Autonomie énergétique des outre-mer : l’État doit accompagner les collectivités 

Assurer une autonomie énergétique des outre-mer fondée sur des sources d’énergies décarbonées est une véritable gageure, et particulièrement en matière de mobilité. Pour y parvenir, un rapport présenté par la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale appelle l’État à "affiner" les différents leviers existants, notamment fiscaux, pour appuyer les décisions prises localement.

Améliorer l’autonomie énergétique des outre-mer : vaste sujet auquel s’est attachée la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale dans un rapport d’information dévoilé ce 19 juillet. Une tâche "ardue" tant l’économie et les habitudes de vie y reposent en grande partie sur une forte dépendance aux hydrocarbures. De plus, ces territoires ne sont pas interconnectés avec le réseau électrique pour assurer leur approvisionnement et importent encore largement l’énergie, dont ils sont peu ou pas producteurs. Au terme de leurs travaux, les deux rapporteurs - Davy Rimane (GDR-Nupes, Guyane) et Jean-Hugues Ratenon (LFI-Nupes, Réunion) - font d’emblée le constat que les territoires ultramarins "ne pourront pas agir seuls". Les acteurs institutionnels - EDF, la Commission de régulation de l’énergie (CRE), la direction générale de l’énergie et du climat, etc. - devront nécessairement les accompagner à travers un certain nombre d’outils déjà à l’œuvre mais dont le rôle devra être "affiné" pour mieux prendre en compte les spécificités des outre-mer. 

Une cible atteignable à l’horizon 2030 pour l’électricité…

"En poursuivant et en amplifiant les efforts entrepris, la transition vers une électricité décarbonée peut raisonnablement être considérée comme atteignable d’ici 2030", estime le rapport. Solaire, énergies marines renouvelables, géothermie, biomasse, etc., les territoires ultramarins disposent d’atouts considérables en la matière et certaines collectivités s’en sont déjà emparées avec des résultats encourageants. La valorisation des déchets combustibles apparaît également comme un moyen particulièrement vertueux pour sortir du modèle du "tout-enfouissement". Et le territoire réunionnais présente, par exemple, de nettes avancées sur la filière puisque deux projets sont en cours. 

… mais un mur difficile à franchir pour le transport

Les rapporteurs sont en revanche nettement moins optimistes sur la mobilité, "plus difficile à rendre vertueuse". Pour de multiples raisons (coût élevé, manque de bornes, filière en construction), le basculement vers la voiture électrique est "plus lent" dans les outre-mer que dans l’hexagone. Aller vers le "tout électrique" est en outre, selon eux, "une fausse bonne idée", entre autres eu égard au problème du recyclage des batteries usagées, actuellement inexistant sur place. Le rapport privilégie donc d’autres pistes en appelant notamment à encourager les initiatives à l’œuvre dans ces territoires pour développer l’offre de transports en commun en site propre (projets de tramway et de téléphériques à La Réunion, bus à haut niveau de service en Martinique, Nouvelle-Calédonie, Guyane et à Mayotte). Il préconise également "de relancer l’offre de transport ferroviaire", en particulier à La Réunion et de mettre en place "une prime pour tout achat d’un moyen de transport 'doux' (vélo, trottinette…)". Il propose en outre de créer des centres de recyclage des batteries et des panneaux solaires usagés.

Faire du sur-mesure 

Chaque territoire ultramarin doit pouvoir définir sa stratégie propre en fonction de ses réalités. "Imposer une transition qui ne prendrait pas en compte cette diversité – et ne serait pas accompagnée – est voué à l’échec", insiste le rapport, appelant à "accompagner les décisions prises localement". Il s’agit notamment pour la CRE de mieux chaperonner les projets dans les territoires ultra-marins - grâce à la CSPE (contribution au service public de l’électricité) - pour permettre le développement de filières locales. De leur côté, les collectivités doivent aussi s’inscrire comme acteurs du territoire pour la maîtrise de l’énergie (MDE) au travers des programmations pluriannuelles pour l’énergie (PPE) afin de bénéficier du cadre de compensation mis en place par la CRE. Les rapporteurs invitent par ailleurs le gouvernement à publier rapidement le nouvel arrêté tarifaire photovoltaïque relatif aux outre-mer, avec des tarifs attractifs pour relancer la pose de panneaux solaires. Il serait en outre judicieux, remarquent-ils, de modifier l’article 2253-1 du code général des collectivités territoriales pour permettre aux communes ou à leur groupement d’investir dans des sociétés commerciales exploitant des centres de stockage d’énergie. 

Faire sauter le tabou de la fiscalité

"La transition énergétique conduira inévitablement à une révolution copernicienne en matière de fiscalité, car les ressources des collectivités sont actuellement basées en grande partie sur les produits pétroliers", note le rapport. Autrement dit, demander aux collectivités de promouvoir la mobilité électrique revient à leur demander d’amputer leur budget. C’est pourquoi la mission recommande "de garantir des ressources aux collectivités qui s’engagent dans la transition énergétique via la compensation [financée par la CSPE] de la baisse des ressources basées sur la taxation des produits pétroliers". 

Enfin, plusieurs recommandations spécifiques à certains territoires sont émises. S’agissant de la collectivité de Saint-Martin, la mission préconise d’inclure le territoire dans la "stratégie nationale de développement de la filière géothermie". Les rapporteurs préconisent également de modifier la législation sur l’eau applicable à Saint-Barthélemy pour permettre aux habitants de consommer, après filtrage, l’eau de leurs citernes. Pour réduire la dépendance des deux territoires aux énergies fossiles, il convient, selon eux, "d’approfondir les études sur la faisabilité du projet d’exploitation géothermique des 'îles Leeward' afin de, le cas échéant, participer à cet investissement écologique international". Les rapporteurs demandent aussi à ce que l’État participe au financement des travaux d’entretien et d’extension capacitaire du réseau électrique guyanais "pour éviter les trop fréquentes coupures électriques, mieux desservir les populations et permettre le raccordement de producteurs privés". 

 

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