", a commenté la chercheuse.

Elle observe toutefois une polarisation du fait associatif, entre ces petites structures reposant uniquement sur le bénévolat et de très grosses associations mettant souvent en œuvre des politiques publiques. "Les grandes associations, gérant un budget supérieur à 500.000 euros, ont vu leur nombre relatif baisser dans la dernière période de 2,1% mais leur poids économique augmenter de 1,9%", peut-on lire dans la synthèse de l'étude. Liée notamment à "l'augmentation continue des commandes publiques", cette "concentration croissante" a pour corollaire la fragilisation des associations de taille intermédiaire (avec une baisse simultanée du budget et du nombre de structures). Viviane Tchernonog alerte sur cette "disparition tout à fait regrettable" d'associations "très ancrées dans les territoires".

Le "paysage associatif de demain" ? Le grand flou

Au final, "les transformations qui sont intervenues ont pu ébranler les fondamentaux du secteur", a conclu la chercheuse. Avec, selon elle, une "mise en cause des fonctions de cohésion sociale, de solidarité et de la capacité à innover". Et également une équation difficile à résoudre pour les associations implantées dans des "territoires pauvres, en déclin, vieillissants", aux ressources limitées mais aux besoins croissants.

"Le monde associatif a su sacrément s'adapter", a de son côté relevé Hugues Sibille, président de la fondation Crédit coopératif, préférant voir le verre à moitié plein. Il a appelé les associations à se reconfigurer au sein de modèles économiques par secteur ou filière, à ne "pas avoir peur" de devenir des "entreprises associatives".

Les associations devront-elles fonctionner à l'avenir avec toujours moins de ressources publiques ? Entre les lignes, la question a été posée à différents intervenants lors d'une séquence sur le "paysage associatif de demain". "La diversification des financements permet l'innovation", a plaidé Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse. Mais pour Philippe Jahshan, président du Mouvement associatif, l'hybridation des ressources associatives est déjà effective et il semble difficile d'aller encore plus loin... "La recherche de rentabilité n'est pas applicable à tous les sujets", a par ailleurs rappelé Axelle Davezac, directrice générale de la fondation de France.  

Des réflexions sont en cours sur la fiscalité des associations et les statuts juridiques, portées notamment par le Haut cCnseil à la vie associative. "Jusqu'où on va ?" Gabriel Attal a à ce stade plus de questions que de réponses, affirmant simplement que, sur le poids de la philanthropie, "on n'est pas du tout dans le même modèle" que celui des très puissantes fondations américaines. Il a d'ailleurs été interpellé sur la fiscalité du don, à l'approche des arbitrages relatifs à la "chasse aux niches fiscales" (voir notre encadré ci-dessous).

Vice-président délégué du Crédit coopératif, président de l'Avise et d'ESS France, Jérôme Saddier a de son côté appelé à la vigilance sur les "effets d'annonce" concernant le financement de l'économie sociale et solidaire, pointant la frilosité des investisseurs notamment sur les fonds d'amorçage.

"Le mécénat n'est pas une niche fiscale"… mais "des discussions sont en cours"

Sur la fiscalité du don, surtout ne rien toucher. C'est le vœu qui a été à la fois exprimé par Axelle Davezac, directrice générale de la Fondation de France, et Philippe Jahshan, président du Mouvement associatif. "Sinon, il ne va plus rester grand-chose", a laconiquement relevé Philippe Jahshan.
Dans sa "chasse aux niches fiscales", le gouvernement s'intéresserait en effet à la fiscalité du mécénat d'entreprise. Or les dons aux associations et fondations seraient déjà en baisse, de 4% depuis 10 ans selon le dernier baromètre de France générosités.
Dans un communiqué du 5 juin, les présidents de six réseaux – France générosités, Admical, Mouvement associatif, Centre français des fonds et fondations, Les entreprises pour la cité, Association française des fundraisers – ont ainsi alerté le gouvernement sur les conséquences potentiellement désastreuses d'une fragilisation du mécénat. Cela à l'heure où les associations et les fondations sont déjà "lourdement impactées" par des décisions récentes – dont la réduction des contrats aidés, la suppression de la réserve parlementaire et la transformation de l'ISF en IFI – et par la baisse structurelle des financements publics.
"Le mécénat n'est pas une niche fiscale", a répété Gabriel Attal le 11 juin, comme il l'avait déjà fait le 6 juin devant les sénateurs. Le secrétaire d'État en charge de la vie associative s'est dit "très vigilant sur le risque d'effet signal, qui pourrait perturber d'autres financeurs et d'autres aspects du secteur". "Des discussions sont en cours", a-t-il poursuivi, considérant qu'il ne fallait pas "défendre par principe un statut quo". La question de la transparence et de l'évaluation devrait être à l'ordre du jour, et peut-être également celle du mécénat de compétence. Ce dernier serait devenu "directement utile à l'entreprise", a jugé Gabriel Attal, qui a mis en avant le fait que 50% des entreprises concernées ne déduiraient pas ce don de leur impôt, alors qu'elles y ont droit dans les mêmes conditions que pour le don numéraire (réduction de l'impôt à hauteur de 60% du montant du don, le mécénat de compétence étant valorisé au prix de revient, soit le salaire lié au temps passé par le salarié et les charges).